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Blog professionnel de Dominique Lahary, bibliothécaire. Mes propos n'engagent que moi.

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Les bibliothèques dans la recomposition territoriale, 3 : Du bon usage des fusions intercommunales

Posted by Dominique Lahary sur 29 août 2018

La France intercommunale est en train de digérer les fusions que les lois NOTRe du 7 août 2015 lui a imposées depuis de 1er janvier 2017. Dans l’unité urbaine de Paris, la loi MATPAM du 27 janvier 2014 avait même fixé le délai un an plus tôt. « Repérimétrages » serait un terme plus exact car si le cas le plus courant a été la fusion entre intercommunalités, il en est qui ont été démantelées. Il y a même de rares cas de périmètres qui ont légèrement rétréci.

Un exemple parmi d’autres : dans l’Eure on est passé au 1er janvier 2017 de 33 à 14 EPCI

Un choc plus ou moins brutal

Précédée de deux ans d’élaboration des schémas départementaux de coopération intercommunale (SDCI) sous la houlette des préfets, chargés d’établir le projet initial, cette nouvelle carte a pu être partiellement amendées par les propositions des élus locaux pour autant qu’ils trouvaient un accord entre eux.

Mais la pression a été forte de la part des Préfets, avec un zèle inégal selon les départements, pour pousser à des regroupements allant bien au-delà du seuil démographique de 15 000 habitants (hors zones peu denses et de montagne) ou de 200 000 dans l’unité urbaine de Paris.

C’est un nouveau changement d’échelle auquel il a été procédé, venant selon les cas après un, deux voire trois repérimétrages précédents (déjà la loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010 portant réforme des collectivités territoriales avait prescrit l’achèvement de la carte intercommunale et une réduction du nombre d’EPCI).

Il existe certes des cas où le choc est peu ressenti, en tout cas du centre. C’est en particulier le cas des communautés d’agglomérations ou des métropoles qui ont gagné au pourtour un certain nombre de communes dans leur pourtour. L’impression n’est évidemment pas la même depuis ces dernières : se retrouver à la frange d’une grosse collectivité ne va pas de soi.

Mais bien souvent se sont retrouvées dans la même marmite des communautés qui vivaient leur vie indépendamment l’une de l’autre ou en tout cas différemment et dont les communes membres sont désormais contraintes d’agir ensemble. A cela s’ajoute l’effet de taille, en termes de poids démographique ou de distances, ces dernières pouvant être importantes en zone rurale.

Dans un premier temps, il est logique que les élus et cadres dirigeants soient accaparés par la mise en place de la nouvelle structure, d’autant que celle-ci occasionne une redistribution des pouvoirs et souvent la concentration de ceux-ci. C’est une période qui n’est pas la plus propice à l’élaboration de projets.

Dans un tel contexte, que devient la coopération intercommunale en matière de bibliothèque ? J’ai, durant les deux années préparatoires au repérimétrage, projeté dans un certain nombre de journées d’étude et de formation un Guide de survie auquel je donne accès ici. Il s’agissait alors de ne pas casser ce qui préexistait même si ce n’était que dans une partie du nouveau territoire et de prendre le temps de construire de nouveaux équilibres.

Il y a eu un peu de casse ici et là durant cette période. Des élus ont cru bon de renvoyer aux communes des bibliothèques intercommunales, voire de briser des réseaux qui fonctionnaient. Mais nous voilà bientôt à la phase suivante. Que faire désormais ?

Le cadre intercommunal demeure extrêmement souple

Les modifications de périmètres intercommunaux n’ont en rien changé le cadre dans lequel peut s’exercer une coopération intercommunale et matière de bibliothèque. Les résultats de l’enquête lancée par l’ABF en montre la diversité (voir la restitution écrite et l’infographie).

La compétence relative à la création et à la question d’équipements culturels peut concerner, si le conseil communautaire en décide, tout ou partie des bibliothèques du territoire. La mise en réseau informatique des bibliothèques, qu’il est raisonnable d’associer à leur transfert à l’EPCI, ne lui est pas indissolublement liée : on connaît bien des réseaux de bibliothèques municipales ou de réseaux mixtes associations des établissements intercommunaux et communaux.

Quant aux autres domaines de coopération comme l’action culturelle au sein ou à partir des bibliothèques, elles peuvent librement s’organiser sans qu’il soit obligatoire de le mentionner dans les statuts de l’EPCI.

En définitive, la sagesse comme le sens de l’intérêt public commandent de considérer quels services aux populations les représentants des communes membres conviennent de garantir voire d’étendre ensemble ; puis quels moyens matériels et humains ils se donnent pour les gérer de la façon la plus vertueuse possible. Pour ce faire, l’intercommunalité fournit un cadre d’exercice de la liberté de choix des acteurs et non un carcan imposant tel ou tel modèle.

L’idée selon laquelle l’égalité de traitement imposerait d’uniformiser immédiatement les solutions dans tout le périmètre intercommunal, fût-ce au prix de la destruction des acquis préexistant au repérimétrage, se heurte à d’innombrables démentis à travers pays. Ceux qui la professent, même s’ils appartiennent à un service préfectoral, devraient comprendre que ce type analyse n’a pour conséquence que de briser des dynamiques qui au bout du compte sont susceptible d’installer cette égalité de traitement sur des bases solides en lui donnant un autre contenu que le néant.

Quelques cas types

Simplifions pour comprendre en distinguant quelques cas de figure radicalement différents que j’énumère sans prétendre bien sûr à aucune exhaustivité.

Pour simplifier j’ai privilégié dans les deux premiers cas une configuration avec un centre alors que la configuration polycentrique n’est pas rare ; elle présente d’ailleurs à la fois des avantages et des inconvénients.

Je n’ai envisagé que le cas des fusions d’EPCI alors qu’il y a eu aussi des cas de dissolution d’EPCI dont les communes se sont retrouvées dans des unités différentes, perdant ainsi toutes leurs compétences,

Centre fort : que devient la périphérie ?

Soit une agglomération (de la grande métropole régionale au bourg le raisonnement est le même) où la coopération est déjà bien développée. La totalité ou une grande partie des bibliothèques sont en réseau informatique, qu’il y ait eu ou non des transferts d’équipement à l’EPCI. La population bénéficie d’une carte unique, peut emprunter et rendre n’importe où, faire venir de tout le réseau dans le lieu de leur choix. Le tout mis en œuvre par des équipes constituées intégralement de salariés. Et voilà que dans le nouveau périmètre intercommunal surgissent des communes rurales qui avaient déjà  organisé entre elles – ou non – une coopération entre leurs bibliothèques entièrement ou majoritairement gérées par des bénévoles.

Ou bien, vu de l’autre côté : Soient des communes rurales qui avaient déjà organisé entre elles – ou non – une coopération entre leurs bibliothèques entièrement ou majoritairement gérées par des bénévoles.. Et voilà que dans le nouveau périmètre intercommunal surgit une agglomération où la coopération est déjà bien développée, etc.

Le centre se demande que faire de ces nouveaux arrivants. La périphérie balance entre deux appréhensions : « ils vont vouloir nous régenter », « ils vont nous abandonner ». C’est que nous avons là deux mondes qui ne se parlaient pas, qui s’ignoraient mutuellement, le centre ne se référant professionnellement qu’à lui-même, la périphérie s’abreuvant en documents et méthodes auprès de la bibliothèque départementale.

Face à un tel choc de cultures, le temps est le meilleur des alliés et l’apprivoisement réciproque, qu’on sait progressif depuis Saint-Exupéry, une méthode indispensable. Ce qui nécessite de se visiter et de se parler, entre élus, entre cadres dirigeants, entre salariés et bénévoles des bibliothèques, en respectant une égalité de statut entre les interlocuteurs.

On se gardera d’un côté d’impressionner la brousse avec un diaporama bétonné, de l’autre de surjouer la spécificité rurale sans fournir des signes permettant de reconnaître ce qui est commun dans les buts poursuivis, au service des populations.

Centre faible et périphérie avancée

Soit une agglomération où la coopération intercommunale en matière de bibliothèques est au point mort. La ville centre fonctionne sur elle-même, les communes alentours font de même. Mais plus loin des coopérations se sont construites entre communes rurales.

L’arrivée dans le même périmètre intercommunal de cette agglomération sans passé de coopération inquiète voire accable ces acteurs coalisés de la lecture publique rurale : pourvu qu’on ne plombe pas notre dynamisme.

Ou vu de l’autre côté : l’arrivée dans le même le périmètre intercommunal de commune rurales ayant développé leur réseau inquiète les acteurs divisés je la lecture publique urbaine et péri-urbaine : « pourvu qu’on ne bouscule pas nos habitudes » ; ou bien encore : « comment pourrions-nous donc nous raccrocher à cette dynamique alors que notre contexte est si différent ? »

Voilà une situation qui réclame de la part du centre urbain une humilité propre à reconnaître la dynamique existante au pourtour. Et de la part de ce dernier une confiance dans sa propre dynamique de nature à ne rien freiner tour en se tenant prêt à participer à une entreprise plus vaste.

Historiques différents apparemment peu compatibles

Soient des territoires ayant chacun entrepris des démarches différentes. Ici on a transféré toutes les bibliothèques à l’EPCI. Là on a mis toutes les bibliothèques en réseau, ou bien encore une partie, sans les transférer à l’EPCI, ou bien seulement une seule, ou quelques-unes. Là-bas on a simplement entrepris une coordination de quelques actions culturelles. Ailleurs encore rien n’a encore été réalisé ni même imaginé en matière de coopération intercommunale.

Tantôt la démarche si elle existe a déjà plus de 10 ans et est bien installée. Tantôt elle est récente,  entamée seulement au cours du mandat actuel et est encore fragile.

Dans un tel contexte, il est vain de vouloir tout rassembler d’un seul coup. La poursuite de chaque dynamique propre ne doit pas empêcher que se construisent dans le temps des coopérations à la nouvelle échelle intercommunale.

Périmètre sans acquis coopératif

Soit enfin un nouveau périmètre intercommunal où rien, absolument rien n’a jusqu’ici été entrepris n’ai même tenté en matière de lecture publique intercommunale. Cela existe.

Ce terrain vierge est d’une certaine façon une facilité, même s’il révèle une absence de dynamique coopérative et des habitudes locales bien ancrées. Pourvu que du côté des élus, des cadres dirigeants ou des personnels de bibliothèque se fasse jour une vision de la consolidation et de l’extension des services aux populations par la coopération, tout est ouvert. Passées les affres de la mise en place de la nouvelle structure intercommunale, la voie est libre pour une démarche globale inaugurée par un état des lieux puis l’élaboration de scénarios précédent les décisions au besoin échelonnées.

Freins et leviers

L’évocation de ces quelques configurations met en évidence des freins récurrents, notamment :

  • l’incompréhension entre contextes différents (rural/urbain, centre/périphérie, modes différents de coopération intercommunale) ;
  • le complexe d’infériorité du « petit » face au « gros » et de supériorité du « gros » face au « petit » ;
  • la difficulté à se mettre d’accord sur des conditions financières de partage ou de péréquation financière ou sur un tarif d’inscription.

Ces freins se rencontrent tantôt chez les élus, tantôt chez les cadres dirigeants territoriaux, tantôt chez les personnels salariés et bénévoles des bibliothèques, au pire chez les trois à la fois.

Il faut d’abord se dire que ces réactions sont courantes, normales, explicables pour ne pas dire inévitables. Il n’y a donc a priori rien d’inquiétant à ce qu’elles se produisent. Elles sont comme un passage obligé.

Il est possible de les dépasser s’il y a suffisamment d’acteurs, aux trois niveaux que je viens de citer, s’efforçant de ne pas commettre des erreurs de nature à les alimenter voire les aggraver. Et surtout prêts à les dépasser pour prendre la hauteur nécessaire en proposant une démarche et des projets.

Identifier les seuils

Comment poursuivre, comment aller plus loin, quels pas est-il raisonnable de franchir ? J’emprunte les considérations suivantes à Laurence Favreau que je remercie ici.

Il s’agirait d’apprécier quel est le bon moment pour engager une nouvelle étape dans les modes de gestion des bibliothèques ou l’organisation des services au public avec les meilleures chances de succès.

Ce peuvent être des considérations géographiques, l’attente d’une masse critique qui justifie par exemple qu’on puisse mettre en place une navette, ou augmenter sa fréquence et son gabarit.

Mais on peut aussi commencer par ce qui est immédiatement visible et peu coûteux, comme la mise en place d’une carte unique ou commune, dès l’instant que l’outil informatique est partagé.

En partant des services rendus on peut identifier des chemins de mise en place moins ardus que d’autres et des moments plus favorables de déclenchement de tel ou tel projet. Il vaut mieux éviter de s’épuiser à mettre un service en place si les conditions ne sont pas suffisamment réunies. On peut aussi « s’en garder sous le pied », préparer le terrain pour lancer le processus au bon moment.

Extrait d’un message transmis à la commission Bibliothèques en réseau de l’ABF.

Identifier des échelles maîtrisables

Les fusions ont souvent projeté les acteurs locaux dans une nouvelle échelle dans laquelle ils ont des difficultés à trouver leurs marques.

Deux réalités différentes, qui ne se cumulent pas partout, posent la question de l’échelle :  le nombre d’habitants (on devrait plutôt dire : de personnes évoluant dans le bassin de vie) et l’étendue géographique rapportée aux possibilités et pratiques réelles de transport.

La première soulève la question de la taille de l’organisation. Elle n’est pas forcément insurmontable mais la gestion directe d’un grand nombre de lieux et d’agents par une même administration pose des questions de gouvernance qu’il faut bien identifier. On les retrouve d’ailleurs dans un contexte purement municipal dans les plus grandes villes.

La seconde pose de réelles questions pratiques. Il n’est désormais pas rare que dans des EPCI à dominante rurale il faille compter jusqu’à 1h30 pour parcourir le territoire d’un bout à l’autre.

L’État central dispose d’une vieille méthode pour résoudre ce type de questions : la déconcentration. Elle gagne le milieu intercommunal et rien n’empêche de l’utiliser à bon escient, soit en se coulant dans un schéma général de déconcentration de l’EPCI, soit en procédant à une démarche propre aux bibliothèques ou à la culture en général.

Dans un domaine classique des réseaux de bibliothèque, celui de l’informatique, cela peut aller jusqu’à admettre la coexistence de plusieurs logiciels ou du moins de plusieurs bases de données, des solutions existant pour les interfacer. Il en va de même pour la logistique de transport des documents : plutôt que de tout faire tourner partout, il peut être pertinent de procéder par sous-zones de desserte, éventuellement interconnectées quand il le faut.

Finalement

Décidément, il n’y a pas de modèle pour la lecture publique intercommunale. L’enquête menée par l’ABF fin 2017 le rappelle, s’il en était besoin (je redonne ici le liens vers la restitution écrite et l’infographie qui en a été tirée).

Cela donne une grande liberté aux acteurs, dans la limite naturellement des moyens financiers.

Pragmatisme et progressivité, voilà pour la méthode. Étendre les services à la population en améliorant leur gestion, voilà pour les objectifs.

Les repérimétrages intercommunaux, en obligeant à remettre une pièce dans la machine, ont pu jeter le trouble dans des processus en cours et bousculer des acquis. Ils ne changent rien au contexte général ni à l’éventail des possibilités. S’ils multiplient l’hétérogène, ils ne l’ont pas créé : il existait déjà des situations composites.

Les obstacles peuvent être vaincus si tous les acteurs se convainquent que la coopération intercommunale est une chance pour la lecture publique : c’est un moyen de la pérenniser sur la base d’une gestion plus vertueuse. Le jeu en vaut bien la chandelle.

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Billets précédents de la même série
(tous affichables avec cette requête)

La saison 3 : Les bibliothèques dans la recomposition territoriale (2018-…)

La saison 2 : Bibliothèques en territoires (2013-2015)

La saison 1 : Les bibliothèques et le millefeuille territorial (2008-2010)

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Les bibliothèques dans la recomposition territoriale, 2 : Une nouvelle donne territoriale pour les bibliothèques ?

Posted by Dominique Lahary sur 9 février 2018

Texte écrit immédiatement en écho à la conférence inaugurale prononcée par le géographe Philippe Estèbe le 15 juin 2017 à Paris lors du 63e congrès de l’Association des bibliothécaires de France et paru dans Bibliothèque(s) n°90-91, décembre 2017.

La conférence inaugurale de Philippe Estèbe intitulée La nouvelle donne territoriale a fait forte impression auprès de nombre de congressistes(1). Soulignant la spécificité de l’espace humain français par rapport à ses voisins européens ayant connu un exode rural plus précoce et plus massif, avec un éparpillement bien plus considérable de la population et une relative faiblesse des villes. Ce phénomène a marqué notre vie politique, avec un nombre exceptionnel de communes et un principe d’égalité devant les services publics se révélant coûteux. Or les façons de vivre ont changé. 80% de la population active ne travaille pas dans sa commune de résidence, la moitié des actifs en change au moment de la retraite. La gouvernance des territoires se recompose sur une base intercommunale, notamment. « L’Ancien régime ne reviendra plus » conclut Philippe Estèbe.

Le conférencier assume de ne pas s’être penché sur le cas des bibliothèques. Ne lui en tenons pas rigueur : l’essentiel est qu’il ait su transmettre une analyse globale sur le territoire français. À nous de faire le lien avec les bibliothèques. C’est à quoi je me suis attaché tant son propos m’a paru jeter une lumière crue sur l’histoire récente de la lecture publique.

Les bibliothèques publiques se sont longtemps développées dans le cadre quasi exclusif de la commune, considérée comme responsable du fait d’entretenir ou non une bibliothèque municipale. Près de la moitié le font, selon le rapport de l’Inspection générale des bibliothèques sur l’équipement des communes et de leur groupement(2). C’est ce qui permet d’arriver au chiffre de 17 000 bibliothèques ou points de lecture. Et qui pourtant paraît encore insuffisant puisque nous pensons, avec l’Inspection, qu’il y a encore des trous dans le maillage.

Dès 1945 a été inauguré un dispositif de solidarité nationale en faveur des petites communes : les bibliothèques centrales de prêt, créés progressivement dans chaque département sauf à Paris et dans la première couronne d’Ile-de-France entre 1945 et 1985 pour soutenir les communes de moins de 15 000, 20 000 et finalement 10 000 habitants. Un moment chargées d’une politique substitutive avec des bibliobus de prêt direct, elles se sont en majorité, sur instruction ministérielle, tournées prioritairement vers le soutien aux bibliothèques des communes. Ce qui a conforté ce réseau dense de bibliothèques parfois gérées par des associations et en dessous de 3 000 habitants animées essentiellement par des bénévoles. Des bibliothèques aux locaux souvent exigus et aux horaires réduits et qui constituent une particularité française.

Le décalage entre l’échelon gestionnaire des bibliothèques locales et l’espace de vie des populations est apparu croissant. Les personnes ayant recours aux bibliothèques les ont mises en concurrence et se sont fractionnées en publics différents, le public de proximité, principalement les jeunes enfants, les parents isolés, les personnes les plus âgées, n’a recours qu’à la bibliothèque de sa commune. Les collégiens sont ailleurs quand le collège n’est pas dans leurs communes. Les adultes ayant une activité professionnelle fréquentent à l’occasion une bibliothèque proche de leur lieu de travail. Enfin, à l’échelle d’une agglomération, une partie du public, bénéficiant en majorité d’un capital culturel, fréquentent un ou des médiathèques attractives de centre-ville ou du moins de la ville centre.

La persistance d’une gestion municipale sans coopération intercommunale faisait perdurer l’illusion que chaque bibliothèque avait vocation à attirer l’ensemble de la population communale et devait par conséquent proposer une collection encyclopédique. La reconfiguration de la gouvernance territoriale trouve dans les domaines des bibliothèques une illustration éclatante.

Préfigurées lors de la mise en place des villes nouvelles au tournant des années 1970, les différentes solutions intercommunales (transfert de compétence complète ou partielle, mise en réseau informatique permettant sur la base d’une carte unique et grâce à des portails communs et des navettes une circulation des ressources physiques et numériques et des usagers) se déploient progressivement à travers le pays depuis la loi Chevènement de 1999. Les repérimétrages successifs provoqués par les lois de réforme territoriale entre 2010 et 2016 ont à la fois tracé le contour définitif de ces développements possibles et ça et là compliqué dans un premier temps l’agencement des solutions quand un nouveau périmètre réunit des territoires aux historiques coopératifs opposés.

Le cadre intercommunal permet de déployer et d’organiser les équipements et services à une échelle plus ou moins proches des bassins de vie en transformant la concurrence en complémentarité politiquement pilotée. Il apparaît avec évidence que seule la mise en réseau peut sans l’atteindre aller plus avant vers une égalité des personnes devant l’accès aux locaux et ressources, tout en maintenant un maillage fin (à un quart d’heure disons-nous) sous des formes diversifiée (y compris de petits équipements et points de service polyvalents) où l’attractivité de grandes et moyennes médiathèques constitue un point d’appui au service de tous.

C’est aussi le réseau qui peut permettre de maintenir et même d’étendre le nombre et la qualité des services dans un contexte financier contraint pour les collectivités, en améliorant efficience de l’organisation. Quant aux départements, lointains héritiers d’un dispositif compensatoire d’État, ils ont à se repositionner dans l’appui à la construction des réseaux intercommunaux tout en assumant, selon le principe de subsidiarité, des tâches et fonctions qui sont les plus efficaces à ce niveau.

Une nouvelle ère commence, ou plutôt, elle a déjà commencé mais mettra du temps à se mettre en place partout, car elle exige que changent bien des façons de concevoir les services et de les mettre en œuvre.


Notes (seule la note n°2 a été publiée dans la revue)

(1) « On en écoutera avec profit la captation vidéo sur le site de l’ABF à la rubrique Congrès, .

(2)  L’équipement des communes et groupements de communes en bibliothèques : lacunes et inégalités territoriales, Inspection générale des bibliothèques, 2015.

Le présent texte a été préalablement publié sur mon site web.

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Bibliothèques en territoires, 9 : La nouveauté métropolitaine

Posted by Dominique Lahary sur 15 octobre 2015

C’est la vraie, la seule innovation du processus de réforme territoriale lancé avec la commande du rapport Balladur remis en mars 2009 sous le titre Il est temps de décider. Et elle était déjà contenue dans ledit rapport : donner aux principales agglomérations urbaines française un statut de métropole qui absorbe les compétences départementales. Ainsi le millefeuille n’aura été réduit en hauteur – éventuellement en partie seulement – que sur ces quelques territoires.

Créé par la loi du 16 décembre 2010 portant réforme des collectivités territoriales, le statut des métropoles a été confirmé et amplifié par la loi du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles dite loi MATPAM. Et les dernières disposition, sur la métropole du grand Paris, ont été arrêtées par la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite loi NOTRe.

Carte publiée dans l’article « Métropole (intercommunalité française) » de Wikipedia

Carte publiée dans l’article « Métropole (intercommunalité française) » de Wikipedia

Onze métropoles sont déjà constituées autour de Bordeaux, Brest, Grenoble, Lille, Montpellier, Nantes, Nice, Rennes, Rouen, Strasbourg, Toulouse. Elles ont toutes pour origine une communauté d’agglomération ou une communauté urbaine. On attend au 1er janvier 2016 la création des métropoles d’Aix-Marseille et du Grand Paris qui, elles, seront des créations ex nihilo. Le Grand Nancy devrait fermer la marche courant 2016 à partir de la communauté d’agglomération du même nom.

Les métropoles, une formule d’intercommunalité de plus ?

A la très notable exception du Grand Lyon, seul a avoir rang de collectivité territoriale à part entière, les métropoles constituent un nouveau type d’établissement public de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre, s’ajoutant aux communautés de communes, d’agglomération et urbaines.

En matière de lecture publique, rien de neuf dans le libellé des compétences, et le Grand Lyon est d’ailleurs logé à la même enseigne : « Construction, aménagement, entretien et fonctionnement d’équipements culturels, socio-culturels, socio-éducatifs et sportifs d’intérêt métropolitain. » La différence avec les communautés de communes et d’agglomération (mais non les communautés urbaines) est que cette compétence est obligatoire et non optionnelle.

N’en tirons pas de conclusion hâtive : comme « l’intérêt métropolitain » est de tout aussi libre interprétation que « l’intérêt communautaire », les métropoles sont absolument libre de faire ce qu’elles veulent… en matière de transfert de bibliothèques. Et comme il y a bien d’autres choses à faire à part transférer (ce qui n’est rien à soi seul), nous sommes ramenés à la problématique générale de la lecture publique intercommunale que j’ai abordée dans mes Dix leçons.

C’est le premier étage de l’analyse, le plus aisé. Transférez si vous voulez. Toutes les bibliothèques, c’est plus cohérent. La plus importante c’est une façon de mutualiser les charges de centralité. Aucune, cela ne dispense pas de faire quelque chose.

Car l’essentiel ce sont les services à la population. On peut partager un système de gestion, un portail, des tarifs (dont la gratuité est une modalité), des cartes d’usager, des actions d’animation et activités diverses, des compétences. On peut proposer un service augmenté à la population métropolitaine : il y a moyen quels que soient les choix de transfert d’équipement

Les métropoles, des départements de type nouveau ?

La grande affaire de l’éventuel transfert des compétences départementales vers une métropole sur le territoire de celle-ci concernera évidemment les affaires sociales. On peut aussi évoquer une partie de la voirie ou les collèges. A côté, la lecture publique ne sera qu’un petit dossier. Qui a ici son importance.

Oublions un instant la problématique intercommunale pour nous demander ce qu’une métropole gagnerait à « faire le département » dans le domaine de la lecture publique.

Il ne s’agit plus là de gérer directement des bibliothèques, encore moins autour un équipement central ouvert au public, mais de faire réseau par un apport tournant en documents et outils d’animation, par la formation, par le conseil et l’accompagnement de projets, enfin par des aides financières en investissement et fonctionnement.

Ce que nous enseigne cette approche départementale, c’est que la métropole doit se situer à son bon niveau de subsidiarité, et exercer à son échelle des missions et tâches qui seraient moins efficaces à l’échelle communale.

Ainsi la coopération documentaire peut-t-elle s’exercer sur un autre mode que celui, vertical, de fourniture par un centre tel que l’est une collection départementale. On peut lui ajouter ou lui substituer le prêt de tous à tous. Cela ne nécessite pas obligatoirement un SIGB commun : c’est l’acquis de l’expérience de trois départements: le Jura avec Jumel http://www.jumel39.f/ , le Haut-Rhin avec Calice68 http://www.calice68.fr/ et le Val d’Oise avec RéVOdoc http://revodoc.valdoise.fr/ .Quant aux ressources numériques, il y a toujours là matière à mutualiser.

Au fond il s’agit, pour inventer une fonction métropolitaine, de mixer l’ingénierie départementale et la mécanique intercommunale, sans s’interdire d’innover.

Reste la question de l’action avec « l’ancien » département. Qu’on me permette de considérer comme hors sujet (plus exactement comme sans rapport avec l’intérêt public) les éventuelles querelles de paternité sur les petites communes passant de l’une à l’autre aire de responsabilité, avec rivalité et sentiment de perte.

Il apparaît plus raisonnable de raisonner en termes de partenariat, après une phase où le département est en tout cas source d’information et de savoir faire.

L’article 90 de la loi NOTRe impose une convention de délégation de compétence entre le département et la métropole.

La compétence « bibliothèque départementale n’y figure pas explicitement : tout est ouvert et laissé à la sagesse des deux partenaires.

Trois cas de figure

Vraie nouveauté, les métropoles ne se mettent pas en place en terrain neutre. Ce qui préexiste – ou non – sur tout ou partie de leur territoire a son importance. On peut distinguer trois cas de figure.

  • Il n’y a jamais eu de coopération intercommunale en matière de bibliothèque. Ce cas se rencontre dans plusieurs métropoles. Les habitudes n’ont pas été prises, du côté des professionnels comme des directions générales ou des élus. Tout est alors à inventer.
  • Il existait déjà une coopération intercommunale dans le cadre de la communauté urbaine ou d’agglomération. On peut alors se contenter, cela se conçoit, de poursuivre la coopération déjà installée. Se pose éventuellement la question de l’élargissement du périmètre par rapport à l’ancienne communauté ainsi que la coopération avec le département. Ou bien on saisit l’occasion de la métropolisation pour repenser la coopération afin d’imaginer des ajustements ou des approfondissements.
  • Le Grand Paris et Aix-Marseille présentent une particularité : le création entraîne la disparition des structures sur lesquelles s’appuyaient des réseaux intégrés de bibliothèques : le SAN Ouest-Provence (Bouches-du-Rhône), les agglomérations Plaine commune (Seine-Saint-Denis) et Plaine centrale (Val-de-Marne). Il semble qu’une solution ait été trouvée pour sauvegarder le réseau Ouest-Provence tandis que dans le Grand Paris la création d’établissements publics territoriaux, dont les périmètres ne sont pas encore arrêtés, pourraient permettre a poursuite de formes de coopération inframétropolitaine.

Trop gros pour gérer ?

Les exemples d’Aix-Marseille (1,8 millions d’habitants) et du Grand Paris (6,8 millions) nous conduisent naturellement à cette question : n’y a-t-il pas une taille démographique à partir de laquelle la gestion directe d’un réseau de bibliothèques n’est pas souhaitable ? L’exemple du réseau intégré de bibliothèques de la province canadienne du Nouveau-Brunswick http://www.gnb.ca/0003/Index2-f.asp ne saurait nous en détourner : celle-ci ne regroupe que 750 000 habitants.

Dans ces cas-là au moins, l’intégration de l’ensemble des bibliothèques dans un réseau unifié est difficilement imaginable. Le risque est trop grand d’ankyloser l’organisation et de décourager l’innovation et la réactivité. Quand à la question de l’équipement central, on le sait inexistant à Paris.

Que ceci n’empêche pas de réfléchir à ce que peut apporter la métropole à une telle échelle.

Polarité et relégation

Dans tous les périmètres intercommunaux disposant d’un centre bien identifié se pose la question de la rivalité et des incompréhensions entre celui-ci et sa périphérie. Toute démarche tendant à privilégier le centre, à tout organiser à partir de lui, ne peut qu’encourager le ressentiment les élus, des équipes, mais aussi de la population.

La métropole doit être une chance pour chaque habitant, où qu’il réside, où qu’il travaille ou étudie, où qu’il se déplace pour ses besoins quotidiens et ses loisirs. La force du réseau c’est d’organiser un maillage pour tous, combinant proximité et polarité.

Prendre le temps sans en perdre

Les textes donnent deux ans pour que s’organisent les nouvelles compétences. Et celles-ci sont d’ailleurs toujours aménageables dans le temps. Au demeurant, rien de se fait d’un coup. Il faut du temps pour qu’une nouvelle organisation se stabilise, pour que des équipes, des élus aussi, se connaissent, s’accordent, construisent une dynamique commune.

Mais c’est dès maintenant que la réflexion gagne à commencer, afin d’imaginer l’avenir. Il est des métropoles qui l’ont compris. C’est le temps de l’étude et des projets.

Codicille : d’une couche de moins à une couche de plus (à propos des pôles métropolitains)

Cartes publiée sur le site http://www.poles-metropolitains.fr/

Cartes publiée sur le site http://www.poles-metropolitains.fr/

Si la création des métropoles se traduit au moins partiellement par l’effacement de la couche départementale, les pôles métropolitains en rajoutent incontestablement une.

Ces pôles ont été institués par la loi du 16 décembre 2010 portant réforme des collectivités territoriales, et conformée par la loi MATPAM du 27 janvier 2014 et par la loi NOTRe du 7 août 2015.

Il s’agit d’établissements publics sans fiscalités propres, comme les syndicats de communes, dont les membres sont des EPCI dont l’un au moins doit rassembler plus de 100 000 habitants (plus de 50 00 s’il est frontalier, le pôle devant alors, et alors seulement, présenter une continuité territoriale).

L’article 77 du code général des collectivités territoriales en détaille, si l’on ose dire, les compétences : un pôle métropolitain est constitué « en vue d’actions d’intérêt métropolitain, afin de promouvoir un modèle d’aménagement, de développement durable et de solidarité territoriale ». Certains commentateurs y rangent la culture.

Autant dire qu’en la matière, les acteurs feront ce qu’ils jugeront opportun. Si cela fourni une possibilité de coopération utile de plus, on ne s’en plaindra pas.

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Billets précédents de la même série
(tous affichables avec cette requête)

La saison 2 : Bibliothèques en territoires (2013-2015)

La saison 1 : Les bibliothèques et le millefeuille territorial (2008-2010)

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Bibliothèques en territoires, 5 : Risques et enjeux de la nouvelle donne intercommunale

Posted by Dominique Lahary sur 22 octobre 2014

Après avoir examiné l’échelon départemental , je me dois naturellement de traiter des régions. Mais les échéances ne se présentent pas toutes dans un ordre logique. C’est en ce moment que se joue le nouveau redécoupage intercommunal. Il me faut donc revenir sur un sujet que j’ai introduit avec mes 10 leçons.

En 2013 avait déjà été mise en place une nouvelle carte, établie par des commissions départementales de coopération intercommunale sous la houlette des préfets. Le Premier ministre Manuel Valls a, lors de sa déclaration de politique générale du 8 avril 2014, annoncé un nouveau remaniement de cette carte sur la base des « bassins de vie ».

Deux processus parallèles sont lancés : d’une part la création des métropoles (celles de droit commun et les trois cas particuliers que constitueront Paris, Lyon et Aix-Marseille), d’autre part l’établissement de nouvelles cartes des communautés de communes et d’agglomération, sous l’égide des préfets qui pilotent avec une commission d’élus la révision du schéma départemental de coopération intercommunal établi fin 2013. En Ile-de-France, c’est le préfet de région qui préside à l’élaboration d’un schéma régional de coopération intercommunale d’ici au 28 février 2015.

Extrait de la carte établie par le Préfet d'Île-de-France

Extrait de la carte établie par le Préfet d’Île-de-France

Sauvegarder les acquis

Dans l’immédiat, ces deux processus sont susceptibles de mettre en péril des réseaux intercommunaux de lecture publique répondant à un éventail de formules dont la minimale est la mise en commun virtuelle des collections par un catalogue commun et une carte d’emprunteur valable partout, et l’optimale est le transfert de l’ensemble des équipements à l’établissement public de coopération intercommunale (pour autant qu’il se traduise par des services communs).

L’IABD a publié le 11 octobre un Appel pour la préservation des acquis en matière de réseaux intercommunaux de bibliothèques qu’il convient de relayer largement.

Les menaces sont de deux ordres :

  • soit le périmètre du réseau intercommunal se retrouve noyé dans un ensemble plus vaste,
  • soit il se trouve coupé en deux voir trois morceaux, chacun étant appelé à rejoindre des regroupements intercommunaux distincts.

Dans le premier cas, le risque est un retour à une pure gestion communale des établissements et/ou des services qui représenterait une importante régression. Or l’extension du réseau à l’ensemble du nouveau périmètre est soit malaisée, en tout cas dans l’immédiat, soit peu imaginable. Je pense naturellement à la situation des réseaux totalement intercommunaux de Plaine commune te Plaine centrale dans Paris métropole, et du SAN Ouest Provence dans la métropole Aix-Marseille leur taille est telle qu’on imagine difficilement, comme je l’indiquais dans mes Questions d’échelle, une extension du modèle.

Il faut donc trouver la formule permettant à ces réseaux de subsister avec une assise la plus légitime possible, c’est-à-dire une assise politique. Cela pourrait faire partie des compétences déléguées aux « conseils de territoire ». Des discussions serrées se mènent entre représentants élus sur cette question. N’oublions pas que parmi les enjeux de ces débats, il y a les réseaux de lecture publique !

Mais ce risque de dilution ne se présentent pas que dans les métropoles. dans d’autres territoires, au gré des nouveaux périmètres des communautés de communes ou d’agglomérations qui sont dessinés par les préfets de région, des réseaux de bibliothèques doivent être préservés mêmes si les conditions ne sont par remplies dans l’immédiat pour les étendre. Puisse un esprit de pragmatisme inspirer les décideurs.

Les solutions en cas de démantèlement des territoires intercommunaux sont encore plus complexes à définir :

  • maintien d’un réseau dans chaque portion désormais séparée, avec une optique pragmatique d’extension à chaque nouveau périmètre intercommunal si cela semble opportun. Cette option oblige à un montage complexe de séparation technique et financière du réseau informatique de gestion ;
  • survie d’un réseau informatique à cheval sur deux ou trois périmètres intercommunaux, avec la même optique d’extension future éventuelle, cette option pouvant être considérée (ou apparaître rétrospectivement) soit comme une mesure transitoire, soit commune une mesure durable de mutualisation inter-intercommunale.

Dans les deux cas, serait distingué le réseau technique (logiciel de gestion), avec maintien ou non d’une mutualisation du service (l’usager a droit ou non à tout ce qui est référencé dans le réseau), et les périmètres de gestion des équipements et personnels qui peuvent difficilement transcender les nouvelles frontières intercommunales.

Utiliser les nouveaux périmètres avec pragmatisme et progressivité

La nouvelle carte intercommunale qui va être mise en place courant 2015 va se traduire par un élargissement important des périmètres, par le jeu des minima démographiques : 200 000 habitants à proximité de Paris métropole (article 12 de la loi de modernisation de l’action publique et affirmation des métropoles) 20 000 habitants ailleurs sauf en zone montagneuse, (article 14 du projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, à examiner par le Sénat fin décembre). Des périmètres tels que dans certains départements, on ne comptera parfois que trois ou quatre communautés de communes ou d’agglomérations.

Ce renforcement de l’intercommunalité, qui est à l’évidence, depuis la loi dite « Chevènement » de 1999, une tendance forte, peut être un atout pour la lecture publique mais aussi pour les missions patrimoniales des bibliothèques. « L’intercommunalité est une voie majeure de développement des bibliothèques territoriales. Elle permet à la fois des formes diversifiées de mutualisation et une amélioration des services au public » écrivait l’IABD dans son document sur la décentralisation publié par le Sénat en décembre 2012.

Chacun conviendra que les moyens des collectivités territoriales ne vont pas se multiplier dans les années qui viennent. Conforter des services publics sera souvent les mutualiser. Développer des services nouveaux requerra souvent des échelles plus vastes que les périmètres intercommunaux.

Nous disposons d’un recul suffisant pour affirmer sans hésitation que les bibliothèques se prêtent parfaitement à un traitement intercommunal. Le public peut y gagner, par une extension des services rendus. La gestion également peut y gagner, par toute une série de formes de mutualisation humaine technique, logistique.

J’ai écrit en codicille à mes 10 leçons sur la lecture publique intercommunale que le transfert total des équipements permettait un optimum de mutualisation. Mais aussi dans mes Questions d’échelle que tous les périmètres n’étaient pas adaptées à une gestion commune intégrale.

La souplesse même du cadre intercommunal, avec une grande latitude de définition de l’intérêt intercommunautaire, autorise un grand éventail de solutions dont le socle est la mutualisation des services. Ne voir que le transfert intégral des équipements risque de braquer inutilement quand une telle solution ne semble pas à portée. C’est pourquoi je ne cesse de dire que l’expression « prendre la compétence lecture publique » n’a pas de sens. Il appartient au contraire à chaque conseil communautaire de puiser dans la variété des formules possible celle qui lui paraît convenir à un moment donné.

Il convient également de considérer l’intercommunalisation comme un processus qui s’étale dans la durée et s’accommode d’une gestion par étapes, soir parce que celles-ci ont été préalablement définies, soit, ce qui n’a rien d’indigne, parce qu’on découvre pas à pas comment aller plus loin. Au demeurant, on sait bien que « l’entrée en réseaux » des équipes ne peut être que progressive.

l convient enfin de ne jamais confondre intercommunalisation et perte de la proximité : au contraire, la coopération et le cas échéant à gestion intercommunale peuvent consolider un maillage du territoire approprié qui, pour ne laisser aucune population à l’écart, réclame une bibliothèque toutes les demi-heures.

Il n’est pas interdit de concilier l’ambition et la vision avec le pragmatisme et la progressivité. C’est à condition que, dans le domaine des bibliothèques comme, j’imagine, dans bien d’autres segments de l’action publique locale, la nouvelle donne intercommunale pourrait permettre à la fois de pérenniser et d’améliorer les services publics.

Complément du 6 novembre 2014

Une fiche du site Collectivités-locales.gouv.fr, portail du gouvernement pour les collectivités, traite de la fusion des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre. Elle analyse et synthétise les dispositions issues des lois n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, n° 2010-1563 du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales et n°2012-281 du 29 février 2012 visant à assouplir les règles relatives à la refonte de la carte intercommunale.

La règle générale est que la fusion d’EPCI conduit à un transfert au bénéfice de l’EPCI issu de la fusion de l’intégralité des compétences obligatoires, optionnelles et facultatives dont les EPCI existant avant la fusion étaient titulaire. Mais une période transitoire de deux ans est possible pour les compétences affectées d’un intérêt communautaire et les compétences facultatives : les bibliothèques ressortissent généralement de l’un et/ou l’autre cas.

Est également la restitution aux communes des compétences, ce qui n’est pas à souhaiter. Dans tous les cas, il faut considérer avec attention la façon dont les compétences sont définies dans les statuts des EPCI et les mettre en relation avec les disposition du Code général des collectivités territoriales relatives aux compétences des EPCI.

Billets précédents de la même série

La saison 2 : Bibliothèques en territoires (2013-???)

Sujets à traiter dans mes prochains billets : la région, l’État, la contradiction entre tendances lourdes et chaos momentanés, enfin un retour sur la problématique d’ensemble.

La saison 1 : Les bibliothèques et le millefeuille territorial (2008-2010)

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Bibliothèques en territoires, 1 : La lecture publique intercommunale en 10 leçons

Posted by Dominique Lahary sur 23 janvier 2014

Je commence, après un préambule à propos de Paris métropole, la saison 2 de ma série dont la saison 1 s’est déroulée d’octobre 2008 à novembre 2010  sous le titre Les bibliothèques et le millefeuille territorial.

Le principe demeure : à partir d’un petit bout de la lorgnette (la lecture publique), traiter de l’organisation territoriale de la France et de ses (tentatives de) réformes, avec l’idée que l’éclairage donné sur un secteur parmi d’autres de l’action publique peut contribuer à l’intelligibilité de l’ensemble. Je garde la liberté de traiter cette question dans le désordre, par petites touches, sans souci de coller systématiquement à l’actualité (et sans me l’interdire).

Intercommunalité et bibliothèques : voilà un sujet souvent présenté comme compliqué, plein d’embûches et d’incertitudes. Il y a du pour et du contre, on ne sait plus qu’en penser.

Je prétends au contraire que si c’est complexe dans la mise en œuvre, ce peut aussi être simple à penser. Voyons cela en 10 leçons.

1.  Les territoires, ce sont d’abord des gens

Les gens vivent et évoluent sur des territoires enchevêtrés dont le domicile n’est que le point d’attache de géométries variables. Les habitants d’une même commune, électeurs locaux de la « démocratie du sommeil » (selon la formule de Jean Viard), évoluent dans des sphères de mobilité différentes, parfois à l’intérieur d’un même foyer (scolarité ou études, travail, achats, loisirs, activités sociales). Leur recours aux services des bibliothèques est naturellement fonction de ces aires, qu’ils soient mono-fréquentants ou, pour les plus mobiles, multifréquentants.

Organiser la lecture publique, comme d’autres services publics ou segments de politique publique locale, en se rapprochant autant que faire se peu des aires de mobilité d’un plus grand nombre d’habitants, n’est-ce pas une bonne idée ?

2.  Il n’y a pas de périmètre idéal mais 36 000 c’est vraiment trop

Ne rêvons pas d’un périmètre idéal de l’intercommunalité : il n’y en a pas. La cas le plus facile à imaginer est celui des villes ou bourgs centres avec une périphérie. Avec un inconvénient : cette configuration produit immanquablement un complexe gros/petit qui brouille l’émergence d’une volonté politique véritablement communautaire auquel tous les habitants auraient à gagner.

Mais l’interstitiel rural comme les continuums urbains tels qu’on en observe en Île-de-France, par exemple, font que tout découpage est toujours arbitraire. Qu’importe. Il est toujours bon d’élargir le périmètre de l’action publique !

Bien évidemment, la solution ne réside plus dans nos 36 000 communes. On ne peut raisonner “public” en se cantonnant aux limites communales. Il y a un toujours des gens qui habitent là et vont ailleurs, pour leur plus grand bien. Il y a des publics de la bibliothèque de proximité et des publics de la médiathèque attractive par ses espaces et ses ressources, les deux sont complémentaires et non concurrentes. Le public fait réseau, organisons ce dernier !

Reste une question de fond : quelle est la bonne échelle pour organiser la lecture publique ? Si le dépassement du cadre communal est facile à appréhender, y a-t-il  une échelle plafond au-delà de laquelle  la gestion devient très difficile, car trop lourde ? C’est la question qui se pose à propos des métropoles, et que j’ai pose à propos de Paris métropole.

3.  Les services aux usagers d’abord

La coopération intercommunale permet d’offrir plus et mieux aux usagers. Énumérons ce qui est le plus courant :

  • Le catalogue commun en ligne,

  • la carte unique d’inscription ou à défaut la carte locale valable ailleurs,

  • le tarif unique (dont l’optimum est la gratuité pour tous),

  • la possibilité de rendre en n’importe quel point du réseau (navette retour),

  • la possibilité de faire venir un document de n’importe quel point du réseau (navette aller),

  • l’offre numérique, forcément plus complète si elle se fait au niveau d’un réseau,

  • les animations communes ou coordonnées.

Aucun de ces plus et mieux n’exige le transfert d’équipements. Ils reposent en partie sur la coopération horizontale, en partie sur le partage de ressources : pour gérer un système informatique unique avec catalogue et fichier d’usager, mieux vaut que l’établissement public de coopération intercommunale le prenne directement en charge.

4.  Le transfert total n’oblige à rien mais permet la mutualisation optimale

Le transfert des équipements, à l’inverse, n’oblige en soi à déployer aucun de ces services. Il est des réseaux intégralement intercommunaux où le travail s’organise toujours ville par ville et où rien n’a été mis en commun, ni les systèmes, ni les ressources documentaires.

En revanche, ce transfert intégral, qui permet bien évidemment, si on le veut bien, de rendre tous les services énumérés au point précédent, présente en outre l’avantage de rendre possible un optimum de mutualisation en particulier dans tout ce qui relève du travail interne ou back office (traitement et la gestion des documents notamment) , ainsi que dans la mise à disposition des compétences de chacun au service de tous.

5.  Les difficultés de la gouvernance multi-site

L’organisation d’un réseau de bibliothèque comportant plusieurs sites présente des difficultés comme d’ailleurs tout organisme multi-site : sentiment de non diffusion de l’information, de non concertation, divergences d’intérêt, de pratique ou de conception. En lecture publique c’était le cas dans les réseaux municipaux.

La figure du coordinateur sans rôle hiérarchique est apparue dans les réseaux non transférés mais existe aussi dans des réseaux partiellement transférés et mêle dans des réseaux transférés ou une direction unique n’a pas été mise en place. Cette fonction est parfois délicate à assumer mais, en fonction du profil de la personne qui l’occupe, peut être réellement féconde.

La direction unique des réseaux ou fractions de réseau est, au moins à terme, dans la logique des choses.  En cas de transfert partiel, le positionnement du responsable des équipements intercommunaux vis-à-vis des équipements communaux ne va pas de soi.

Dans tous les cas, les différentes équipes ne peuvent se sentir membre d’un réseau que si chacun y est impliqué d’une manière ou d’une autre et qu’on ne considère pas le temps passé pour des tâches de réseau comme volé aux missions locales. Les réunions de responsables de site ne suffisent pas : il faut aussi des groupes de travail transversaux impliquant davantage de personnels. Dans certains réseaux on parvient même à faire tourner tout ou partie du personnel entre les sites, ponctuellement ou systématiquement.

Il faut enfin que le travail garde tout son sens dans chaque lieu et que le personnel puisse y trouver la motivation de faire preuve de créativité, sans se sentir écrasé par une lourde organisation

6.  Même intercommunale, la lecture publique est au croisement de politiques publiques locales

La lecture publique n’est solidement inscrite dans sa collectivité que si elle est au croisement de politiques sociales, éducatives culturelles. C’est ainsi qu’elle prend tout son sens. Cela passe par des relations transversales avec d’autres services de la même collectivité (enfance, jeunesse, personnes âgées, affaires scolaires, politique de la ville, action sociale, etc.) et des partenariats avec des associations  et organismes extérieur.

Quant il y a transfert, la lecture publique se retrouve dans une collectivité jeune, à compétences limitées et spécialisées. Il y a un vrai risque de perte de relations avec les services municipaux, avec lesquels on passe de la transversalité au partenariat. Le risque existe d’une lecture publique en vase clos.

Le croisement des politiques ne peut pleinement s’opérer qu’en conjuguant les politiques intercommunales et communales.

7.  Il n’y a pas de modèle et c’est tant mieux

Les lois régissant l’intercommunalité permettent tout et son contraire : c’est un meccano permissif.

La lecture publique n’émarge qu’au titre d’une compétence optionnelle “construction, aménagement et gestion d’équipements culturels” d’intérêt communautaire et la définition de cet intérêt est à la libre disposition de la majorité qualifiée du conseil communautaire ce qui permet de transférer toutes les bibliothèques, une partie ou aucune. Et si on ne transfère pas on peut quand même offrir tous les services énumérés plus haut et rémunérer du personnel intercommunal notamment pour la coordination et la gestion informatique.

Cette permissivité extrême permet non seulement d’adapter l’organisation à toutes les situations objectives, mais aussi de tenir compte des volontés locales. Une compétence obligatoire ne reposerait pas sur une volonté : elle ne serait pas assumée, pas incarnée. Tandis que l’exemplarité peut faire peu à peu tache d’huile.

8.  L’intercommunalisation est toujours progressive

Passer d’une organisation communale à une organisation intercommunale de la lecture publique ne se fait pas d’un trait de plume : il faut du temps pour que s’impose un tel changement.

Il peut y avoir progressivité des services. Le plus simple, même si cela coûte de l’argent (moins cependant que la gestion commune par commune) est de mettre en place une gestion informatique commune. Mais, quand il n’y a pas transfert, il faut parfois plusieurs années pour aboutir à un tarif commun. Quant à la navette aller-retour, elle est souvent mise en place dans un troisième temps, parfois dans un seul sens dans un premier temps.

Il peut y avoir progressivité de la gestion intercommunale. On commence par transférer une ou plusieurs bibliothèques, puis toutes. Ou bien encore, après une phase de mise en réseau d’équipements communaux, on les transfère tous. Cela fait, on peut encore procéder par étape, d’une part sur le déploiement des services, d’autre part sur le mode de gouvernance (avec direction unique ou non), enfin en matière de mutualisation.

Enfin il y a toujours progressivité humaine : il faut du temps pour que des équipes n’en fassent qu’une, pour que les méthodes de travail s’harmonisent, pour que les cultures d’entreprise  locales se dissolvent et/ou se fécondent mutuellement.

9.  Comment évaluer ?

L’évaluation des impacts de l’intercommunalisation à l’échelle d’un département, d’une région ou au plan national découle de tout ce qui précède.

Il est compréhensible que le Service du livre et de la lecture du ministère de la Culture et de la communication prenne en compte la nature intercommunale des équipements (bâtiments, personnels; budget). C’est une approche administrative.

Mais on a bien vu que des services au public intercommunaux existent sans transfert et que des transferts existent sans services au public intercommunaux. Il est donc vain de comparer les indicateurs de deux groupes de bibliothèques : communales et intercommunales.

L’évaluation devrait s’effectuer d’une part sur les services, qu’il y ait transfert ou non, d’autre part sur la mutualisation, principalement dans les réseaux transférés, même s’il n’est pas aisé de la caractériser.

Ces deux types d’évaluation devraient permettre de mesurer les écarts d’efficacité et d’efficience, dans la durée puisque tout cela prend du temps.

Reste que la diversité des modèles a créé une vraie difficulté d’évaluation nationale. Le beau temps des indicateurs purement communaux est derrière nous. Car il faudrait raisonner à la fois par équipement, pour rendre compte du maillage territorial, et par réseau, pour tenir compte du niveau de service et de gestion

Il est au moins un indicateur qui peut être collecté par équipement: le nombre d’entrées ! Et si nous le collections partout ?

10. Finalement, pourquoi intercommunaliser ?

A quoi ça sert, de dépasser le cadre communal ? Cela découle de tout ce qui précède :

  • à améliorer et étendre les services aux usagers : prenons le parti de placer systématiquement cet objectif en premier ;

  • à améliorer la gestion par la mutualisation.

Les deux sont liés et nous pourrions ainsi résumer le sens de l’intercommunalisation : Étendre les service au public par une meilleure utilisation des moyens, cela vaut bien d’affronter les quelques difficultés que nous avons signalées.

Post-scriptum du 30 janvier 2014

La participation à un séminaire sur la décentralisation, où il a notamment été question des bonnes échelles en matière de lecture publique, m’inspire les deux précisions suivantes :

  • Quand on parle d’intercommunalité en matière de lecture publique, il est important de ne pas entendre uniquement « transfert des équipements à la communauté ». Mettre en réseau des équipements communaux et instaurer dans ce périmètre une libre circulation des usagers et des documents avec carte unique d’emprunteur, c’est aussi de l’intercommunalité. C’est pourquoi l’expression « transfert de la compétence Lecture publique » (de même d’ailleurs que « transfert de la compétence Culture ») n’a pas de sens. Dans le Code général des collectivités territoriales, les transferts dans ce domaine ne porte que sur des équipements, la définition de l’intérêt communautaire étant librement déterminée à la majorité qualifiée. En dehors de ces transferts, des services, des coopérations sont possibles.
  • En revanche, le transfert, en particulier celui de tous les équipements, permet non seulement un optimum de mutualisation, mais aussi un optimum de programmation d’implantations qui peuvent répondre à une analyse territoriale solide et donc s’adapter à la répartition des populations dans leurs mobilités, plutôt qu’au hasard historique des périmètres communaux. Il permet enfin un optimum de volonté politique permettant par exemple de tirer par étapes le périmètre intercommunal d’une situation de sous-développement ou de développement inégal en la matière. Mais comme cela réclame un certain nombre de conditions notamment politiques, cette solution ne doit pas être érigée en modèle unique.

Liens et références

Billets de la même série :

La saison 2 : Bibliothèques en territoires (2013-???)

La saison 1 : Les bibliothèques et le millefeuille territorial

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Pourquoi tuer Plaine commune ?

Posted by Dominique Lahary sur 1 octobre 2013

D’octobre 2008 à novembre 2010  j’ai en 9 billets tenu une sorte de feuilleton de la réforme territoriale vue du petit bout de la lorgnette (les bibliothèques), avec une double ambition : apporter ma part par le biais d’un domaine que je crois connaître plus particulièrement, à la réflexion globale sur ce sujet d’importance et contribuer à la nécessaire appréhension par les bibliothécaires d’un contexte global qui les concerne absolument.

Le temps m’a manqué : je vais prochainement reprendre ce feuilleton. Mais une récente actualité m’oblige à un cri du cœur, à un billet d’humeur.

Lors de la discussion du projet de loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles finalement adoptée le 23 juillet 2013 par l’assemblée nationale après une première lecture au Sénat, les députés ont adopté le 19 juillet 2013 un amendement supprimant les intercommunalités de la petite couronne au profit de la métropole du Grand Paris.

Parmi les victimes éventuelles de cette mesure,  si toutefois elle est confirmée au terme de la procédure législative, deux avaient pris en charge la lecture publique : l’agglomération de l’aéroport du Bourget et celle de Plaine commune.

Sans rien retirer aux mérites de la première, je choisis la seconde comme objet principal de mon indignation parce que le réseau intercommunal de lecture publique de « Plaine Co », comme on dit, était particulièrement convaincant impressionnant, et justement récompensé en octobre dernier par un prix Livres-Hebdo.

Vous le voyez, ce réseau, fondu dans immense réseau métropolitain ? Ou dissout sous prétexte qu’il ne correspond plus à une échelle d’administration territoriale.

Cela pose la question de la bonne échelle. Peut-on vraiment organiser de façon suffisamment efficiente, fluide et dynamique la lecture publique à l’échelle d’une métropole parisienne ? Dans l’immédiat, on ne le sent pas vraiment. Déjà Plaine commune semble offrir davantage de services en tant que réseau que la ville de Paris dans son périmètre.

Un des motifs affichés du meurtre des intercommunalités de la petite couronne est que puisqu’était créée la métropole parisienne, il ne fallait pas limiter les échelons. Singulière audace soudaine alors que les récentes réformes ou tentatives de régimes territoriales n’ont jamais osé remettre en cause le nombre de couches du mille-feuille.

Je ne dis pas qu’il faut organiser l’administration publique à partir de la lecture publique, mais que la lecture publique est un angle d’approche parmi d’autres pour poser la question de la bonne échelle.

Avant de tuer Plaine commune, Mesdames et Messieurs les parlementaires, de grâce, regardez-y à deux fois !

Le projet de loi passe en seconde lecture au Sénat à partir de demain 2 octobre 2013.

(Ce billet a été publié de ma propre initiative sans contacts préalables avec quiconque)

Billets de la même série :

La saison 2 : Bibliothèques en territoires

La saison 1 : Les bibliothèques et le millefeuille territorial

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