D’octobre 2008 à novembre 2010 j’ai en 9 billets tenu une sorte de feuilleton de la réforme territoriale vue du petit bout de la lorgnette (les bibliothèques), avec une double ambition : apporter ma part par le biais d’un domaine que je crois connaître plus particulièrement, à la réflexion globale sur ce sujet d’importance et contribuer à la nécessaire appréhension par les bibliothécaires d’un contexte global qui les concerne absolument.
Le temps m’a manqué : je vais prochainement reprendre ce feuilleton. Mais une récente actualité m’oblige à un cri du cœur, à un billet d’humeur.
Lors de la discussion du projet de loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles finalement adoptée le 23 juillet 2013 par l’assemblée nationale après une première lecture au Sénat, les députés ont adopté le 19 juillet 2013 un amendement supprimant les intercommunalités de la petite couronne au profit de la métropole du Grand Paris.
Parmi les victimes éventuelles de cette mesure, si toutefois elle est confirmée au terme de la procédure législative, deux avaient pris en charge la lecture publique : l’agglomération de l’aéroport du Bourget et celle de Plaine commune.
Sans rien retirer aux mérites de la première, je choisis la seconde comme objet principal de mon indignation parce que le réseau intercommunal de lecture publique de « Plaine Co », comme on dit, était particulièrement convaincant impressionnant, et justement récompensé en octobre dernier par un prix Livres-Hebdo.
Vous le voyez, ce réseau, fondu dans immense réseau métropolitain ? Ou dissout sous prétexte qu’il ne correspond plus à une échelle d’administration territoriale.
Cela pose la question de la bonne échelle. Peut-on vraiment organiser de façon suffisamment efficiente, fluide et dynamique la lecture publique à l’échelle d’une métropole parisienne ? Dans l’immédiat, on ne le sent pas vraiment. Déjà Plaine commune semble offrir davantage de services en tant que réseau que la ville de Paris dans son périmètre.
Un des motifs affichés du meurtre des intercommunalités de la petite couronne est que puisqu’était créée la métropole parisienne, il ne fallait pas limiter les échelons. Singulière audace soudaine alors que les récentes réformes ou tentatives de régimes territoriales n’ont jamais osé remettre en cause le nombre de couches du mille-feuille.
Je ne dis pas qu’il faut organiser l’administration publique à partir de la lecture publique, mais que la lecture publique est un angle d’approche parmi d’autres pour poser la question de la bonne échelle.
Avant de tuer Plaine commune, Mesdames et Messieurs les parlementaires, de grâce, regardez-y à deux fois !
Le projet de loi passe en seconde lecture au Sénat à partir de demain 2 octobre 2013.
(Ce billet a été publié de ma propre initiative sans contacts préalables avec quiconque)
Billets de la même série :
La saison 2 : Bibliothèques en territoires
- 5 : Risques et enjeux de la nouvelle donne intercommunale, 22 octobre 2014
- 4 : Une compétence départementale à la croisée des chemins, 30 septembre 2014
- 3 : Questions d’échelle, 22 août 2014
- 2 : Inscrire les bibliothèques dans le big bang territorial, 22 avril 2014
- 1 : La lecture publique intercommunale en 10 leçons, 23 janvier 2013
- [Préambule] : Pourquoi tuer Plaine commune ?, 9 octobre 2013 [le présent billet]
La saison 1 : Les bibliothèques et le millefeuille territorial
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7 : le Sénat nous donne rendez-vous dans un an, 9 juillet 2010
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6 : culture en morceaux, financements en lambeaux ?, 25 mai 2010
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5 : les compétences culturelles dans une impasse… provisoire ?, 16 mai 2010
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4 : épouser la reconfiguration des périmètres et des compétences, pour le meilleur et pour le pire, 2 septembre 2009
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3 : tout à l’intercommunalité et à la région ?, 11 février 2009
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2 : Départementaliser les bibliothèques municipales ?, 31 décembre 2008
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1 : Lecture publique à tous les étages, 13 novembre 2008
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[Préambule] : L’Etat stratège et les autres : faut-il avoir la peau des départements ?, 9 octobre 2008