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Directive européenne sur le droit d’auteur : le combat pour les bibliothèques et la liberté d’expression passe à l’échelle nationale (déclaration de l’IFLA)

Posted by Dominique Lahary sur 24 avril 2019

Ceci n’est pas un billet personnel mais une traduction de la déclaration en anglais du communiqué de l’International Fédération of Library Associations and Institutions (IFLA) consécutive à l’adoption de la directive européenne sur le droit d’auteur.

Datée du 26 mars 2019, elle s’intitule EU Copyright Directive Adopted: The Fight for Libraries and Freedom of Speech Passes to the National Level. Elle est accessible en version originale à cette adresse : https://www.ifla.org/node/92063.

N’ayant aucune prétention de fin angliciste, j’ai reçu l’aide bienvenue de Vincent Bonnet pour cette traduction que je publie à toutes fins utiles, dans la perspective de la future transposition en droit français dans les deux ans, et que je fais suivre d’une liste de liens.

Parlement européen

26 mai 2019
Adoption de la directive européenne sur le droit d’auteur : le combat pour les bibliothèques et la liberté d’expression passe à l’échelle nationale

Aujourd’hui, l’assemblée plénière du parlement européen a adopté la directive sur le droit d’auteur avec une marge significativement étroite par rapport aux précédents votes. Il appartient désormais aux bibliothèques au niveau national de tirer le meilleur parti de ces nouvelles possibilités tout en poursuivant le combat pour la liberté d’expression.

L’ère numérique a apporté une évolution rapide dans la manière dont les bibliothèques soutiennent leurs usagers.

L’IFLA a plaidé dans le monde entier pour que les lois sur le droit d’auteur reflètent ces changements, à la fois en reconnaissant de nouveaux usages et en assurant que les activités des bibliothèques ne puissent être empêchées par des termes contractuels ou des verrous numériques.

Alors que la proposition de directive sur le droit d’auteur va dans le sens de nombre de ces priorités, dans le même temps elle comporte des dispositions dangereuses et mal conçues qui représentent une menace pour la liberté d’expression, en Europe et dans le monde.

Il est réconfortant de remarquer que cette fois-ci la directive a été adoptée par une faible majorité (de 74 voix, contre 201 [la fois précédente]). Une motion demandant un vote séparé sur les articles les plus litigieux a été repoussée par 5 voix seulement et aurait pu être adoptée sans des erreurs commises par des parlementaires.

Avec l’agrément final de la directive, l’attention se tourne vers les autorités nationales. Elles auront à prendre des décisions cruciales sur la façon de transposer [en droit national] les nouvelles règles. Les bibliothèques auront besoin de se faire entendre pour maximiser les aspects positifs et combattre les aspects négatifs.

Gerald Leitner, secrétaire général de l’IFLA, a déclaré : « Le vote de ce jour du Parlement européen est décevant mais nous ne renoncerons pas à la liberté d’expression. J’attends de travailler avec nos membres pour assurer que les bibliothèques à travers l‘Europe bénéficient pleinement des aspects positifs de la directive et limitent le tort causé par l’article 13. »

La crainte passe avant la liberté d’expression

L’objectif des principales dispositions de la directive est de traiter le sentiment de domination des grandes plateformes d’Internet.

L’article 11 (renuméroté 15) souligne que le droit d’auteur peut s’appliquer même pour de courts extraits de textes de journaux ou autres sources d’information. Ceci affecte en particulier les extraits utilisés par les agrégateurs de nouvelles offrant aux lecteurs assez d’information pour savoir s’ils vont cliquer ou non.

Bien que les journaux scientifiques soient heureusement exclus de cette disposition, l’article menace de nombreux sites avec lesquels les bibliothèques travaillent et qui aident à promouvoir l’éducation aux médias.

L’article 13 (renuméroté 17) oblige toutes les nouvelles plateformes à implémenter un filtrage proactif des contenus téléchargés par les utilisateurs pour empêcher qu’apparaissent en ligne des données constituant une contrefaçon [au sens du droit d’auteur].

Malgré les déclarations d’intention sur la protection de la liberté d’expression, le défaut constitué de filtrage automatique fait inévitablement courir un risque à la libre expression. Alors que les dépôts de données relevant de la recherche scientifique et de l’éducation sont exclus, il n’en va pas de même pour d’autres plateformes utilisées par les bibliothèques

L’IFLA, aux côtés d ’une large coalition d’ONG et d’institutions académiques, a réclamé la suppression de cette disposition.

Ces deux articles vont, en fait, probablement bénéficier aux grandes plateformes, qui seules sont en position de se conformer aux nouvelles règles. En tant que tels, ils peuvent même aggraver les problèmes de concurrence.

Des acquis utiles pour les bibliothèques

Heureusement, les bibliothèques vont y gagner avec d’autres parties de la directive.

Une nouvelle exception va permettre aux bibliothèques, aux côtés des institutions de recherche ou du patrimoine culturel, d’effectuer de la fouille de texte et de données sur des œuvres auxquelles elles ont accès. Les autres personnes ou institutions ayant un accès légal à des ressources peuvent faire de même à moins que les ayants droit l’aient explicitement refusé.

Une autre exception nouvelle clarifie le fait que les bibliothèques peuvent sauvegarder des œuvres sous quelque format que ce soit, offrant une certitude bienvenue pour les projets de numérisation, y compris ceux impliquant des partenariats transfrontaliers.

Une disposition innovante assure que quand il n’y a pas d’organisme de gestion collective dans un pays ou un secteur donné, les bibliothèques peuvent utiliser cette exception pour numériser et diffuser des œuvres indisponibles.

On notera  un nouveau soutien pour les activités éducatives en bibliothèque sous l’autorité d’une institution éducative, autorisant l’usage d’objets numériques via l’application de l’exception en absence de licences nationales adéquates.

Finalement, et cela constitue un important précédent, les exceptions ci-dessus sont, pour la plus grande part, protégées d’un blocage par des termes contractuels ou des mesures techniques de protection.

Nous proposerons dans un second temps une analyse plus détaillée des dispositions et des changements apportés aux institutions du patrimoine culturel.

Et maintenant ?

La directive doit être transcrite dans les législations nationales dans un délai de deux ans. Cela signifie que chaque État membre doit engager un processus législatif pour effectuer les changements rendus nécessaires dans leur droit national.

Ce sera d’autant plus important que certains détails manquent dans la directive et qu’il faudra prendre des décisions cruciales sur la façon dont les choses seront réellement appliquées.

Les efforts de plaidoyer (advocacy) pour s’assurer des meilleurs résultats possibles seront essentiels au niveau national. L’IFLA s’engagera auprès de ses membres pour les accompagner dans cette entreprise.

Liens

Le texte de la directive :

http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?pubRef=-//EP//TEXT+TA+P8-TA-2019-0231+0+DOC+XML+V0//EN (en anglais)
http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?pubRef=-//EP//TEXT+TA+P8-TA-2019-0231+0+DOC+XML+V0//FR (en français)

Bibliothèques et documentation

Autre traduction de la déclaration de l’IFLA + d’un communiqué de LIBER : https://www.agorabib.fr/topic/3587-r%C3%A9forme-droit-dauteur-europ%C3%A9en-communiqu%C3%A9s-ifla-et-liber-traduits

Communiqué de presse commun IFLAEBLIDALIBERSPARC EuropeEUA : http://www.eblida.org/news/press-release-on-the-adoption-of-the-european-directive-on-copyright-in-the-digital-single-market.html (en anglais)

Articles généraux

Défenseurs des libertés numériques

Ayants-droits

GAFAM

Une Réponse to “Directive européenne sur le droit d’auteur : le combat pour les bibliothèques et la liberté d’expression passe à l’échelle nationale (déclaration de l’IFLA)”

  1. Dès le 9 avril la commission internationale de l’ABF avait traduit le même communiqué de l’ABF et un autre de Liber ce qui m’avait échappé et ce dont je me réjouis : https://www.agorabib.fr/topic/3587-r%C3%A9forme-droit-dauteur-europ%C3%A9en-communiqu%C3%A9s-ifla-et-liber-traduits

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