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Blog professionnel de Dominique Lahary, bibliothécaire. Mes propos n'engagent que moi.

Archive for the ‘Révolution numérique’ Category

Célébrons lucidement les trente ans du web

Posted by Dominique Lahary sur 15 mars 2019

30 ans déjà ! Du moins depuis le jour où le trop inconnu Tim Berners lee, le nouveau Gutenberg, a conçu au CERN a Genève l’esquisse de l’esquisse de ce qui allait devenir le Web. Sous une photographie qui lui donne abusivement un air de gourou illuminé, Le Monde, en retraçant l’historique du Web, narrait le 14 février les étapes de la trahison d’une utopie.

Tim Berners-Lee pose au Cern le 11 juillet 1994 (CERN)

On peut le dire autrement. Il était tentant d’imaginer qu’un nouvel espace informationnel (on dirait aujourd’hui un nouveau système de communication et de gestion de données) échapperait aux pesanteurs de ce monde et que sur cette page blanche s’écrirait la belle histoire d’une utopie.

Mais, comme je l’écrivais il y a près de 10 ans dans un billet, « Le nouveau monde n’est pas un autre monde, c’est le nôtre. » Un nouvel âge économique, qui est aussi un nouvel âge du capitalisme, s’y est déployé, faisant surgir les géants transnationaux d’aujourd’hui.

Un des moteurs en est ce capitalisme de surveillance sur lequel Le Monde conclut et que Shoshana Zuboff, Professeure émérite à la Harvard Business School, décrit dans The Age of Surveillance Capitalism : The Fight for a Human Future at the New Frontier of Power, (Public Affairs, New York, 2019), dont on trouve un probable résumé dans Le Monde diplomatique de janvier dernier.

Mais pas plus que sur la terre ferme (sur laquelle se nichent d’ailleurs les immenses silos de données), le monde marchand ne règne sans partage, même s’il tend à monétiser toujours plus avant des aspects de la vie humaine qui ne l’était pas.

L’utopie n’a pas servi à se réaliser hégémoniquement mais à conquérir des espaces communs dont certains tels Wikipédia, et le principe même du web, paraissent imprenables.

Formons le voeux que le partage non marchand, les biens communs de la connaissance, mais aussi des services publics, s’arriment toujours plus obstinément dans un Internet qui doit absolument, et c’est un objectif politique transnational, conserver sa neutralité dans l’allocation des voies de transfert de données.

Ceci tient tant qu’il y a assez d’humain pour le faire vivre par l’action de chacun, les processus collectifs et les institutions politiques.

Quelques liens pour célébrer ces trente ans par l’évocation de ce qi s’est alors passé au CERN :

et surtout l’entretien avec Tim Berners Lee dans Le Monde : « Il n’est pas trop tard pour changer le Web »

 

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Bribes de presse : ma médiathèque mute

Posted by Dominique Lahary sur 2 février 2012

Dans Le Monde du  21 Janvier 2012 :  « Ma bibliothèque mute », par Pascale Kremer
Reproduit ici

Aborde la question de la mutation numérique des bibliothèques.

Deux réactions :

  • de Claude Poissenot qui à juste raison remarque que l’article fait l’impasse sur la question de la bibliothèque comme espace public
  • de Yann Moix qui n’a rien compris et campe sur une représentation figée de la bibliothèque et fétichiste de la culture [hors du papier point de salut].

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De Bibliosurf à Ebooksurf

Posted by Dominique Lahary sur 18 octobre 2011

Bibliosurf lance une nouvelle librairie numérique, Ebooksurf.com.

Selon Livres-Hebdo, Bibliosurf a beaucoup perdu en visibilité sur Google depuis la mise en place de Panda, une réforme de son algorithme qui pénalise les sites agrégeant des contenus.

Le créateur de Bibliosurf et d’Ebooksurf lançait un appel le 11 octobre dernier.

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Une bibliothèque ça ne sert (plus) à rien

Posted by Dominique Lahary sur 24 février 2011

On entend de diverses bouches qu’une bibliothèque ça ne sert plus à rien.

Et pourquoi donc ? Parce que tout est accessible en ligne ou sous forme dématérialisée.

« A l’heure de la mobilité et de la dématérialisation, la bibliothèque n’est plus de quartier mais semper et ubique » [toujours et partout] , m’écrit un contradicteur.

Qui dit cela ?

Ceux qui ont une pratique avancée d’Internet et du numérique.

Ceux qui observent vaguement sans être usagers des bibliothèques.

Mais aussi certains décideurs : cadres dirigeants, élus, et même ministres. J’ai vu Renaud Donnedieu de Vabres, alors ministre de la Culture, s’écrier le 3 mars 2006 sur France2 dans l’émission Campus de Guillaume Durand « Avec Internet ce n’est plus la peine d’aller à la bibliothèque ».

C’est la nouvelle représentation sur les bibliothèques, l’idée qu’on s’en fait même si on ne les connaît pas, même si on ne s’en sert pas.

Jadis, une autre représentation dominait. Je ne sais rien de mieux pour l’illustrer qu’une affiche qu’au tournant des années 1980 et 1990 la société Jean-Claude Decaux proposait aux communes pour vanter leur bibliothèque. On pouvait y voir un couple plutôt jeune et bien mis, livres à la main, souriant au pied d’un escalier monumental qui menait à un bâtiment de style XVIIIe siècle. On sélectionnait ainsi un public-cible de jeunes adultes familiers de la culture classique (le bâtiment XVIIIe siècle), laquelle est présentée comme quelque chose de solennel et de difficilement accessible (l’escalier monumental).

Cette représentation était à la fois intimidante et valorisante. Un élu était ainsi honoré, même s’il n’en avait pas d’usage personnel, d’avoir dans ses services une bibliothèque, dont le ou la responsable pouvait compter au rang des notables locaux.

Puis l’invention (très française) du mot « médiathèque» a permis, par une géniale opération de marketing collectif, de rénover l’image de la bibliothèque en la recouvrait d’un nom fleurant bon la modernité.

Mais aujourd’hui que la modernité est en ligne, cet effet est éventé. La nouvelle représentation commune de la bibliothèque est qu’elle ne sert à rien. Ce n’est pas un hasard si la FNCC, qui est la fédération des élus municipaux et départementaux à la culture, a lancé un module de formation d’élus dont le titre était « Faut-il encore construire des médiathèques ? » – je rassure mes lecteurs : la conclusion était que « oui » mais le parti pris était de partir d’une question souvent posée.

Or les bibliothèques, quelle que soit l’érosion des prêts (pas partout), sont toujours fréquentées et utilisées.

A quoi tient donc cette représentation ? A ce syllogisme qui repose sur deux prémisses fausses aboutissant à une conclusion erronée :

  • Les bibliothèques ne servent qu’à se procurer des ressources (texte, image, son)
  • Or toutes les ressources sont maintenant librement accessible en ligne sous forme  numérique
  • Donc les bibliothèques ne servent plus à rien. CQFD.

La première prémisse était déjà contenue dans la première représentation de la bibliothèque (lieu de la collection cultivée) et dans la seconde (lieux de tous les supports) même si la médiathèque diffusait déjà une idée de modernité du lieu lui-même.

Il pose la bibliothèque uniquement comme aubaine pour l’approvisionnement. A ce compte là, un dispositif mondial en ligne fonctionnant 24h sur 24 est d’une autre efficacité ! Mais cette définition, si conforme soit-elle à une certaine doxa professionnelle (la bibliothèque comme collection organisée de documents), n’épuise aucunement la fonction des bibliothèques et médiathèques, lieux  des médiations, des rencontres, de pratiques diverses individuelles et collectives, bref espace publique qui constitue en lui-même un service public (j’y reviendrais dans un prochain billet). Et aussi dispositif d’accès à des collections distances (le réseau) ou même à l’ensemble du web (comme point d’accès) et médiation de tout cela.

C’est pourquoi je suis de ceux qui prennent au sérieux la notion de troisième lieu (après le domicile et le travail) et de son applicabilité aux bibliothèques (voir Les bibliothèques troisième lieu par Mathilde Servet, BBF 2010, n° 4, p. 57-63 ).

On n’explique tout simplement pas la fréquentation actuelle des bibliothèques, pour peu qu’elles laissent de la place aux gens, par la seule fourniture documentaire, même si celle-ci est importante et doit être prise très au sérieux (j’y reviendrai dans un autre prochain billet). Les bibliothèques peuvent, si on y prête attention, des pièces essentielles à la fois du vivre ensemble et du vivre libre dans la ville, le quartier, le village.

La seconde prémisse repose sur un malentendu fréquent. Il n’est pas vrai que tout est accessible librement et gratuitement sur Internet. Ce n’est pas vrai si on ne considère que les pratiques légales. Mais ce n’est également pas vrai si l’on considère l’ensemble des pratiques, légales et illégales.

Dans mes Six hypothèses sur le numérique et les bibliothèques publiques, j’avais montré comment, pour des raisons différentes, l’offre numérique des bibliothèques publiques ne touchait qu’un marché de niche, que la pratique numérique dans le public soit embryonnaire (pour le livre) ou déjà massive (pour le numérique). Ce quoi veut dire que la bibliothèque si hybride soit-elle le reste – et reste sacrément physique. A l’image des librairies et autres lieux de vente de produits culturels et d’information. Et qu’il y a toujours des gens pour vouloir accéder à ces documents physiques, par la bibliothèque ou autrement.

Mais il est vrai que nous assistons progressivement depuis l’invention du web en 1991 à un changement de mode d’approvisionnement ou un changement de source. C’est vrai pour tout ce qui relève de la documentaliste : les moteurs de recherche, dont il est par ailleurs utile de faire la médiation à l’école comme à la bibliothèques, servent à tout un chacun de documentaliste automatique.

Et un certain nombre d’œuvres du domaine public ou dont les auteurs ne font pas commerce sont librement accessibles sur le web, tandis que l’offre marchande se reporte en partie sur le web, parfois sur une base forfaitaire attirante. Mais l’idée que toutes les œuvres  protégées sont accessible ne serait-ce que numériquement, sans parler de gratuité, est une contre-vérité totale.

En définitive, le rôle documentaire de la bibliothèque se reconfigure.

D’une part, ce qui met définitivement à mal le devoir encyclopédique auquel, de la plus grande à la plus petite, elle croyait devoir s’astreindre, elle doit proposer une offre relative, qui n’a pas besoin de comprendre ce qui se trouve aisément ailleurs, ce qui pour commencer fait disparaître des rayonnages d’encyclopédies. Il n’y a la rien d’autre que la continuation de sa fonction, déployée dans un cadre de service public, d’offre non monopolistique qui avait déjà cette caractéristique auparavant, quoique de façon mois aveuglante.

D’autre part, elle devient le médiateur non seulement de ses propres ressources locales (si c’est ainsi qu’elle fonctionne) mais aussi de celle des autres, par le prêt entre bibliothèques et l’accès à Internet, quand auparavant l’accent était mis exclusivement sur la collection locale organisée (on pourrait dire : organisée localement).

Enfin, cette fonction documentaire, qu’on étend judicieusement au jeu, vidéo ou non, se relativise dans la fonction d’accueil dans les lieux, qu’elle n’explique qu’en partie.

Au bout du compte, une bibliothèque ça sert toujours à quelque chose, à bien des choses d’ailleurs, pour peu qu’on prenne de la distance par rapport à une représentation dont cette idée d’inutilité n’est que le dernier avatar.

Quant à la surface, il n’en faut pas moins bien au contraire, si l’on suit l’adage : « moins de place pour les documents, plus pour les gens ».

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La bibliothèque contre-attaque

Posted by Dominique Lahary sur 12 novembre 2010

Le 4 novembre le groupe ABF organisait une journée d’étude intitulée « La bibliothèque contre-attaque : Les services innovants dans les bibliothèques ».

Le programme est ici.

On l’a compris ; le groupe s’est amusé à s’inspirer de la série La Guerre des étoiles pour composer son menu.

Mais l’idée était, si j’ai bien compris, dans une période dont il est banal de reconnaître qu’elle est grosse de mutations radicale, de se dire qu’on était en train d’inventer des réponses, ou de les préparer.

Bibliothèques hors les murs à Chambéry  et démarches auprès de publics ciblés, La mutualisation des moyens en espace rural par les réseaux informatiques, une médiathèque de quartier de Villeurbanne également centre de ressources spécialisé sur la ville et la mémoire ouvrière, le nouveau portail web 2.0 de Saint-Etienne, les jeux vidéo en bibliothèque : autant d’éclairage chacun partiel, ne constituant évidemment pas un catalogue de recettes pour tout un chacun, mais donnant des pistes.

Gilles Eboli a restitué le contenu de son excellent article Des nouvelles du futur (des bibliothèques) paru dans le BBF n 3 de 2010.

Et Olivier Tacheau, directeur du SCDU d’Angers, a décoiffé l’assistance par une intervention roborative dont il fournit un résumé écrit, et qui ne devrait pas seulement inspirer ceux qui exercent en bibliothèque universitaire.

On m’avait demandé d’introduire la journée par une évocation de tout de qui remet en cause la bibliothèque aujourd’hui, puis de tenter une synthèse.

Voici donc La menace fantôme et Un nouvel espoir, sous forme de diaporamas. Un texte viendra peut-être, je ne le promets pas.

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Les bibliothèques dans les nuages

Posted by Dominique Lahary sur 11 janvier 2010

Lors de plusieurs interventions en 2007 (notamment un colloque de l’Assemblée des départements de France le 17 mars, une rencontre professionnelle à Tours le 7 avril, une conférence à Genève le 9 avril 2009 et, une journée d’étude à Martigues, 19 octobre 2009), j’ai utilisé un schéma en trois cercles (ou plutôt trois ensembles) pour représenter la relation entre bibliothèque et web :

  • Le premier cercle, qui englobe tout, est le web dans son ensemble. Il constitue la bibliothèque globale, même si c’est aussi bien d’autres choses.
  • Le second est l’ensemble des « bibliothèques dans les nuages ».
  • Le troisième est constitué par les bibliothèques locales, lieux physiques.

Le schéma animé est .

Cette analyse ne vaut bien sûr que si on considère le côté numérique des choses : comme lieu physique d’accueil et de service, la bibliothèque locale renvoie à d’autres besoins et d’autres relations.

J’ai conçu cette représentation en réactions à de fréquentes analyses et propos concernant les bibliothèques dans l’univers numérique, notamment dans la presse généraliste. Quant on parle des bibliothèques, il me semble qu’on ne parle de quelques-unes, qui ont quelque chose à numériser. Mais la plupart ne sont pas concernées. Or elles ont bien naturellement une place dans le paysage général. Ne confondons pas numérisation (l’acte de numériser ce qui n’est pas numérique) et numérique (l’état d’une ressource). Toutes les bibliothèques devraient avoir affaire avec le numérique, peu finalement avec la numérisation.

Développons.

Le web n’est pas une bibliothèque, dit-on dans les milieux bibliothécaires, ce qui se conçoit si l’on définit la bibliothèque comme un ensemble organisé de documents. Mais si on se place du point de vue des utilisateurs, il me semble que la bibliothèque se définit comme un ensemble permettant de chercher, de trouver et de s’approprier une ressources, momentanément ou non, pour l’utiliser. En ce sens, le web dans son ensemble  remplit bien une fonction bibliothèque, même s’il en remplit bien d’autres Voilà le premier cercle.

On peut définir les bibliothèques numériques comme des ensembles organisés de ressources numériques, mises en place par une ou plusieurs bibliothèques institutionnelles. Si elles sont accessibles sur le web, qui est bien  utile, elles constituent alors une contribution qui peut-être cohérente, vérifiée, sélectionnée, à la bibliothèque globale qui n’est rien de tout ça. Elles relèvent me semble-t-il de ce qu’on décrit comme le « cloud computing », l’informatique dans les nuages, qui fait que l’on stocke sur Internet, non sur son disque dur, ses messages, ses photos de vacances ou même ses applications. Ce sont les « bibliothèques dans les nuages » (j’utilise cette expression pour son caractère imagé, et par analogie au « cloud computing », l’informatique dans les nuages, qu’on me pardonne cette approximation) . Sans elles il manquerait quelque chose au magma du web. Si comme c’est préférable ces bibliothèques sont librement indexables par n’importe quel moteur de recherche, beaucoup d’internautes tomberont une  ressource de ces bibliothèques numériques en passant par un moteur. Certains qui identifient la bibliothèque par son portail, où fréquentent un outil de recherche spécifiquement bibliothécaire, utilisant un protocole de recherche mutualisée, se promèneront spécifiquement dans une bibliothèque ou un ensemble de bibliothèques. Et peut-être les premiers, atterrissant sans l’avoir chercher dans un tel ensemble, rejoindront-ils les second.

Et les bibliothèques physiques ? Ce sont elles qui reçoivent le public dans leurs locaux, mais aussi sur leurs sites web. Quelques-unes ont une collection numérique, éventuellement dans les nuages. La plupart en sont dépourvues, même si elles relaient, contre paiement, un accès à des ressources qu’elles ne stockent pas. Elles sont, entre autre,  des relais des deux premiers cercles. Elles donnent accès de leurs locaux ou de leurs sites et font, sur place par la présence humaine ou sur écran par la médiation virtuelle, œuvre de facilitateurs de l’accès et de sa grammaire.

Les bibliothèques et le numériques ? De quelles bibliothèques, de quelle bibliothèque parlez-vous ? Si vous ne voyez qu’un des trois cercles, vous ne voyez pas le tout.

(rectification de ce billet le 15 janvier 2010 suite à une remarque de Quentin Chevillon).

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Google va-t-il tout dévorer ?

Posted by Dominique Lahary sur 8 septembre 2009

dore_gargantua

latribunedu18août

La fuite opérée dans La Tribune du 18 août 2009 selon laquelle la BnF s’apprêterait à confier à Google une partie de la numérisation de son fonds a entrainé un débat public et une cascade de polémiques et de démentis qui ont eu le mérite de mettre sur la place publique une question d’importance. La métaphore de l’ogre s’est imposée, comme on le voit dans le titre du Canard enchaîné du 28 août 2009 :

manchetteCanard

manchette-libeou cette une de Libération du 29 août (annonçant l’éditorial de Laurent Joffrin et les articles Le glouton élargit sa mission, Google pousse à l’index et Lyon transfert son fonds) :

Mais cet ogre, est-ce un gentil personnage, comme l’inoubliable Géant de Zéralda de Tomi Ungerer, ou une figure dangereuse ?

Derrière le cas de la BnF, à propos duquel le nouveau ministre de la culture Frédéric Mitterrand déclare qu’il va trancher après réflexion, se profile le Règlement Google, conclu avec les éditeurs et auteurs étatsuniens et auquel leurs homologues du monde entier sont invités à adhérer, sensément pour sa seule application sur le sol américain. Adhérer tacitement, sauf à objecter devant le tribunal du district de New York au plus tard le 8 septembre, les bibliothèques étant concernées par l’aumône d’un terminal unique par établissement pour peu qu’elles concèdent à Google l’exclusivité d’un accord commercial avec lui.

Je donne ces quelques liens qui permettent de ce faire une idée d’un accord d’une extraordinaire complexité :

et les favoris délicious de Calimaq

Et je renvoie au communiqué du 7 septembre 2009 de 11 associations d’archivistes, bibliothécaires et documentalistes français membres de l’IABD , avec le dossier de presse qui y est associé.

Oui, le géant Google est sympathique. Comme moi, vous l’utilisez tous les jours et êtes bluffé par l’efficacité avec laquelle il a, selon son ambition proclamée, « organisé l’information mondiale ». Vous avez essayé d’autres moteurs mais trouvé aucun d’aussi efficace, pour la plupart de vos besoins. Vous avez apprécié la revue de presse automatique, le partage de photo, la messagerie en ligne et le traitement de texte hébergé. Google vous fait voir le monde entier d’en haut et même le ciel, trace vos itinéraires et localise ce que bon vous semble en plantant sur ses joli cartes les petites flèches de sa géolocalisation. Il est devenu le roi de l’informatique en nuage qui surplombe désormais la planète numérique, il moutonne votre ciel et vous y trouvez la lumière.

Oui, le géant Google est sympathique parce que c’est une entreprise sympathique, décloisonnée, non hiérarchique, dont les salariés ravis, gâté par les cantines et salles de remise en forme gratuites, organisent leur travail à loisir.

Mais ce géant, avec patience et rapidité, avec souplesse et systématique, tisse sa toile sur la Toile et démontre en mode accéléré que, si l’on n’y prend pas garde, la concurrence aboutit au monopole. Il est peut-être né, ou presque, dans un garage, selon l’inévitable story telling des successs stories de l’ère numérique, mais rien d’autre de comparable ne pourra plus jamais naître dans un garage car la place sera prise.

Et tout ceci avec le modèle économique qui tue (killer busisness model, comme on parle de killer application)  : la gratuité, qui n’est rien d’autre qu’une autre façon de faire payer.

Google a bâti avec une intelligence virtuose son empire en indexant les autres. Il a été un des principaux agents de cette économie de l’accès qui a battu en brèche les économies du contenu. Et le voilà maintenant qui s’empare des contenus. Les vôtres d’abord, ou ceux que vous collectez vous-même, quand il rachète Youtube ou héberge vos photos ou votre messagerie. Et puis, coup de maître, les bibliothèques.

Il faut lire l’article lumineux de Robert Darnton, publié en français dans le numéro de mars 2009 du Monde diplomatique , qui commence par ces mots :

« En offrant au plus grand nombre une masse toujours croissante de connaissances, Internet réalise-t-il le rêve des Lumières ou prépare-t-il le cauchemar d’un savoir public livré aux appétits privés ? Grâce à — ou à cause de — Google, ces questions n’ont plus rien d’abstrait. »

et finit par ceux-ci :

« Quelle que soit la manière d’interpréter cet accord, ses dispositions s’imbriquent de manière si inextricable qu’elles s’imposent en bloc. Aujourd’hui, ni Google, ni les auteurs, ni les éditeurs, ni la cour de district de New York ne sont en mesure d’y apporter des changements notables. C’est un tournant majeur dans le développement de ce que nous appelons la société de l’information. Si nous ne rééquilibrons pas la balance, les intérêts privés pourraient bientôt l’emporter pour de bon sur l’intérêt public. Le rêve des Lumières serait alors plus inaccessible que jamais. »

Il faut lire aussi le vigoureux billet Is it a bird ? Is it a plane ? No. It’s a monopolistic library-bookseller d’Olivier Ertzscheid du 5 juin 2009  dont voici le nœud :

« J’ai répété (avec d’autres …) depuis plus de 3 ans révolus que Google serait nécessairement libraire, bibliothécaire et éditeur. […] Avec d’autres j’ai essayé de convaincre de la nécessité absolue d’une contre-offensive « de poids », sur trois axes : un portail de recherche fédérée regroupant l’essentiel de l’offre des libraires dits « indépendants », une réflexion de fond sur les usages, avec la mise en place d’expérimentations à couverture ou à portée nationale, une bibliothèque numérique qui ne soit pas seulement interface mais d’abord et avant tout contenus, contenus moissonnés pour être d’abord rassemblés, et pour être, ensuite seulement, distribués dans le cadre d’un bouquet de services et d’applications. »

C’est bien, Google Book Search (pardon, Google recherche de livres). C’est vraiment très bien. Et vouloir mettre un coup d’arrêt à son expansion ou au moins investir dans d’autres projets doit être  peu près si populaire auprès des internautes que la création d’une taxe carbone auprès des contribuables. Mais moi qui défends généralement le point de vue de l’utilisateur, ici et maintenant, j’en appelle à la responsabilité de la puissance publique et des professionnels du livre, tous secteurs confondus, dans l’intérêt des générations futures.

Le monopole de Google est tentant à court terme. A long terme, c’est un danger redoutable. Acceptons-nous que le patrimoine écrit de l’humanité soit détenu par un seul groupe privé, soumis aux décisions des successeurs des si sympathiques dirigeants actuels, qui acceptent tout de même de verrouiller leur moteur sur ordre des régimes autoritaires que vous savez ?

Ce patrimoine, fruit de la créativité de générations à travers le monde, entretenu par un foisonnement d’initiatives et d’entreprises privées, et sauvegardé par les bibliothèques, dont la plupart ont un statut public ?

Il ne s’agit pas ici de condamner les partenariats publics privés : je les aime tellement que je souhaite qu’il y en ait plusieurs. Il ne s’agit pas de fustiger une entreprise américaine : elle serait française que le problème serait exactement le même.

Il s’agit de s’opposer à un règlement Google américain qui va s’imposer au reste du monde et à une démission des puissances publiques nationales et européennes : comme si c’était déjà trop tard, comme si le monopole était inéluctable.

En  France, le débat sur Google recherche de livres a commencé en 2005, avec notamment l’appel de Jean-Noël Jeanneney intitulé. J’avais alors, dans un message du 27 avril2005 au regretté biblio-fr intitulé Google, le livre, l’accès, la collection, fait l’éloge de l’indexation pour terminer par la question du stockage :

« On voit ici que la bataille qui s’amorce, c’est celle du stockage. Elle est essentielle. Que ceux qui veulent avoir une influence sur ce qui sera indexé par les outils communs de la société de l’information construisent des politiques de stockage numérique et en gardent la maîtrise. »

Nous y sommes.

Car Google, qui a bâtit son empire sur l’indexation des autres, construit son stock de livres numérisés en interdisant aux autres de l’indexer. Tout est là. Il est en train de rendre obligatoire le passage par son guichet, qui va bientôt devenir une caisse puisqu’il va se faire aussi libraire, se mettant finalement à vendre des contenu et non plus seulement de l’espace publicitaire. La boucle est bouclée.

Au début des années 1990, Bill Gates avait avec son entreprise d’images Corbis failli faire main basse sur les collections publiques d’images. Il avait en partie échoué parce qu’on ne l’avait pas laissé faire. Rien n’est joué. Seule serait fatale l’enchaînement des démissions successives et le refus des coalitions.

Dans l’histoire généralement la force s’impose avant que le droit ne l’organise. C’est ainsi que les Empires et les entreprises coloniales se sont formés. Nous sommes, dans l’univers numérique dans une phase comparable. D’abord la force au mépris du droit installé. Le nouveau droit se reconstruira sur la base d’un rapport de force.

caravaneJ’ai souvent comparé la constitution du cyberespace au Far West. Pour expliquer qui nul n’y aurait sa place s’il ne s’y précipitait pas avec sa caravane de pionnier, puis ne s’y arrêtait pour délimiter son champ et tout de suite commençait à l’exploiter. Et par conséquent qu’il n’y aurait, entre autres, de bibliothèque dans le cyberspace que si des bibliothèques ne s’y installaient, avant qu’il ne soit trop tard.

Mais j’ajoutais : un Far West où il n’y aurait ni Indiens ni bisons. Je dois aujourd’hui sérieusement réviser mon analogie historique. Le nouveau monde n’est pas un autre monde, c’est le nôtre. Comme au Far West, les nouveaux puissants avancent et occupent le terrain, puis concèdent ça et là des traités avec des peuples qui ne parviendront à s’unir que quand il sera trop tard. Aujourd’hui les Etats-Unis, demain l’Europe, faible et divisée selon son habitude somme toute récente. Une autre politique est possible.

indiensàchevalMais attention. Je vais peut-être diverger avec une partie des forces dont je crois aujourd’hui la coalition nécessaire, diverger même avec une partie des bibliothécaires et documentalistes, mais il me semble indispensable de considérer qu’on ne tiendra pas tête à Google avec les armes du passé. Après tout, les amérindiens ont bien adopté le cheval et l’arme à feu.

Au congrès de l’ABF de juin 2008 à Reims, on m’avait proposé une rencontre (ce furent deux monologues parallèles) avec le très courtois représentant en France de Google recherche de livres. Lui énonça le story telling : « organiser l’information mondiale ». Il n’a pas consenti à communiquer son diaporama. Le mien est ici (Google et nous).

J’y rappelais les caractéristiques fondamentales du traitement de l’information à la Google :

« – On indexe tout… et n’importe quoi

– On ne classe pas, on trie

– On indexe en plein texte »

Précédemment, en 2005, j’avais dans Numérique, bibliothèques, utilisateurs : Un nouveau paradigme ? tenté d’énumérer « ce que les moteurs ont changé »

« 1. On cherche partout à la fois : La métacollection contre la collection.

2. On cherche avec ses propres mots : Le « langage naturel » contre les langages documentaires, les classifications postcoordonnés contre les classifications précoordonnés.

3. On veut de l’information primaire : La bibliothèque contre les catalogues.

4. On fait tout avec le même outil : Le flou contre la frontière, le généralisme contre la spécialisation.

5. On veut accéder de chez soi, de partout : L’atopisme contre le lieu dédié. »

Et j’ajoutais : « Tout ce qui est en retrait sur les cinq révolutions apparaît comme une limitation difficilement supportable. »

Googgle, mais aussi bien d’autres acteurs avant lui ou parallèlement à lui, mais Google tout particulièrement bien sûr, ont contribué à procurer aux internautes, c’est-à-dire à une partie de plus en plus considérable de la population, des outils qui ont facilité une profonde mutation dans les pratiques de recherche d’information et d’œuvres. On ne recréera pas le monde ancien. Il faut aller aussi vite que la musique. L’offre publique de culture et de documentation doit être d’après et non d’avant les 5 révolutions, ou elle ne sera pas.

J’aime bien chercher dans Google Books. La recherche dans l’intérieur du livre y a conquis sa place définitive, contre les dévôts exclusifs des catalogues, des indexations par système d’autorité et des classifications précoordonnées. Et la masse critique, propre à satisfaire les besoins les plus divers, prouve son efficacité, contre les partisans de la sélection qualitative ou thématique. Je veux bien des catalogues, des classifications et des sélections, mais pas que cela, et pas comme mode unique d’accès.

Il est excellent que cette entreprise si innovante ait développé ce service. Que des bibliothèques et des collectivités locales, jusqu’en France comme la ville de Lyon, ait contracté avec Google est après tout utile et stimulant. Google a apporté à l’organisation de l’information mondiale une contribution remarquable. Mais pas au point de mériter un monopole.

Dernière remarque : on ne tiendra pas éternellement en laissant intégralement en l’état les règles du droit d’auteur et du copyright. La Commission européenne elle-même considère « que la numérisation ne pourra progresser en Europe qu’à la condition de donner aux institutions culturelles les moyens juridiques de remplir leurs missions, notamment en ce qui concerne les oeuvres orphelines et les oeuvres épuisées », comme le souligne ::S.I.Lex:: dans son billet du 1er septembre 2009 . Et d’ajouter :

« Depuis toutes ces années, le vide juridique persistant a profité et profite toujours à Google qui a su utiliser sa force de frappe contentieuse pour produire un Règlement qui va lui permettre – et à lui seul – de numériser et de commercialiser les oeuvres orphelines et épuisées qui continuent à gripper la machine de la numérisation en Europe. Une loi privée est sur le point d’accomplir ce que la loi publique n’a pas su faire … nous nous acheminons vers une grande défaite démocratique … »

Il reste probablement peu de temps pour que les organismes publics détenteurs de la mémoire du monde en maitrisent la conservation pour les générations futures.

Ne soyons pas comme des ours blancs qui voient la banquise disparaitre inexorablement sous leurs pieds.

(Ce billet, comme tous les autres de ce blog, ne reflète naturellement que mon point de vue personnel, à un moment donné)

ours-seul

Post scriptum des 09/09/09 et 14/09/09 :

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Hadopi : les petits plats dans les grands

Posted by Dominique Lahary sur 13 mars 2009

Le projet de loi Création et Internet, dit Hadopi, dit Olivennes, dit DADVSI 2, est examiné depuis le 11 mars 2009 à l’Assemblée nationale, la discussion devant s’achever à la fin du mois. On peut suivre la séance en direct, lire après coup les comptes rendus et suivre le suivi de Kotkot.

Lors du débat national qui s’est développé durant la préparation puis le vite de la loi DADVSI du 1er août 2006, le sujet du téléchargement illicite, et singulièrement de la musique, avait écrasé tous les autres sujets pourtant contenu dans le projet. Les archivistes, bibliothécaires et documentalistes, réunis pour l’occasion dans une interassociation qui perdure, l’IABD avait eu du mal à faire passer dans la grande presse leur message. Il était cependant passé par d’autres canaux, et le site droitauteur.levillage.org en porte le souvenir. Ce combat a débouché sur des résultats partiels mais appréciables.

Pour ce projet-ci, le débat national est conforme à l’objet même du projet de loi puisqu’il ne s’agissait, pour le gouvernement, que de corriger l’inefficacité de la mesure antipiratage de la loi DADVSI en instituant une riposte graduée pouvant aboutir à une coupure de l’abonnement à Internet.

Et ce sont les archivistes, bibliothécaires et documentalistes qui ont joué les invités surprise en proposant un amendement qui vise à rectifier une des exceptions obtenues en 2006 : l’exception de reproduction pour conservation « ou pour préserver les conditions de la consultation sur place »… qui, n’étant pas assortie d’une autorisation de consultation, n’était guère applicable (voir ici l’explication)

Même si cette spécialisation de l’action peut être regrettée par d’estimables collègues, j’assume tout à fait que l’IABD joue sa partition particulière et se concentre sur un objectif qui est de sa responsabilité, fort de l’unanimité de ses 17 associations membres sur cette question, et cherche à favoriser au sein de la représentation nationale l’apparition d’une majorité d’idée (comme disait Edgar Faure) entre des parlementaires qui peuvent par ailleurs avoir des positions différentes sur d’autres questions. Ce qu’esquisse d’ores et déjà le dépôt d’amendements convergents par des députés communistes ou apparentés, socialistes, UMP et verts.

Cela n’empêche nullement certaines associations comme l’ABF, dont je suis un membre fidèle, et l’ADDNB de se prononcer contre le cœur du projet de loi. J’ai moi-même, à titre personnel, signé la pétition de SVM qui ne prône pas le téléchargement illicite mais critique la solution qui est proposée.

La loi DADVSI n’a pas atteint son objet. Elle était fondée sur la protection juridique des protections techniques, autrement appelées DRM, aujourd’hui mis en cause, du moins dans le domaine de la musique. Il est probable que cette loi-ci n’atteindra pas non plus son objet, dépassée qu’elle est par l’évolution des modes de diffusion et de partage, comme le streaming. L’accord interprofessionnel du 24 novembre 2007 qui a conclu la mission Olivennes comporte notamment l’engagement d’abandon sur les fichiers musicaux des DRM  qui empêchent l’interopérabiblité.

Le projet de loi comporte de graves défauts, parmi lesquels :

  • l’atteinte aux libertés individuelles par la surveillance des réseaux débouchant sur des sanctions prononcées par une autorité non judiciaire ;
  • au libre accès à l’information et à la culture et institution d’une punition collective par la sanction de coupure d’accès internet frappant toute une famille, une communauté cohabitante ou même une collectivité ou entreprise sur une infraction perpétrée par un de ses membres.

« Ne faites pas ça ! » implorait le 11 mars au soir à la Tribune de l’Assemblée le député Nouveau centre Jean Dionis du Séjour, à propos de la sanction de coupure de l’abonnement.

Au total, les pratiques illicites vont continuer tandis qu’aucun système de rémunération de la création ne sera institué correspondant aux usages réels des œuvres à partir d’Internet.

Mais on lui reproche aussi de porter atteinte au principe de neutralité des réseaux, qui veut qu’on ne discrimine pas selon l’usage.. Sur ce principe, sur lequel Bibliobsession a attiré notre attention, je renvoie vers Wikipedia, l’Isoc France , World-Governance et le blog Ecrans d’Astrid Girardeau (Libération) .

Internet, transfiguré au début des années Web, est un gigantesque pavé dans la marre qui bouleverse totalement les conditions de production et de diffusion de l’information au sens large, faisant exploser les modèles économiques et leur réglage juridique. Le projet de loi discuté en ce moment à l’Assemblée nationale n’est que la modeste péripétie d’un séisme qui est loin d’être terminé.

Gardons nous cependant de savourer avec naïveté des bouleversement qui remettent en cause tous les intermédiaires, bibliothèques comprises. Partageant dans l’ensemble le diagnostic de Jeremy Rikkin dans L’Age de l’accès : la révolution de la nouvelle économie (La Découverte Poche Essais, 2005, paru en anglais en 2000 sous le titre original de The Age of Access : New culture of Hypercapitalism), je ne vois pas sans un certain effroi l’économie de l’accès cannibaliser celle des contenus. Car la gratuité, qui est aussi une figure de l’économie marchande, brillamment analysée par Chris Anderson, n’est pas celle des ordinateurs et des abonnements à Internet : le consentement à payer subsiste sur le matériel et l’accès, non sur les œuvres. Gratuité marchande qui alimente désormais de nouveaux géants économiques.

C’est pourquoi certaines inquiétudes sont légitimes. C’est un formidable défi politique, juridique, économique, que de laisser faire ce que la bombe Internet apporte à la libre diffusion des savoirs, des loisirs.. et du commerce tout en sauvegardant une légitime rémunération du travail et de la création.

Le cyberspace, comme on ne l’appelle plus tellement, est bien comme une sorte de nouveau monde, qui serait cependant vide d’Indiens et de bisons. Toutes les pendules sont remises à zéro. Qui n’y lance pas sa caravane de pionnier pour finir par se poser et planter quelque piquets pour délimiter un terrain, embryon de son futur domaine, n’y trouvera Jamais aucune place ;

Ce raisonnement vaut aussi pour les bibliothèques. C’est la raison pour laquelle j’ai dit « Chapeau à Europeana » quelle que soient les critiques qu’on peut émettre sur son état actuel. Et c’est la raisoon pour laquelle cela vaut la peine de s’être battu pour quelques exceptions, de se battre encore pour en améliorer une, même si leur effet concret sur la vie réelle de la masse des bibliothèques sera dans l‘immédiat modeste. Il faut être là. Y compris dans la loi.

Plus sur Création et Internet :

Suivi :

Pour :

Contre :

Sur le site de l’IABD :

(voir aussi mon billet du 21 juin 2008 Ma main à couper que la bibliothèque est communiste)

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Culture livre, par Lawrence Lessig

Posted by Dominique Lahary sur 9 février 2009

 

Culture libre : Free culture, Comment les media utilisent la technologie et la loi pour confisquer la culture et contrôler la créativité, édition française, de Lawrence Lessig, est déchargeable ici au format PDF, sous licence Creative commons.

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Six hypothèses sur le numérique et les bibliothèques publiques

Posted by Dominique Lahary sur 9 février 2009

Je propose les six hypothèses emboîtées suivantes, sans prétention à l’infaillibilité.


A. Pour le grand public, le numérique c’est pour l’essentiel des ressources gratuitement accessibles, que ce soit légal ou non, sur Internet. Ils se débrouillent tout seuls, à domicile, au bureau, en cybercafé ou en bibliothèque, qui n’ont guère de maîtrise sur les contenus. Tout au plus peuvent-elles plus ou moins avoir à aider, à orienter. Voilà pour l’essentiel le contexte des bibliothèques publiques ni spécialisées ni patrimoniales. (Les cas des bibliothèques universitaires d’une part et de la Bibliothèque nationale d’autre part sont complètement différents).

Hypothèse numéro 1 : avec le numérique de masse, le rôle des médiathèques publiques mute essentiellement de la fourniture de ressources vers l’orientation sur les ressources.

On ne donne plus de poisson, on apprend à pêcher.

Ceci concerne : la documentation, la musique, de plus en plus le cinéma.

B. Le cas du livre est particulier : le livre électronique, conçu de façon immatérielle (un fichier qui sera le plus souvent lu sur un PC) ou physique (une tablette de lecture) est toujours à l’état de marché de niche. Ce qui ne décolle pas (ou pas encore) dans le commerce ne décolle pas non plus dans les bibliothèques. Mais on peut nourrir un marché de niche pour satisfaire un public marginal, encourager l’usage des TIC et expérimenter.

Hypothèse numéro 2 : les bibliothèques publiques peuvent mettre à la disposition de leurs usagers des ressources textuelles en ligne en payantes pour elle (problématique classique de l’achat pour la mise à disposition). C’est une action marginale pour des publics marginaux, qui est encore au stade expérimental

C. La musique et le cinéma en ligne payants sont aussi des marchés de niche puisque beaucoup de gens se débrouillent pour pirater. L’offre légale payante qui se développe est notamment le fait de fournisseurs d’autres services (comme la téléphonie) se situant en dehors des circuits de distribution par les bibliothèques.

Hypothèse numéro 3 : Pour des raisons différentes puisque l’usage numérique de masse est déjà là, la musique et le cinéma payants en ligne relèvent également pour les bibliothèques de l’action marginale et expérimentale.

D. La numérisation des fonds de chaque bibliothèque n’a aucun intérêt en soi, sauf dans le cas où la communication de la copie numérique d’un documents physique acquis est, contractuellement ou légalement, admise. La numérisation la numérisation du patrimoine écrit, musical, vidéo et graphique est au contraire un enjeux politique essentiel car si la puissance publiques s’en abstient, le nouveau monde que constitue le Net sera entièrement privé et l’intérêt public n’y sera pas défendu.

C’est donc une entreprise politique à mener à différents niveaux pertinents (européen, national, régional, etc.)

Hypothèse numéro 4 : La numérisation n’a pas à porter sur des exemplaires détenus par telle ou telle bibliothèque, sauf communication admise d’un double numérique d’un exemplaire physique mais sur des oeuvres. La numérisation d’intérêt public du patrimoine écrit, graphique, sonore et cinématographique relève de différents niveaux de puissance publique. La plupart des bibliothèques publiques locales ne sont en rien concernées.

E. Internet n’est pas seulement une plate forme d’accès à des oeuvres mais une plate-forme de services de toutes sortes. La conformité des bibliothèques à leur époque passe aussi par le développement de services en ligne qui transposent, complètent ou remplacent selon les cas les services physiques de médiation, d’information, d’animation cultuelle et scientifique.

Hypothèse numéro 5 : Le développement de services en ligne constitue l’essentiel de la tâche numérique de la plupart des bibliothèques publiques. Ce n’est pas (ou pas encore ?) la fourniture d’oeuvres.

F. Fournissant quelques oeuvres en ligne et développant des services en ligne, les bibliothèques publiques demeurent cependant :

– des fournisseurs d’objets physiques essentiellement sur papier

– des lieux multiservices d’accueil de la population

Hypothèse numéro 6 : Si toute bibliothèque numérique n’est pas physique, toute bibliothèque physique doit développer des services numériques. Cela ne modifie en rien son rôle par rapport aux ressources physiques (dont la place est relativisée mais non niée) ni le rôle du lieu bibliothèque qui prend au contraire une importance croissante dans les politiques publiques locales.

Tout ceci a naturellement un rapport avec l’avenir des bibliothèques.


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