La recommandation Idrabib : interopérabilité et protection des usagers
Posted by Dominique Lahary sur 19 novembre 2007
RFID : Et la gestion des collections change de dimensions, journée d’étude de la ville de Calais, 8 novembre 2007 :
La recommandation Idrabib (identification par radiofréquence en bibliothèque) : interopérabilité et protection des usagers
J’ai été invité à participer à cette journée d’étude sur la RFID et les bornes de prêt automatique. Elle fut à la fois pratique et éthique. Pratique par les retours d’expériences extrêmement concrets. Ethique parce qu’y fut célébrée, grâce aux bornes de prêt automatique, l’autonomie de l’usager mais aussi le respect de la confidentialité des emprunts.
Cela allait bien avec mon propos. La recommandation Idrabib est née en 2006 d’une concertation entre associations de bibliothécaires, fournisseurs systèmes RFID et fournisseurs de SIGB. A la suite d’une alerte bienvenue d’Hervé Le Crosnier, nous avions inclus dans la recommandation la phrase suivante :
«Les associations professionnelles éditrices du présent document recommandent qu’aucune donnée personnelle ni aucune donnée sur les pratiques et usages ne figurent sur une puce d’usager, mais seulement les informations numériques ou alphanumériques strictement indispensables pour identifier l’usager dans le système d’information de la bibliothèque.»
L’ensemble de la recommandation, qui repose sur le principe de non redondance entre données contenues dans la puce et celles gérées par le SIGB, réduit la première à une simple collection de codes sans signification intrinsèque, ce qui semble garantir la protection de la vie privée des usagers.
Philippe Gauchet said
Tout d’abord, Dominique, je tiens à te remercier de ta participation à ce séminaire et la clarté de ton intervention. Je pense que tu as contribué à (re)mettre les pendules à l’heure.
J’ai souhaité que tu interviennes parce qu’il me semblait important de faire tomber un certain nombre d’a-priori sur la RFID. A priori aussi bien négatifs que trop optimistes d’ailleurs. On dit et écrit beaucoup de choses aujourd’hui sur la RFID en bibliothèques mais trop peu la pratiquent déjà concrètement. Ce qui explique les approximations lues par ci par là. Il y a un amalgame entre la puissance de cette technologie et les applications que l’on peut en faire dans un réseau de lecture publique. Non, les bibliothécaires ne vont pas pister les paniers de livres de leurs lecteurs dans les rues. Ils n’en n’ont ni la volonté, ni les moyens. La recommandation IDRABIB prouve matériellement – à ceux qui en douteraient encore- qu’aucune donnée confidentielle n’est écrite sur la puce, juste une suite de chiffres inexploitables sans SIGB.
La notion de non redondance des données est fondamentale (et tu l’as bien souligné dans ton intervention). Outre son aspect pratique, elle sous tend un aspect éthique.
Le contenu de nos puces consiste en une suite de chiffres et codes incompréhensibles et inutilisables ? Car une puce RIFD est inexploitable sans son SIGB.
Alors on peut toujours imaginer que – grâce à je ne sais quel procédé qui reste à inventer – il soit possible de faire le lien entre les SIGB des bibliothèques et les puces nomades dans nos villes. Sincèrement quel intérêt réel alors que nos téléphones portables sont dores et déjà beaucoup plus délateurs sur nos pratiques, nos déplacements ? Admettons que ce mauvais scénario de science fiction soit techniquement possible. Que représentent les usagers des bibliothèques, même en partant du principe que toutes les bibliothèques françaises soient passées à la RFID : à peine un peu plus de 17 % de la population, soit 5,6 millions d’abonnés lecteurs, alors qu’on estime le nombre d’abonnés au téléphone mobile à plus de 47 millions d’abonnés ?
Alors, non la RFID des bibliothèques n’est ni Big Brother, pas plus que le système idéal qui nous affranchira de compatibilité nécessaire entre SIGB voire même de se passer de bases de données puissantes.
Tu notes, de manière tout à fait pertinente, que les bornes de prêt automatique contribuent à l’autonomie des usagers mais aussi à la confidentialité des emprunts.
Ce second point est en effet un des enseignements de cette journée. Lorsque nous conduisions la réflexion en vue d’équiper Calais, j’avais été frappé, au cours des visites faites dans des bibliothèques belges et néerlandaises, de la préoccupation des collègues étrangers sur la question de la confidentialité des transactions. Selon ces collègues, le libre service est une quasi nécessité, non pour gagner du temps ou fluidifier les transactions mais parce qu’il est à leurs yeux absolument fondamental de garantir à leurs usagers la discrétion de leurs lectures. Cela m’a semblé sur le coup « exotique » !
En France nous affirmons depuis longtemps que le contact à la banque de prêt et de retour est essentiel pour bien connaitre son public et le conseiller.
Et si, depuis plus de trente ans, nous nous trompions, au moins partiellement ? Et si l’usager emprunteur, se préoccupait – inconsciemment ou non- du « quand pensera-t-on », lorsqu’il présente ses documents à l’agent de la banque de prêt ?
Le témoignage apporté par notre collègue de Nogent sur Marne qui s’est amusé à comparer les taux de rotation de certains ouvrages sur les automates par rapport à la banque de prêt, prouve que les collègues belges et néerlandais sont dans le vrai dans leur souci de confidentialité.
Selon son milieu social, on va peut-être éviter d’emprunter des ouvrages trop faciles, trop légers. On n’osera peut-être pas emprunter devant un agent de la bibliothèque certains titres polémiques. Alors bien entendu cela ne concerne peut-être pas la majorité des usagers. Mais cette pratique non confidentielle dans les bibliothèques françaises, aurait-elle une part de responsabilité – même infime – dans la non-inscription de certaines personnes ?
On a vu à quel point la mise en place du libre accès des collections a dopé à une certaine époque la fréquentation des bibliothèques françaises. Le libre service – facteur d’une plus grande liberté de l’usager – n’est-il pas aujourd’hui, une nouvelle étape à franchir ?
Philippe Gauchet
Médiathèque de Calais
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