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Blog professionnel de Dominique Lahary, bibliothécaire. Mes propos n'engagent que moi.

Les bibliothèques et le millefeuille territorial, 1 : Lecture publique à tous les étages

Posted by Dominique Lahary sur 13 novembre 2008

mille-feuillesJe poursuis la réflexion sur une éventuelle simplification du millefeuille territorial, commencée avec le billet du 9 octobre 2008 intitulé L’Etat stratège et les autres, en prenant la question par le petit bout de la lorgnette : les seules bibliothèques, ou plutôt, la seule lecture publique (qui ne concerne pas toutes les bibliothèques, mais pas seulement les bibliothèques).

Les analyses tendant à préconiser une réforme territoriale reposent sur trois idées forces : il faut réduire le nombre de niveaux de gestion, en spécialiser les compétences et mettre fin aux financement croisés.

A cet aune, le cas de la lecture publique est calamiteux : elle est à tous les étages et bénéficie de financements doubles, triples, voire quadruples.

Le rapport Lambert de décembre 2007 sur Les relations entre l’État et les collectivités locales contient en annexe des  schémas illustrant quelques exemples d’enchevêtrement de compétences (action sociale et médico-sociale, insertion socioprofessionnelle, formation professionnelle et formations sanitaires et sociales, enseignement scolaire et supérieur) et propose des « pistes de désenchevêtrement ».

Je m’en inspire pour dresser le schéma de la lecture publique en France :

mille-feuilles-bibli1

(où les flèches pleine indiques la gestion des établissements et les lignes en pointillé les subventions).

Seule la Région jour un rôle marginal, en faisant vivre un organisme de type Centre régional du livre. Dans quelques cas minoritaires, elle subventionne des investissement des commune sou intercommunalités.

Tous les autres échelons entretiennent des bibliothèques. Tous sauf la commune sont susceptibles de subventionner les échelons inférieurs (dans le cas du soutien des intercommunalités aux communes qui la composent, on parle de fonds de concours).

mille-feuilles-bm1Est-ce si grave, docteur ? Il ne semble pas. Si une mise en réseau plus affirmée est susceptible d’améliorer à bon compte l’efficacité de la gestion des bibliothèques, si le cadre intercommunal peut à l’évidence être utilisé plus pleinement et avec davantage de cohérence, il n’apparaît pas que cet empilement génère vraiment du doublon et du gaspillage de moyens.

Au demeurant, dans bien des cas, ce paysage se réduit à deux échelons : bien des bibliothèques municipales ne sont guère susceptibles de recevoir de subvention que de l’Etat, ce qui nous simplifie assurément le mille-feuilles :

Mais il est vrai que globalement, il y a bien cinq niveaux d’intervention en matière de lecture publique, sans parler des associations. J’y vois trois avantages :

1°) L’exercice de politiques.

Il y a eu, il y a peut-être encore une politique nationale en faveur de la lecture publique. Elle a un instrument : ce qu’on appelle le « concours particulier », c’est-à-dire un système de subvention fléchées et conditionnée à des critères d’éligibilité, dérogation du principe générale de la décentralisation qui veut sue l’Etat ne verse aux collectivités territoriales que des dotations globales.

007Subventionner, c’est influer. Financer, c’est se donner le droit à la parole. En édictant une norme de surface plancher comme condition de son aide à l’investissement, le fameux « taux James Bond » (« zéro zéro sept » m2 par habitant de surface hors œuvre nette jusqu’à 25 000 habitants, ce qui nous fait à peut près 0,05 m2 en surface utile), en conditionnant les défuntes aides du CNL à des dépenses documentaires par habitant et à la présence de personnel, l’Etat a contribué à ce que les collectivités territoriales améliore l’équipement du pays en bibliothèques et médiathèques à la hauteur des besoins.

De même, les nombreux conseils généraux qui ont adopté des plans de développement de la lecture publique soutiennent les communes et intercommunalités, dans le cadre d’une vision globale et à partir de critères d’éligibilité qui leur sont propres, à l’échelle du département, de l’aménagement culturel du territoire.

Je puis témoigner que ces dispositifs de subvention permettent souvent une co-écriture partielle des projets, pour le plus grand bien du public. Ainsi, la combinaison des politiques concours à l’amélioration d’un service public.

2°) L’élargissement du périmètre des financements publics.

Supprimer les financements croisés de la lecture publique, c’est condamner les habitants des petites communes, de celles qui ont peu de ressources et de celles qui attirent une population extérieure à la pénurie en matière de services. Le concours de collectivités au périmètre territorial supérieur est une façon d’élargir la base du financement, ce que je juge légitime pour compenser trois handicaps : la petite échelle, l’insuffisance des ressources et les charges de centralité.

Les financements croisés sont donc l’expression de la solidarité (intercommunale, départementale, régionale, nationale), principe qu’on admet dans le domaine social et qui a toute sa place en matière de lecture publique. Cette solidarité s’exprime par la subvention, mais aussi d’autres moyens comme la fourniture documentaire complémentaire que proposent les bibliothèques départementales.

3°) L’efficacité par la subsidiarité.

La subsidiarité, concept clé de la doctrine européenne, est un principe très simple permettant de penser la répartition des actions entre niveaux de puissance publique : pour chaque action, quel est le meilleur niveau de gestion, celui qui sera le plus efficace ? Ce qui se décline sous deux registres :

  • stratégique (à quel niveau l’action sera la plus cohérente ?) ;
  • (à quel niveau aura-t-on les moyens de l’action ?).

Ce principe conduit à de pas confier à un échelon supérieur ce qui se gère plus efficacement à l’inférieur, mais aussi à ne pas laisser ce dernier en charge d’une action qu’il n’est pas en mesure de mener de façon pertinente.

La subsidiarité ne porte nullement en elle-même la nécessité d’une répartition thématique des compétences, qui conduirait par exemple à ne confier la lecture publique qu’à un seul niveau. Elle peut au contraire permettre, pour un même domaine comme celui de la lecture publique, de penser une répartition des actions entre les niveaux de puissance publique, de même qu’on répartit l’entretien des routes ou la gestion des bâtiments scolaires et universitaires.

Ainsi par exemple le niveau national est-il pertinent pour coordonner les politiques de numérisation, avec la BnF, ou organiser certaines actions de coopération, comme la BPI ; le niveau régional pour organiser la coopération interprofessionnelle et mener des actions dans le domaine de la formation, du patrimoine écrit ; le niveau départemental pour organiser une formation plus adaptée aux besoins locaux et tendre vers l’égalité d’accès des citoyens par une action de soutien et d’équilibre ; le niveau communal ou intercommunal pour gérer des lieux publics. Ce ne sont que des exemples parmi d’autres et, en faisant abstraction de l’histoire, on pourrait penser une autre répartition, notamment pour la gestion directe des bibliothèques, qui nous aurait évité ce monstre conceptuel qu’est la « bibliothèque municipale à vocation régionale », mais enfin la répartition actuelle fonctionne, après tout.

Y a-t-il quelque chose à désenchevêtrer ? Peut-être, mais ce n’est pas criant. Il n’y a pas forcément de doublon, mais une répartition non issue d’un schéma imposé de haut, mais résultant de la libre administration de chaque collectivité.

En matière de la lecture publique, il ne s’agit pas d’assigner à un seul niveau de puissance publique une compétence fixe, obligatoire et incontestable, telle que la gestion de l’état-civil, mais de permettre la coalition des volontés et des moyens pour réussir le développement.

Faut-il limiter le nombre de niveaux ? L’angle que j’ai choisi ne permet pas d’en décider et ce n’est pas nécessaire, car ce n’est certes pas à partir du cas des bibliothèques qu’une éventuelle réforme territoriale sera décidée. On peut imaginer la réduction de cinq à trois ou quatre niveaux, par fusion des communes et des intercommunalités et/ou des départements et des régions. Cela n’empêcherait pas la mise en œuvre des trois principes que j’ai énoncés : mise en œuvre de politiques, modulation du périmètre des financements publics et subsidiarité.

Le petit bout de la lorgnette que j’ai choisi a-t-il permis d’éclairer le sujet général ? Ne me suis-je pas contenté de justifier l’existant ? Au lecteur d’en juger.

Voir aussi :

2 Réponses to “Les bibliothèques et le millefeuille territorial, 1 : Lecture publique à tous les étages”

  1. selma said

    comment faire la creme blanche en haut?

    • Anonyme said

      La « crème blanche en haut » est ce qu’on appelle en patisserie le « fondant ». Le fondant blanc est couramment utilisé par les pâtissiers pour glacer les éclairs, les religieuses, les millefeuilles. Il rentre également dans la composition de certaine recettes de caramel, de nougatine et de sucre cuits…
      Le fondant se travaille à la spatule ou à la poche à douille indifféremment et son aromatisation est des plus classique. Il se réchauffe au bain-marie, au micro-ondes ou en étuve (entre 30 et 35°C).
      Il faut, pour le détendre et augmenter sa tenue, ajouter du sirop à 30°B (staboline 660) mais surtout jamais d’eau.
      Les conditions climatiques feront préférer par temps chaud ce type de fondant pour un confort de travail.
      C’est important car le fondant est l’une des composantes essentielles du discours technocratico-consensuel laharien.
      Pour en savoir plus : http://www.marmiton.org/Recettes/Recette_mille-feuilles_33004.aspx

      Amicalement,
      Yvonnic

      NB; A l’attention du cultureux, il faut préciser que mille-feuille ne prend pas de « s », même s’il est territorial. C’est au J.O. du 6-12-1990. En effet mille-feuille ou millefeuille (les deux graphies sont en usage) ne désigne pas mille (ou beaucoup de) feuilles, mais un gâteau, et ne prend donc pas d’s au singulier, de même le ramasse-miettes ne se réfère pas à des miettes à ramasser, ni à l’acte de les ramasser, mais à un objet unique.
      On ne voit donc pas pourquoi chercher à simplifier à toutes forces un objet unique, qui plus est si c’est un gâteau.
      Voualà, voualà!

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