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Blog professionnel de Dominique Lahary, bibliothécaire. Mes propos n'engagent que moi.

Archive for mai 2015

Les bibliothèques au risque des bibliothèques publiques

Posted by Dominique Lahary sur 6 mai 2015

Cela fait pas mal de temps que mon engagement professionnel, à titre personnel ou dans les associations, tourne autour de cette idée : les bibliothèques sont des outils parmi d’autres de politiques publiques. C’est ce qui les fonde, leur donne tout leur sens.

PP-B-2Dès lors la responsabilité du monde professionnel n’est pas de cultiver à l’infini des problématiques bibliothéconomiques en ne se réclamant que de textes de références qui lui sont propres, mais de faciliter une appropriation par les décideurs, élus et cadres dirigeants, de l’outil bibliothèque qui peut se situer au croisement des politiques culturelles, sociales, éducatives.

PP-B-1Naturellement, cela met les bibliothèques à la merci des décisions politiques et peut mettre des bibliothécaires en contradiction avec leur valeur professionnelle.

C’est tout l’intérêt des associations professionnelles et d’autres formes d’expression et d’action publique que de permettre une expression de ces valeurs sur la place publique, tout en permettant à chacun, dans son emploi, de respecter le devoir de réserve.

Le Bulletin des bibliothèques de France m’a permis de développer ces thèmes avec le luxe de la longueur :

On lira avec intérêt le reste du dossier de ce numéro intitulé Liberté chérie :

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Sous les horaires d’ouverture, le social (1/2)

Posted by Dominique Lahary sur 4 mai 2015

horloge-poingLa question des horaires d’ouverture des bibliothèques a été réactivée dans le débat public après les événements tragiques de janvier dernier. L’idée selon laquelle ces horaires sont insuffisants, inadaptés, se répand. Elle apparaît aujourd’hui comme une pensée dominante, voire un dogme.

Je n’énonce pas cela parce que je lui serais hostile : au contraire, je n’ai jamais écrit sur ce sujet que pour partager le constat de l’insuffisance et la nécessité de la dépasser. Cela n’empêche pas de s’interroger sur son contexte social, au sein des équipes de bibliothèque.

L’injonction d’adapter ou d’élargir les horaires leur apparaît souvent comme venant d’en haut, la hiérarchie, l’administration, les élus, ce que la plupart d’entre eux appellent « la tutelle » ; pire aux yeux de certain, elle s’impose « de l’extérieur », dans le débat public, par des élus politiques nationaux ou des ONG (comme Bibliothèques sans frontières).

Or cette injonction survient apparemment dans une période particulière : celle où les moyens des collectivités territoriales sont à peu près partout en baisse sans qu’aucune perspective d’amélioration à court et moyen terme ne soit crédible.

Le sentiment est donc répandu qu’on veuille charger la barque alors que celle-ci est déjà pleine à craquer.

Il existe bien sûr un débat intellectuel sur les horaires d’ouverture, exacerbé par la question du dimanche, si encombrée d’enjeux et de symbolique. Mais ce débat ne se déroule pas seulement dans le ciel éthéré des idées. Derrière les arguments discursifs, deux réalités sous-jacentes :

  • Personne n’est ravi, c’est bien normal, d’avoir à travailler durant la pause méridienne, de finir plus tard le soir ou d’être de service le dimanche, d’autant, c’est une réalité, d’autant que le personnel des bibliothèques municipales, intercommunales et universitaires est déjà fortement mobilisée samedi, contrairement à celui de la plupart des autres services de ces collectivités. Cela touche à la vie personnelle et familiale.
  • Le fonctionnement actuel de nombreuses bibliothèques permet difficilement, au moins en première analyse, de dégager du temps pour l’élargissement.

Le sentiment si répandu que la demande d’adaptation et/ou d’extension des horaires d’ouverture s’impose comme une contrainte de plus repose sur un postulat : rien ne doit être ôté du fonctionnement actuel, tout retrait apparaissant comme une régression du service public. Ce que dans mon précédent billet sur le sujet j’exprimais ainsi : « Si on ne peut ouvrir plus que si l’ensemble des autres activités sont pleinement assurées, c’est que les horaires d’ouverture sont LA variable d’ajustement. »

C’est que nous ne sommes pas seulement dans une période de baisse tendancielle de l’argent public. Nous vivons surtout une double révolution : celle absolument inouïe du numérique en réseau, qui vaut bien l’apparition de l’écriture ou l’invention de l’imprimerie et bouscule la société, l’économie, la culture, et cette autre propre aux bibliothèques, mais connectée aux évolutions de la société, qui étend et modifie la demande de bibliothèque, les usages de la bibliothèque.

Pour simplifier, on attend des bibliothèques plus que la mise à disposition de collections constituées lieu par lieu et étanches entre elles assorties de quelques actions de valorisation de celles-ci. Il ne s’agit pas de faire toujours plus mais de faire moins ici et plus là.

Passer moins de temps sur la constitution des collections locales et plus sur l’accueil, moins (ou plutôt plus du tout) sur leur catalogage et plus la médiation y compris de ce que la bibliothèque ne possède pas.

Bref une réduction de ce qui a été considéré comme le « cœur de métier » et une nouvelle gestion de celui-ci par davantage de mutualisation grâce à la montée de l’intercommunalité.

Or c’est bien là où le bât blesse, ou plutôt où le cœur saigne : une bonne partie des personnels des bibliothèques publiques ont construit leur identité professionnelle sur l’entretien souvent exclusif de ces collections locales. Il y a comme un conflit de temporalité entre une évolution sociale et technologique très rapide et l’inévitable lenteur des mentalités collectives. Et il y a, osons le mot, une souffrance dans bien des équipes, souffrance de voir la commande politique et hiérarchique changer, bousculer les priorités, remettre en cause une identité professionnelle qu’on croyait installée pour la vie.

Voilà pourquoi, dans bien des collectivités, la question des horaires d’ouverture soulève au mieux des réticences et des interrogations, au pire des blocages, des protestations, des résistances, des crispations. Qui s’expriment par la voie individuelle ou collective, souvent syndicale. Ou par le silence, qu’il faut savoir entendre.

Car on l’aura bien compris : dire que l’extension des horaires d’ouverture n’est qu’une question de moyens supplémentaires, c’est refuser d’examiner l’ordre des priorités.

Mais parmi les formules souvent envisagées réclamant quelques moyens supplémentaires, figure le recrutement de vacataires. Lequel suscite lui aussi réticences, objection, résistance, au motif que le service public serait bradé par une moindre qualité. Là encore nous touchons à l’identité professionnelle, blessée parce que d’autres pourraient accueillir et renseigner le public.

La question des horaires des bibliothèques publique n’est pas nouvelle en France : en 1991, l’ancien inspecteur général des bibliothèques Louis Yvert pouvait titrer un de ses articles dans le n°151 du Bulletin d’informations de l’ABF « La tâche qui reste à accomplir est immense » ou les heures d’ouverture des bibliothèques municipales. Mais comme depuis les progrès ont été très inégaux et souvent inexistants ou peu significatifs, des habitudes ont été prises qu’il est difficile de changer brutalement.

C’est pourquoi il me semble que la principale difficulté à laquelle se heurte tout projet d’adaptation et d’extension des horaires est d’ordre identitaire, ou plus globalement humain et, puisque nous sommes sur le terrain du travail, social. C’est-à-dire aussi, pour les hiérarchies, d’ordre managérial, même si nous ne sommes pas forcément partout dans un clivage binaire hiérarchie / équipe. Ne nous y trompons pas : il ne s’agit pas pas seulement de travailler sur l’organisation des horaires… de travail, dont dépendent les horaires d’ouverture, mais sur le fond des choses, l’évolution des fonctions et missions des bibliothèques publiques en relation avec les mutations sociales et technologiques.

A cet égard, chaque situation locale est un cas particulier. Contentons-nous d’énumérer quelques mots ou expressions : écoute, démarche collective, négociation, compensations, mode projet, groupes de travail, ateliers, conférences, séminaires, échanges d’expériences. C’est facile à écrire : je souhaite sincèrement bon courage à toutes celles et tous ceux qui se retroussent les manches pour faire avancer cette cause d’intérêt public.

« Sous les horaires d’ouverture, le social », ai-je titré ce billet. Par le mot « social », je n’ai envisagé que les relations dans un milieu travail. Mais le social, c’est aussi la société : ce sera l’objet d’un autre billet.

Mes billets précédents sur la question des horaires d’ouverture :

 Mon diaporama du 22 janvier 2015 : Les horaires d’ouverture des bibliothèques, quelle histoire !

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