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Bibliothèques en territoires, 4 : Une compétence obligatoire départementale à la croisée des chemins

Posted by Dominique Lahary sur 30 septembre 2014

Ce fut peut-être la plus grosse surprise du « big bang territorial » annoncé par le Premier ministre Manuel Valls lors de son discours d’investiture du 8 avril 2014 : la suppression possible des conseils généraux… à l’’horizon 2021. Annonce confirmée par le Président de la République lui-même dans son intervention télévisée du 6 mai 2014 sur RMC et BFM-TV : « Je pense que les conseils généraux ont vécu. » Autrement dit, les départements comme collectivités territoriales à part entière.

Semblait soudain condamné un échelon certes pas si atavique que la commune, crée par l’Assemblée nationale le 14 décembre 1789 sur la base des paroisses ecclésiastiques ou fiscales, mais qui allait, depuis le vote de la même assemblée le 22 décembre 1789, structurer durablement notre territoire imaginaire, géographique, administratif et politique, à portée bien connue d’une journée de cheval.

La France magnétique. Photo D. Lahary

La France magnétique, puzzle. Photo D. Lahary

En réalité, depuis 1789, le département fut surtout, et va sans doute demeurer, un échelon d’administration déconcentrée de l’État lui-même, dominé par la figure emblématique du Préfet. Lequel, tout en exerçant le pouvoir de l’Etat à portée de cheval, présidait une assemblée demeurée obscure dans l’esprit des citoyens : le « conseil général ». Étrange appellation. De même que le verbe « aller »se conjugue sur trois racines différentes (« all- », « v- », « ir- »), le « département » politique se cache derrière le « général » et le « cantonal ».

On a oublié que la Révolution avait institué des « conseils généraux » à trois échelons différents : le département, le district (subdivision de ce dernier), la commune. L’assemblée du district a disparu avec celui-ci, celle de la commune a été rebaptisée « conseil municipal » et l’adjectif « général » n’a finalement subsisté qu’à l’échelle départementale, témoin d’une histoire enfouie.

Le département n’a véritablement accédé au statut de collectivité territoriale à part entière qu’au début des années 1980 avec l’acte 1 de la décentralisation, en même temps que la toute récente région. Il fut comme elle pourvu d’une clause de compétence obligatoire en même temps que de compétences obligatoires issues de transferts de l’Etat.

Mis en cause par le rapport Attali de 2008, il a finalement survécu à la réforme territoriale de 2010. A cette occasion, son rôle spécifique a été réaffirmé dans nombre de discours et rapports, deux mots clés revenant avec insistance : « solidarité » et « proximité ».

Ce sont ces deux mêmes mots qui fondent la résistance à la disparition de la collectivité départementale avec l’adjonction d’un troisième : la ruralité. Des élus ont supplié que le département subsiste au moins dans les départements ruraux. Le Parti radical de gauche en aurait fait une condition à sa participation au second gouvernement dirigé par Manuel Valls depuis le 25 août 2014.

Ce dernier a énoncé le 19 septembre 2014, lors de sa seconde déclaration de politique générale  les trois destins alternatifs qui attendent les actuelles collectivités départementales :

  • « Dans les départements dotés d’une métropole – comme Lyon, par exemple, la fusion des deux structures pourra être retenue.
  • Lorsque le département compte des intercommunalités fortes, les compétences départementales pourront être assumées par une fédération d’intercommunalités.
  • Enfin, dans les départements – notamment ruraux – où les communautés de communes n’atteignant pas la masse critique, le conseil départemental sera maintenu, avec des compétences clarifiées. »

Voilà qui complique singulièrement le traitement des compétences obligatoires des départements, dont celle relative aux bibliothèques départementales dites « de prêt ». Par son projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, qui doit être examiné par les chambres cet automne, le gouvernement propose le transfert au régions des routes départementales, du transport scolaire et de la gestion matérielle des collèges d’ici 2017, mais aucune autre mesure n’est encore programmée. Les départements se voient privés de leur clause de compétence générale. Ils exercent des « compétences de solidarité sociale et territoriale ».

Quelle compétence obligatoire ?

Les départements sont chargés depuis le 1er janvier 1986, dans le cadre de l’acte I de la décentralisation, d’une compétence obligatoire en matière de bibliothèque qui demeure sans contestation aucune, bien qu’elle ne soit pas rappelée dans le projet de loi que je viens d’évoquer. Elle figure, non dans le Code général des collectivités territoriales, mais dans le Code du patrimoine, où sont recueillies plusieurs dispositions législatives et réglementaires relatives aux bibliothèques territoriales. Sa formulation est lapidaire : « Les bibliothèques centrales de prêt [BCP] sont transférées aux départements. Elles sont dénommées bibliothèques départementales de prêt [BDP] ».

L’Etat s’est ainsi défait d’établissements dont il a mis 40 ans à doter chaque département, à l’exception de Paris et de la première couronne d’Île-de-France. Le concept original (il n’y à d’équivalent très approximatifs qu’en Allemagne et au Québec) a été formulé par l’ordonnance n° 45-2678 du 2 novembre 1945, signée par Charles de Gaulle soi- même. Le préambule proclame que « L’entretien d’une bibliothèque publique dépasse les possibilités budgétaires de la plupart des petites communes, notamment de celles dont la population municipale est inférieure à 15 000 habitants. Il est nécessaire que l’État vienne en aide à ces communes. »

Comme dans les domaines de l’aide sociale, des archives ou de la gestion des routes, il s’agit d’une compétence rendue obligatoire par transfert de l’État. C’est aussi une compétence exclusive, qu’aucun autre niveau de collectivité territoriale ne peut actuellement assumer.

A l’instar de toutes les compétences relatives aux bibliothèques figurant dans le Code du patrimoine, elle ne porte pas sur l‘exercice d’une politique mais sur la gestion d’un service : la « bibliothèque départementale de prêt ».

Une lecture minimaliste conduirait à considérer que, dans le cadre de la libre administration des collectivités territoriales (article 72 de la Constitution), les départements peuvent faire ce qu’ils veulent du service transféré, y compris le vider de son contenu en ne lui attribuant plus ni moyens ni missions, ce que seule la Réunion a osé.

Une autre lecture consiste à prendre en compte les missions du service transféré. Il existe deux manières de le faire :

  1. en ne prenant en compte que l’ordonnance de 1945, seul texte à valeur législative relatif aux BCP antérieur aux textes de décentralisation ;
  2. en prenant en compte les quatre circulaires ministérielles successives aux Préfets et directeurs de BCP, et tout particulièrement la dernière, la circulaire DLL 6 n°85-47 du 1er août 1985 signée par le directeur du Livre et de la lecture Jean Gattégno.

La première lecture est malaisée car l’ordonnance n’énumère que des moyens aujourd’hui dépassés (« un bibliothécaire directeur, un sous-bibliothécaire, un secrétaire dactylographe, fonctionnaires de l’État, un chauffeur auxiliaire ») et, non dans le corps de l’ordonnance mais dans son préambule, une mission vague et en partie dépassée (« un dépôt temporaire et renouvelable de livres », « notamment [dans les communes] dont la population municipale est inférieure à 15 000 habitants »).

La seconde lecture conduit à prendre en compte l’évolution du rôle et des méthodes des BCP telles qu’elles ont évolué de 1945 à 1985. La circulaire de Jean Gattégno recommande de privilégier la fourniture de documents à des bibliothèques plutôt que le prêt direct aux populations par bibliobus, et étend les missions des BCP au conseil, à la formation et à la coopération à l’échelle départementale

Cette lecture est compatible avec le principe de libre administration des collectivités territoriales : il appartient aux départements de poursuivre cette évolution dans le cadre de leur propre politique. C’est ce qu’on largement fait la plupart d’entre eux en développant les moyens mis à la disposition des BDP et en faisant évoluer leurs méthodes et leur missions.

A quoi sert une BDP ?

On pourrait, alors que l’échelon départemental se brouille et est appelé à s’évaporer en partie, se demander s’il est bien utile que subsistent sous une forme ou sous une autre des BDP. Le grand directeur du Livre et de la lecture que fut Jean Gattégno avait imaginé une telle disparition dès 1984 : « D’une certaine façon, on pourrait dire que l’ambition des BCP est de disparaître au profit d’un tissu suffisamment riche, suffisamment nourri de bibliothèques municipales [1]».

Mais est paru à point nommé, en novembre 2013, un important rapport de l’Inspection générale des bibliothèques (IGB), coordonné par Jean-Luc Gautier-Gentès, sous le titre Les Bibliothèques départementales de prêt : indispensables autrement. Il constitue un irremplaçable état des lieux prospectif des BDP au moment où le sort des collectivités départementales auxquelles elles étaient attachées depuis 28 ans se brouille.

Citons un extrait de la synthèse liminaire :

« Les BDP ont quatre raisons d’être, intimement liées les unes aux autres :

  • faire émerger des bibliothèques municipales ou intercommunales efficaces ;
  • apporter un appui aux communes et EPCI et à leurs bibliothèques ;
  • créer et animer, pour le profit de chacune de ses composantes, un réseau départemental ;
  • mettre leur expertise au service des politiques départementales. »

Il n’est aucune de ces raisons d’être qui ne conserve toute sa validité. À commencer par la première; malgré les progrès considérables accomplis depuis quarante ans, la France reste insuffisamment équipée en bibliothèques municipales ou intercommunales susceptibles de répondre aux besoins et attentes de la population, en particulier dans les zones rurales et périurbaines. Seuls sont appelés à évoluer, s’agissant de ces quatre missions des BDP, les proportions, les périmètres et les types d’appui. Les proportions : le prêt de documents a décru, décroîtra au profit de la prestation d’autres services. Les périmètres : à la notion de réseau de la BDP, doit être substituée celle de réseau départemental, toutes les bibliothèques du département ayant vocation à y prendre part, d’une manière ou d’une autre. Les types d’appui : celui-ci doit être adapté aux besoins de chaque territoire, commune, EPCI, « pays » ou canton, aux besoins de chaque équipement ; s’agissant de l’apport en documents, toute sa place doit désormais être faite aux ressources numériques ; le champ de l’expertise des BDP doit s’élargir, et dans certains domaines, son niveau doit s’élever. »

On voit par les deux premiers items que l’hypothèse de Jean Gattégno est implicitement invalidée parce que le travail ne serait pas achevé. Non, l’effort conjugué de l’État et des départements n’a pas suffit pour que le maillage territorial soit achevé, pour que les modernisations nécessaires aient été entreprises partout. Toute idée d’achèvement est d’ailleurs illusoire : ce qui est resté en l’état à l’heure où Jean Gattégno s’exprimait n’est plus adapté aux besoins d’aujourd’hui. L’aide incitative demeure utile pour que les communes et leurs groupements investissent et adaptent.

Mais le troisième item est d’un tout autre calibre : en prônant l’animation d’un « réseau départemental », l’IGB plaide en fait pour l’abandon du traditionnel plafond démographique communal d’intervention (passé depuis 1945 de 15 000 à 20 000 puis à 10 000 habitants) auquel un certain nombre de BDP, mais pas toutes loin de là, ont déjà procédé. Pareille recommandation est heurtée de plein fouet par la perspective de survie des seuls « départements ruraux ».

Il est évident que l’histoire des BCP/BDP a eu en grande partie liée avec la problématique de la lecture publique rurale. Mais, au cours des vingt dernières années, en fonction naturellement des contextes locaux, cette focalisation a été surmontée dans un certain nombre de départements, avec des partenariats entre le départements et des communautés d’agglomérations, des présences physiques de lieux départementaux ouverts à la population comme à Marseille ou Montpellier, enfin à des réseaux de service intégralement départementaux comme les catalogues collectifs du Jura, du Haut-Rhin et du Val-d’Oise.

Au demeurant, avec la montée de l’intercommunalité, toute référence à un plafond démographique communal me semble totalement obsolète et le sentiment de perte que peuvent éprouver certaines BDP lorsque se constitue un réseau intercommunal englobant certaines de leurs « communes desservies », pour compréhensible qu’il soit, me semble devoir être surmonté. En schématisant à l’extrême, on pourrait identifier deux tendances opposées.

La première, qu’on pourrait qualifier de « bécépiste prégattégnienne », tend à organiser la dépendance de chaque point desservi. Elle permet de garantir un certain niveau service grâce aux moyens départementaux mais ne stimule pas une prise en charge politique locale ni l’organisation des territoires en réseaux intercommunaux. L’intercommunalité détricote leur empire.

La seconde, s’appuyant souvent sur les démarches de territorialisation engagées dans les années 2000 par un certain nombre de conseils généraux, a au contraire consisté à encourager une structuration de l’espace départemental sur une base intercommunale et/ou à partir de bibliothèques têtes de réseau. L’intercommunalité fait souvent partie de leur stratégie.

Dans la situation incertaine où sont aujourd’hui plongés les services départementaux, on pourrait penser que les BDP les plus assurées de leur avenir sont les premières, puisqu’elles ont su se rendre indispensables, tandis que les autres risquent une fois le travail accompli de donner raison à la vision de Jean Gattégno. Allons plus loin dans la réflexion avec un maître-mot : la subsidiarité, en d’autres termes la recherche de l’échelle la plus pertinente pour chaque tâche ou mission. C’est un principe essentiel de bonne administration, qui au fond justifie ou devrait justifier l’organisation territoriale d’une nation.

Mais j’y ajoute un postulat que j’ai souvent défendu : les bibliothèques sont des instruments de politique publique. D’une politique sectorielle, qu’on nomme en mauvais jargon, faute de mieux, la « lecture publique ». Mais aussi de politiques plus larges culturelles : éducatives, sociales, etc. La combinaison de ces deux principes consacre la lecture publique comme une compétence partagée, principe continûment admise pour la culture dans son ensemble (article 73 IV de la loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales, article 18 du projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République). Il revient à chaque niveau de collectivité de prendre sa part de cette compétence partagée en assumant les responsabilités relevant le plus efficacement de son périmètre.

Dans cette perspective, les départements ont été dans leur rôle en encourageant le développement communal et intercommunal des bibliothèques par leurs conseils et leurs aides financières tout en assurant des tâches spécifiques dans une logique de subsidiarité (notamment l’expertise, la formation, la fourniture de supports documentaires physiques et, de plus en plus, numérique).

En d’autres termes : au-delà du rôle d’incitateur à la création d’équipement et à la construction de réseaux, auquel il n’est pas encore raisonnable de fixer un terme, un échelon de subsidiarité placé jusqu’ici à l’échelle départementale conserve toute sa validité.

Un, deux, trois, cent destins ? L’héritage de la « bédépie »

Soient les trois destins qui attendent (pour le moment) nos conseils généraux.

Le maintien des « départements ruraux », formule qui, selon des territoires, coule de source ou non, sent son statu quo. Pour les BDP, voilà qui rassure. Même renforcées, les intercommunalités rurales gagneront à bénéficier d’un soutien à cette échelle.

Le transfert à une métropole de la compétence départementale en matière de bibliothèque, au même titre que celle des autres compétences, peut se concevoir mais soulève deux questions :

  • l’une de périmètre : s’agit-il de strictement de celui de la métropole ou le transfert concernera-t-il l’ensemble du département ?
  • l’autre de conception : comment, si la métropole n’absorbe qu’une partie de la BDP, concilier une culture urbaine et une gestion pragmatique de sa périphérie rurale ?

Nous abordons ici un point essentiel : quel peut être l’héritage de la « bédépie » ? La lecture publique urbaine a longtemps ignoré la campagne, cet autre monde où les bibliothèques ne ressemblent pas toujours aux bibliothèques, où une partie d’entre elles sont gérées par des bénévoles, voire sous statut associatif. Les bibliothèques départementales détiennent la compréhension (au moins bibliothéconomique) de cette « France périphérique », pour parler comme Christophe Guilluy. Elles ont mis en place de longue date une logistique inconnue en ville et qui est d’avenir : la rotation des fonds dépassant le terrible attachement de chaque équipe à sa collection locale, une habitude de la logistique, au-delà du mythique bibliobus (qui dans la majorité des cas est en reflux ou a disparu), le fonctionnement en réseau sans que le centre en soit une bibliothèque classique recevant du public, la formation continue mais aussi la formation initiale élémentaire (en partie en lien avec l’ABF), et finalement ce qu’on pourrait appeler l’ingénierie territoriale appliquée à la lecture publique.

Voilà, le legs possible des BDP à des métropoles qui en hériteraient. Et aussi à des fédérations d’intercommunalités ? Ce nouveau sous-produit d’une réforme territoriale à la française qui décidément n’en finit pas de complexifier un paysage qu’elle prétend simplifier pose question. Comment ce qui ne peut-être qu’une émanation au deuxième degré des communes peut-il hériter de compétences obligatoires issus de transferts de l’Etat, comme l’action sociale, les archives ou les BDP ? Il est permis d’en douter et d’écarter par prudence, au moins à ce stade de la réforme, cette piste pour en évoquer deux autres.

La première est celle de l’EPCC (établissement public de coopération culturelle). Créés par la loi du 2 janvier 2004 et figurant au Code général des collectivités territoriales, ces établissements publics qui peuvent être à caractère administratif ou industriel et commercial , ils disposent d’un conseil d’administration comprenant des représentants des collectivités territoriales et de l’Etat ainsi que des personnalités qualifiées et des représentants du personnel.

Cette formule, qui a permis de conférer ou conserver un cadre clairement public à toute sortes d’établissements culturels, peut correspondre à certaines configurations locales. J’y vois l’inconvénient de ne plus rattacher la BDP à une seule collectivité territoriale, ce qui lui permet d’être connectée à d’autres politiques publiques dans une logique de transversalité, mais à un ensemble qui peut ne pas représenter la totalité du territoire desservi. J’y vois aussi un risque d’enfermement dans une bulle bibliothéconomique, en d’autres termes un danger de technicisation et de dépolitisation.

La seconde piste, qui apparaissait avec évidence lors de la première déclaration de politique générale du Premier ministre, est évidemment celle de la région. Elle convient évidemment mieux qu’une fédération d’intercommunalité pour le transfert d’une compétence obligatoire. Elle ne signifie pas seulement l’éloignement du terrain : on peut imaginer des échelons déconcentrés, comme déjà certaines BDP en disposent au sein de leur département.

Mais les régions ont peu l’habitude de la proximité. Se vivant souvent comme des collectivités de mission, elles pratiquent peu la gestion d’équipements de services. Même si elles réclament une compétence culturelle obligatoire ou un « chefdefilat » sur le livre, cela ne concerne pas dans leur esprit la lecture publique. Enfin elles vont d’ici 2017 être accaparées par leur fusion et le transfert des routes départementales, de la gestion des collèges et du transport scolaire. Pourtant, l’échelon régional demeure essentiel y compris pour les bibliothèques, et pour l’ensemble des territoires, y compris ruraux. J’y reviendrai dans un prochain billet. Gardons cette perspective en mémoire, au-delà du rural et des métropoles.

Je n’ose évoquer une dernière piste : le retour des BDP à l’État. Ce serait à rebours de l’histoire, une technicisation assurée dans un contexte de pénurie.

Il n’y a pas péril en la demeure, mais…

Même si l’annonce du 8 avril 2014 a pu légitimement émouvoir et troubler, il n’y a pas péril en la demeure. La disparition d’une partie des conseils généraux d’ici 2021 est possible, la mise en place des compétences métropolitaines certaine, mais chaque cas sera probablement particulier. Le détricotage des compétences départementales devrait commencer avec le vote, dans les mois qui viennent, de la loi portant organisation territoriale de la République, mais ne devrait concerner d’ici 2017 que les routes, les collèges et le transport scolaire.

Reste que les collectivités territoriales sont plongées dans une incertitude institutionnelle qui affecte les élus, les directions générales et l’ensemble des services. Comment développer des plans stratégiques dans ce contexte ? La période est plutôt celle de la consolidation des acquis. Cela n’interdit pas l’innovation, qu’il s’agisse de la logistique physique, du numérique, de la formation ou de l’expertise.

Mais consolider l’existant c’est aussi préparer l’avenir. En se préparant à toutes les hypothèses possibles, en explorant les pistes, en sensibilisant autant que faire se peut tous les acteurs, de la commune à la région.

Il n’est pas temps de laisser s’évaporer l’acquis des BDP. Une telle compétence obligatoire, ça ne se galvaude pas.

(Ce billet est redevable de quelques personnes avec qui je me suis entretenu ces derniers jours. Elles ne sont pas toutes bibliothécaires. Elles se reconnaîtront. Qu’elles soient ici remerciées.).

Complément du 4 novembre 2014 :

Recul constant des déclarations gouvernementales sur la question du département, comme en témoigne cet article de Localtis du 29 octobre : Manuel Valls a en effet déclaré ce 28 octobre : « Les assemblées départementales qui seront désignées lors des élections des 22 et 29 mars prochains exerceront pleinement leurs compétences de solidarité, si importantes pour nos concitoyens (…). Lors de cette phase de transition – je veux être très clair –, la collectivité départementale pourra même être confortée sur ces compétences de solidarités territoriales et humaines, par exemple en matière d’ingénierie territoriale et d’accès aux services au public. » Il n’y a décidément pas péril en la demeure tant les BDP s’inscrivent dans cette logique territoriale de service public. L’enjeu principal demeure l’articulation entre les différents niveaux d’action publique.

Billets de la même série :

La saison 2 : Bibliothèques en territoires (2013-???)

La saison 1 : Les bibliothèques et le millefeuille territorial (2008-2010)

Articles

Analyse

[1] Résumé de l’intervention de M. Jean Gattégno, directeur du Livre et de la lecture  » [au congrès de l’ABF tenu à Reims], in : Bulletin d’information [de l’Association des bibliothécaires français], n°125, 4e trimestre 1984

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