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Blog professionnel de Dominique Lahary, bibliothécaire. Mes propos n'engagent que moi.

Les bibliothèques dans les nuages

Posted by Dominique Lahary sur 11 janvier 2010

Lors de plusieurs interventions en 2007 (notamment un colloque de l’Assemblée des départements de France le 17 mars, une rencontre professionnelle à Tours le 7 avril, une conférence à Genève le 9 avril 2009 et, une journée d’étude à Martigues, 19 octobre 2009), j’ai utilisé un schéma en trois cercles (ou plutôt trois ensembles) pour représenter la relation entre bibliothèque et web :

  • Le premier cercle, qui englobe tout, est le web dans son ensemble. Il constitue la bibliothèque globale, même si c’est aussi bien d’autres choses.
  • Le second est l’ensemble des « bibliothèques dans les nuages ».
  • Le troisième est constitué par les bibliothèques locales, lieux physiques.

Le schéma animé est .

Cette analyse ne vaut bien sûr que si on considère le côté numérique des choses : comme lieu physique d’accueil et de service, la bibliothèque locale renvoie à d’autres besoins et d’autres relations.

J’ai conçu cette représentation en réactions à de fréquentes analyses et propos concernant les bibliothèques dans l’univers numérique, notamment dans la presse généraliste. Quant on parle des bibliothèques, il me semble qu’on ne parle de quelques-unes, qui ont quelque chose à numériser. Mais la plupart ne sont pas concernées. Or elles ont bien naturellement une place dans le paysage général. Ne confondons pas numérisation (l’acte de numériser ce qui n’est pas numérique) et numérique (l’état d’une ressource). Toutes les bibliothèques devraient avoir affaire avec le numérique, peu finalement avec la numérisation.

Développons.

Le web n’est pas une bibliothèque, dit-on dans les milieux bibliothécaires, ce qui se conçoit si l’on définit la bibliothèque comme un ensemble organisé de documents. Mais si on se place du point de vue des utilisateurs, il me semble que la bibliothèque se définit comme un ensemble permettant de chercher, de trouver et de s’approprier une ressources, momentanément ou non, pour l’utiliser. En ce sens, le web dans son ensemble  remplit bien une fonction bibliothèque, même s’il en remplit bien d’autres Voilà le premier cercle.

On peut définir les bibliothèques numériques comme des ensembles organisés de ressources numériques, mises en place par une ou plusieurs bibliothèques institutionnelles. Si elles sont accessibles sur le web, qui est bien  utile, elles constituent alors une contribution qui peut-être cohérente, vérifiée, sélectionnée, à la bibliothèque globale qui n’est rien de tout ça. Elles relèvent me semble-t-il de ce qu’on décrit comme le « cloud computing », l’informatique dans les nuages, qui fait que l’on stocke sur Internet, non sur son disque dur, ses messages, ses photos de vacances ou même ses applications. Ce sont les « bibliothèques dans les nuages » (j’utilise cette expression pour son caractère imagé, et par analogie au « cloud computing », l’informatique dans les nuages, qu’on me pardonne cette approximation) . Sans elles il manquerait quelque chose au magma du web. Si comme c’est préférable ces bibliothèques sont librement indexables par n’importe quel moteur de recherche, beaucoup d’internautes tomberont une  ressource de ces bibliothèques numériques en passant par un moteur. Certains qui identifient la bibliothèque par son portail, où fréquentent un outil de recherche spécifiquement bibliothécaire, utilisant un protocole de recherche mutualisée, se promèneront spécifiquement dans une bibliothèque ou un ensemble de bibliothèques. Et peut-être les premiers, atterrissant sans l’avoir chercher dans un tel ensemble, rejoindront-ils les second.

Et les bibliothèques physiques ? Ce sont elles qui reçoivent le public dans leurs locaux, mais aussi sur leurs sites web. Quelques-unes ont une collection numérique, éventuellement dans les nuages. La plupart en sont dépourvues, même si elles relaient, contre paiement, un accès à des ressources qu’elles ne stockent pas. Elles sont, entre autre,  des relais des deux premiers cercles. Elles donnent accès de leurs locaux ou de leurs sites et font, sur place par la présence humaine ou sur écran par la médiation virtuelle, œuvre de facilitateurs de l’accès et de sa grammaire.

Les bibliothèques et le numériques ? De quelles bibliothèques, de quelle bibliothèque parlez-vous ? Si vous ne voyez qu’un des trois cercles, vous ne voyez pas le tout.

(rectification de ce billet le 15 janvier 2010 suite à une remarque de Quentin Chevillon).

8 Réponses to “Les bibliothèques dans les nuages”

  1. dbourrion said

    Tiens, amusant, je poste ce matin Continuum sur Face-Ecran, où j’explique qu’il n’y a pas de rupture entre la bibliothèque physique et la bibliothèque dans les nuages. Pour moi, les cercles ne sont pas étanches (enfin, sauf ceux de l’Enfer évidemment)

    • J’aime bien l’idée de contionuum mais pour moi c’est celui de l’usager, non de la bibliothèque vue comme u,n tout a priori. La bibliothèque est utile çà l’usager si elle lui permet de créer son propre continuum

  2. il serait intéressant de décrire deux autres postures :
    – celle de l’usager pour savoir comment il « cercle » tout ça et quelle est la porosité entre les cercles
    – celle du bibliothécaire pour connaître son « emplacement » exact, au-dessus des cercles, dans le noyau du 1er cercle, dans la bibliothèque physique avec un tableau de bord « cercles »

    Et reparler de bibliothécaire numérique et/ou médiateur numérique

    signé
    un amateur du cercle des bibliothécaires disparus

    • L’usager souvent utilise les moteurs. Par eux il peut tomber sur une « vraie » bibliothèque et y prendre ses habitudes. Pour beaucoup d’usager peu importe sur quel flacon il est tombé pourvu qu’il ait l’ivresse. La porosité c’est la circulation de l’usager.
      Le bibliothécaire ? S’il est situation il peut participer à la construction, à l’entretien d’une bibliothèque dans les nuages. Le bibliothécaire « local » peut aider ses usagers à cheminer dalles ns les deux premiers cercles (c’est là une partie de la « médiation numérique », l’autre partie étant constitué par les ressources numériques « locales », c’est-à-dire d’une part celles qui appartiennent à la bibliothèque locale et inaccessibles dans les nuages, et d’autre part les ressources distantes pour lesquels la bibliothèques locale paie pour que ses usagers y aient accès).

  3. Souchu said

    Pour un centre de documentation d’entreprise, comme celui dont je m’occupe, le web est bien une bibliothèque et notre catalogue est assez majoritairement une description des ressources du web (la bibliothèque globale dont tu parles). L’ensemble organisé de documents qui constitue notre bibliothèque physique est exactement sur le même plan, en terme d’usages, que l’ensemble d’éléments du web organisés par l’intermédiaire de notre catalogue (ou base de données). C’est le documentaliste, à partir de sa pratique, mais également à partir des pratiques de documentation des collègues de l’entreprise, qui mémorise et organise (parfois pérennise) les récoltes documentaires faites sur le web.

    Je remarque que la porosité bibliothèque physique / web est à double sens : notre catalogue organise, à notre usage, des segments de la bibliothèque globale, et, inversement, les catalogues en ligne décrivent nos ressources physiques précieusement hébergée et maintenues à portée de notre main : nos périodiques scientifiques et techniques sont parfaitement décrits, indexés, résumés et indexés par les bases en lignes des éditeurs scientifiques, par exemple.
    Bien cordialement à toi, à qui je n’ai pas parlé depuis bien longtemps !

    • Bonjour Philippe, heureux d’avoir de tes nouvelles ! Je suis d’accord avec toi pour cc’est l’onsidérer le premier cercle comme une bibliothèque. Il n’est pas organiser en soi… autrement que par les dispositifs d’accès, mais maintenant c’est l’accès qui organise. Les moteurs organisent, un centre de doc comme le tien aussi.
      Et vivent les double sens !

  4. Quentin Chevillon said

    Bonjour,

    il me semble que dans cet exemple, l’utilisation de l’expression « informatique dans les nuages » (cloud computing) n’est pas légitime.

    Ici, « informatique dans les nuages » semble être simplement synonyme d’Internet (sur les schémas, on représente souvent Internet pas un nuage).

    Ce qu’on désigne aujourd’hui par Cloud Computing, c’est un concept très technique : c’est la mise en place d’une couche d’abstraction entre le développeur d’application et le hardware (utilisation du processeur, de la mémoire et du stockage).

    Pour prendre un exemple, si vous avez un site « traditionnel », il doit être hébergé sur un serveur qui a un processeur plus ou moins puissant, plus au moins de mémoire et un disque dur plus ou moins gros. Si votre site vient à grossir, ce serveur ne suffira plus. Vous devrez alors prendre un nouveau serveur et réinstaller votre application dessus.

    Avec le Cloud Computing, vous ne vous souciez pas du tout de la machine sur laquelle votre application est hébergée. Vous louez une certaine puissance de calcul (computing). Si vos besoins augmentent, vous pouvez augmenter quasiment à l’infini la puissance de calcul utilisée. Pas besoin de se soucier comment les choses sont gérées derrière par votre fournisseur, et pas besoin de réinstaller.

    C’est donc un concept très technique qui concerne surtout les développeurs et les administrateurs réseau. Pour un « utilisateur final », il n’y a guère de moyen de savoir si le site qu’il consulte utilise ou non l’informatique dans les nuages.

    • Merci à Quentin de ces précisions techniques. C’était il l’a bien compris en dehors de mon propos, qui ne portait pas sur la technique mais sur deux choses : la place des bibliothèques, institutionnelles et numériques, dans le web et l’éventuelle fonction bibliothèque de ce dernier.
      C’est donc bien volontiers que je corrige ma copie, tout en gardons l’image des nuages, on va dire la métaphore.

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