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Blog professionnel de Dominique Lahary, bibliothécaire. Mes propos n'engagent que moi.

Nous voilà nus face à l’Etat

Posted by Dominique Lahary sur 22 avril 2008

Il n’y a plus de DLL au numéro que vous avez demandé.

Le 17 avril, la nouvelle qu’on attendait est tombée : le ministère de la culture n’aura plus de direction du livre et de la lecture. Il n’aura plus que trois directions (patrimoine, création et diffusion, médias et économie culturelle) et le travail de la défunte direction a si peu présidé à la genèse de la nouvelle organisation qu’elle « fera l’objet d’une réflexion complémentaire ».

Le communiqué du ministère précise toutefois que « L’ensemble des professionnels de la culture et de la communication conserveront au sein de chaque direction générale des interlocuteurs sectoriels clairement identifiés ».

C’est une rupture radicale. C’est (presque) la fin d’une présence corporative des bibliothécaires au sein de l’appareil d’Etat.

Longtemps la politique de l’Etat en matière de développement des bibliothèques s’est appuyée sur la présence dans les directions ministérielles de bibliothécaires de profession qui ont proposé des orientations et travaillé à leur mise en oeuvre.

Aurions-nous eu sans cela l’ordonnance de 1945 créant les bibliothèques centrales de prêt ? Aurions-nous eu le « comité interministériel pour la lecture publique » lancé en 1966 par le Président Pompidou ? Aurions-nous eu la grande direction du livre de 1982 et des années suivantes, avec le grand directeur du livre Jean Gattégno ? Cette présence ne fut bien sûr pas tout, mais ces grandes impulsions sont nées de la réaction chimique permise par la rencontre d’une volonté politique et d’une expertise.

Cette présence a permis une continuité dans la politique de l’Etat, avec ses impulsions, ses dispositifs de financement, ses dispositifs de collecte de statistiques et d’évaluation.

Aujourd’hui se pose la question de ce que va survivre de tout cela. N’attendons pas de l’Etat une pensée sur les bibliothèques. L’Etat stratège ne sera pas stratège de ce qu’il réduit à un « secteur ». Mais exigeons au moins ce pour quoi l’Etat est mieux placé que les autres – les statistiques nationales, c’est un minimum. Les études prospectives, c’est indispensable (rappelons-nous l’enquête du Credoc). Et suscitons des politiques sectorielles : les constructions, le patrimoine écrit, la numérisation… – il y aurait aussi beaucoup à dire sur ma musique et le cinéma. Et les bibliothèques numériques, qui les coordonne ? Et la BnF, et la BPI, qui les missionne pour les politiques nationales ? Et l’Inspection générale des bibliothèques, ultime rrempart de l’unité des bibliothèques, qui la saisit et dans quel but ?

Sur le temps long, une longue décadence bien sûr. Démantelant en 1975 la DBLP (Direction des bibliothèques et de la lecture publique), l’Etat se privait d’une cellule de politique unifiée en matière de bibliothèque, avant de faire mine de compenser ce manque de 1989 à 2001, par l’existence du Conseil supérieur des bibliothèques.

Bien sûr, la DLL n’est pas la seule victime de la réforme. A la trappe, les archives, la musique et la danse, les musées. Tout cela est remouliné en trois concepts, quand chacun de ses domaines ressortit à la fois au patrimoine, à la création, à la diffusion, à l’ »économie culturelle. La structure crée la pensée. Que pensera l’Etat ? Il faudra en tout cas, plus que jamais, lui donner à penser, exister face à lui, assumer une continuité que, dans son organisation, il s’apprête à ne pas voir..

Le communiqué en fait l’aveu : « le rattachement des missions de la direction du livre et de la lecture, qui touchent à la fois au patrimoine, à la lecture publique et à l’économie du livre, fera l’objet d’une réflexion complémentaire ». Autrement dit : la cohérence ce des missions n’a en rien présidé à la réorganisation du ministère, et on bricolera après coup pour caser les quelques fonctionnaires encore chargés de ces dossiers.

Lors des rencontres de l’ACIM des 31 mars et 1er avril , j’avais tenté de répondre, en m’exprimant à titre personnel, à la question « Les associations professionnelles peuvent-elles peser sur les pouvoirs exécutif et législatif ? » [textediaporama ]. Je me préparais en quelque sorte à cet évènement attendu en plaidant pour la relation politique aux cabinets ministériels et aux parlementaires.

Nus mais pas abattus.

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3 Réponses vers “Nous voilà nus face à l’Etat”

  1. […] Mercredi 30 Avril 2008 “Nous voilà nus face à l’Etat” ou la mort de la DLL par Dominique Lahary Posted by memoire2silence under HUMEUR | Tags: Direction du Livre et de la lecture, Dominique Lahary, Fin de la DLL, Ministère de la culture |   Nous voilà nus face à l’Etat […]

  2. Urvoas Christine said

    Bonjour à vous,
    Je suis atterrée par cette disparition et surtout par le manque de réactivité de la part des associations professionnelles. Nous glissons vers la « Collaboration » et nous laissons faire…Rendez-vous au congrès ABF en juin prochain . Cordialement Christine Urvoas, Bibliothécaire

  3. […] Publié par Dominique Lahary sur 5 juin 2008 [suite de mon billet du 22 avril] […]

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