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Blog professionnel de Dominique Lahary, bibliothécaire. Mes propos n'engagent que moi.

Bribes de presse : ma médiathèque mute

Posted by Dominique Lahary sur 2 février 2012

Dans Le Monde du  21 Janvier 2012 :  « Ma bibliothèque mute », par Pascale Kremer
Reproduit ici

Aborde la question de la mutation numérique des bibliothèques.

Deux réactions :

  • de Claude Poissenot qui à juste raison remarque que l’article fait l’impasse sur la question de la bibliothèque comme espace public
  • de Yann Moix qui n’a rien compris et campe sur une représentation figée de la bibliothèque et fétichiste de la culture [hors du papier point de salut].

29 Réponses to “Bribes de presse : ma médiathèque mute”

  1. aimable said

    Bonjour.

    L’article du Monde réussit le tour de force de synthétiser les poncifs et les gimmicks du moment sur le devenir des bibliothèques. Tout est faux et contourné. Il n’y a pas une seule ligne qui ne puisse faire l’objet d’une réfutation. Qu’une telle contribution soit publiée dans un tel journal (i.e. intronisée comme discours faisant autorité), en dit long à la fois sur la pauvreté de la réflexion des gens de métier et sur la désinvolture des journalistes. (A noter que l’auteur de l’article milite pour la « transformation » des bibliothécaires en journalistes. En d’autres temps, cette insulte ne serait pas restée sans réponse.)

    Quant à l’article de Poissenot, il brasse encore une fois les obsessions et les niaiseries qui ont rendu célèbre son auteur. Il n’a sans doute pas pris la peine de lire l’article en question, car il répond à côté de la plaque (c’est son habitude de tordre le propos des autres à des fins d’auto-promotion. Autre illustration – des plus bêtes – de ses sorties : son commentaire d’une déclaration de Marine Le Pen – fallait le trouver !). Des collègues avisés lui répondent sur son blog (Livre-Hebdo) ; ça me dispense de le faire. Il faut le dire : ça fait plaisir de constater qu’il reste encore dans le métier des gens qui ne communient pas dans la propagande orchestrée par les Kim-Jung Il de la lecture publique.

    Je n’ai pas lu l’article de Yann Moix, mais le simple fait qu’il épingle ces deux pingouins engage à s’intéresser à ce qu’il dit. Croyez-vous, DL, qu’il suffise de maîtriser Power Point pour avoir un jugement clair et clairvoyant sur l’avenir des bibliothèques ?

    Aimable.

  2. Edith Scholl said

    Yann Moix dans son article très réjouissant (et fort bien écrit, ce qui ne gâte rien), rappelle que les conservateurs (et donc aussi les assistants de conservation, beaucoup plus nombreux) ont pour mission de …conserver le patrimoine livresque. Et c’est bien là que le bât blesse : la nouvelle religion des bibliothécaires décrète que nos « médiathèques » n’ont pas (plus ?) à conserver les ouvrages, d’où cette frénésie terrifiante du désherbage qui fait disparaître des collections des ouvrages de fonds aujourd’hui épuisés ; par exemple, certains livres remarquables – et à présent quasi introuvables – de Jean-Michel Palmier que j’ai constaté avoir été jetés sans états d’âme par des « médiathécaires » à qui le nom de l’auteur ne devaient rien évoquer.

    Vraiment, il faut lire ce rappel salutaire de nos « fondamentaux » qui nous vient – comme c’est étrange – d’un écrivain.

    • Bonjour.
      Je maintiens mon diagnostic de fétichisme.
      Qu’est-ce qui est important ?
      L’œuvre, pas tel ou tel exemplaire physique.
      Le fait que les lecteurs intéressés puissent y accéder, par que tel exemplaire physique appartient à telle collection et y demeure.

      Je suis bien d’accord que l’indisponibilité de titres est regrettable et cela me soucie infiniment.
      Mais je sais aussi qu’une bibliothèque dont les rayonnages accessibles au public (c’est la seule question), pas ou peu désherbés, mal renouvelés, repoussent le public. Et on ne peut pas installer de vastes réserves partout.
      Car l’important que le bibliothécaire, qu’il appartiennent ou non (ce qui est une contingence statutaire) au corps ou au cadre d’emploi des conservateurs, ait la satisfaction intime de conserver dans SA collection, au cas où, mais que l’investissement public que représente une bibliothèque ou médiathèque (c’est la même chose) serve effectivement à des gens et facilite effectivement la diffusion d’œuvres. Ne pas désherber, on sait que c’est l’empêcher.

      C’est pourquoi j’ai admiré la réserve centrale de la ville de Paris qui facilite le désherbage local tout en préservant la disponibilité des titres (pas forcément en autant d’exemplaires). J’ai proposé d’adapter cette idée à l’échelle du département du Val d’Oise, et c’est chose faite.

      J’avais un peu théorisé la chose avant en proposant la distinction entre les deux jambes de la bibliothèque.

      Oui au désherbage des rayons en libre accès libre.
      Oui à la mission de « conservation de préservation » pour quelques bibliothèques (surtout la BnF).
      Oui à la conservation partagée pour le prêt.

      PS : le numérique fera peut-être disparaître la notion d’indisponible. Dans quelles conditions d’accès ? Il est trop tôt pour le dire. En attendant, conservons en réseau, pas chacun. Au mot « conservateur » je préfère celui de « partageur ».

  3. Yvonnic said

    Une fois de plus Poissenot touche juste, éreinte la vieille garde, et sa conclusion est parfaite : « Il révèle une vision française du monde dans laquelle l’idéal doit prévaloir sur la réalité. » et « Comment refonder les bibliothèques en ignorant le point de vue de ceux qui les fréquentent ? ». En deux phrases clés il ne se répète pas, il se transcende.

    Ceci dit l’article du Monde me laisse une impression étrange, une gène. Derrière les propos triomphalistes et technicistes sur le numérique-avenir du monde et la description de nouveaux pharaonismes qui en rappellent d’autres, on sent la peur du déclassement, de la disparition, le panurgisme de directeurs paniqués à l’idée de rater le train de l’avenir, la dernière mutation avant l’autoroute.

    « Nous touchons un nouveau public jeune », « nous gagnons de nouveaux inscrits », « il faut au moins cela pour ne pas disparaitre »…

    Inutile de forcer les choses, elles avancent lentement mais surement à l’aune des moyens locaux. Et cette échéance de 2015 pour le numérique obligatoire dans les villes d’au moins 20 000 habitants est assez risible au fond. L’Etat, une fois de plus, prend le train en marche, en rajoute et croit piloter la locomotive. Pas nouveau…

    En tous cas j’ai appris un nouveau mot : Faire de la « guidance ». Moi qui commençait juste à me penser en médiateur….

    Amusant tout ça.

    DL : enfin, après le fétichisme forcené du désherbage militant, arrive la tardive reconnaissance de la réserve active. Préserver la disponibilité des titres. Nous sommes donc bien d’accord ! Et ça fait longtemps qu’on le fait. Sauf qu’on n’a pas tous les moyens de la Ville de Paris, c’est tout.
    Tout ça pour ça !

  4. Edith Scholl said

    Claude Poissenot a écrit sur son blog de Livres-hebdo :
    « J’ai lu la réaction de Y. Moix… gardien du temple qui n’a pas laissé passé un commentaire orientant vers mon texte… Débat disais-je… »
    Ce maître à « penser » (si on peut dire) des collègues qui ne voient pas plus loin que le bout de leur nez est d’une mauvaise foi sidérante. Il se plaint avec aplomb d’avoir été censuré sur le blog de Yann Moix, alors qu’il intercepte lui-même tout commentaire qui ne va pas dans son sens sur son site ainsi que sur le blog de livres-hebdo. Je viens d’en faire l’expérience pas plus tard que la semaine dernière !

    Voici ce qui a déplu à M. Poissenot :

    « […]le travail solitaire dans un cadre collectif est bien une forme de socialisation au sens où c’est lui qui fournit la contrainte qui lui est nécessaire. »
    Cette phrase est incompréhensible : qui fournit la contrainte ? « le travail solitaire » ? Ceci n’a pas de sens.
    Vous militez pour que nos bibliothèques deviennent des sortes de cafés ou de places du marché pour venir papoter, se « socialiser », et – c’est le le plus grave -, ne soient plus que cela. « Quand je suis en train de lire, je dis merde au vivre ensemble » (déclaré par Alain Finkielkraut lors d’une émission « Répliques » sur France culture) – cette boutade contient beaucoup de vérité.
    Je comprends mieux pourquoi l’une des principales activités aujourd’hui dans certaines « médiathèques » consiste à jeter à la benne des masses d’ouvrages de fonds parfois devenus introuvables car épuisés, au mépris d’une des missions essentielles de la bibliothèque : diffuser le savoir et la culture (et non seulement l’information) en direction de ceux qui ont en le plus besoin.

    D’autre part, pour répondre à Dominique Lahary sur la conservation partagée qui permettrait de désherber sans dommage des ouvrages pas ou peu empruntés, elle n’existe pas dans mon département, la Seine-Saint-Denis. D’où les dégâts parfois irrémédiables (et inexcusables) provoqués par un désherbage irréfléchi.
    Un collègue du 95 m’a expliqué que la consigne donnée dans son réseau est d’éloigner le plus possible du lecteur les ouvrages les plus pointus et à rotation lente. Ce principe me semble inique car il prive totalement le lecteur d’avoir la chance de tomber par hasard sur ces ouvrages et d’avoir – qui sait ? – envie de les lire.

    • Yvonnic said

      Je ne sais pas comment vous pouvez savoir ce qui a déplu à C; Poissenot dans la diatribe de Y. Moix. J’ai lu cet article de Moix et je l’ai trouvé assez illisible et totalement centré sur une réflexion complexe (et mal écrite, ce qui est un comble) sur la finalité du livre. Les propos de comptoir actuels sur le refus du numerique, des tablettes etc…se multiplient et ne touchent pas leur cible.

      Je suis néanmoins d’accord avec une partie de vos propos, qu’on voit assez peu développée dans les propos sur la mediathèque-lieu socialisateur, c’est le fait que la lecture est fondalementalement un acte individuel, voire individualiste. (Et là Finkielkraut a foutrement raison). Le lecteur ne se sent pas appartenir à une communauté de lecteurs. Une lecture ne se partage pas, contrairement à ce que tentent de faire des bibliothécaires-animateurs qui tentent, médiocrement en termes de résultats, de « fédérer » un lectorat autour d’un auteur à grands coups d’animations ciblées. Cette detestable habitude de conseiller des lectures en les estampillant  » coups de coeur », pratique essentielle voire unique des portails et blogs de bibliothèques, vitrines bien peu interactives, ou de la reprise du systeme Amazon (ils ont aussi aimé….) sont des pratiques qui manquent souvent leur cible. Nos méthodes de « valorisation des fonds » tournent vite aux rituels. Nous sommes d’ailleurs pourris de rituels et de tabous, autant parmi les progressistes que parmi les Vétustes. Mais c’est untre débat.

      Mais l’argument se retourne contre vous et vos semblables : La convivialité, la socialisation (ou la place du marché, le parc d’attractions, si vous vous complaisez dans ces caricatures faciles) trouvent leur place dans la mise en place et la valorisation d’autres pratiques et services, qui, eux, génèrent du papotage. J’ai remarqué qu’on echange beaucoup plus en secteur musique ou en secteur informatique qu’en secteur litterature. Le jeu en ligne est une haute forme de socialisation. Et facebook aussi. Mais si !

      Je crois que personne ne peut définir aujourd’hui, et encore moins circonscrire, les actions et missions qui génèreront de la socialisation. Et c’est pourtant ce que trop de nos pontes et pontifes tentent de faire. Ils ont tort. Poissenot nous donne une démarche préalable : recueillons d’abord la parole publique, identifions la, et répondons-y. En attendant, donnons-nous les moyens maximum de ne fermer aucune porte. Y compris les tablettes. Non pas parce qu’elles seraient « incontournables » (la marche du progrès etc…) mais parce qu’elles peuvent constituer une réponse ciblée à certains besoins.

      J’ai lu quelque part qu’aux USA aucun projet de nouvelle bibliothèque ne pouvait être validé sans une cafétéria. Pas la cafet dans un petit coin, élément rajouté, lieu-alibi. Non, la cafeteria comme lieu central. A la limite on pourrait dire que la mediatheque se pense et se construit autour de la cafeteria. On y vient. Je crois qu’une Bib de la Ville de Paris a ouvert recemment sur ce principe.

      Le papotage est l’avenir des bibliothèques, comme l’information (le traitement de l’information) est l’avenir du document. Quels qu’en soient les supports. Quant au plaisir de lire, fichez lui la paix. Il reste et restera l’affaire de chacun. Certains l’assimilent même à un acte sexuel, ceci dit sans provocation. Ils n’ont peut-être pas tort. et pour rester dans la métaphore, l’échangisme n’est pas la solution…

      PS; Je ne suis pas persuadé que vous ayez compris le propos laharien sur le désherbage. « Préserver la disponibilité des titres » est fondamental. La mutualisation de cette conservation pose par contre des problemes techniques au niveau local. Elle met en question des pratiques corrolaires, assez disparates, comme la circulation des documents vers le lecteur, la qualité des systemes de réservation par internet, la qualité d’accessibilité à des fichiers communs, des lieux de stockage gérés etc…Ce qui est réalisable à certains échelons (departemental notamment) n’est pas forcement applicable à des échelons plus reduits. Par ailleurs vous lui faites un procès d’intention en parlant de « déherbage irréfléchi » et d’une espece de volonté d’éloigner le document du lecteur ou de « jeter à la benne des masses etc… »

      Je ne suis pas toujours d’accord avec D. Lahary mais je ne lui fais pas de procès de ce genre. Je crois simplement qu’il est devenu à un certain moment prisonnier de son propre discours, pas assez nuancé, trop militant et éloigné de certaines réalités de terrain. Dépassé par sa véhémence (fût-elle justifiée), il s’est créé son propore fetichisme. C’est un fixiste de la mutualisation. Mais il peut s’amender en rendant son discours plus technique, plus différencié.

      La conservation locale va dans le mur, à terme, c’est une évidence. Mais les solutions sont techniques et complexes. Le discours incantatoire sur la mutualisation ne suffit plus. Une fois de plus les solutions seront locales et à trouver au niveau des intercommunalités. Et là, la volonté politique est déterminante, ne l’oublions pas. Mais ne refaisons pas le débat.
      ,
      Un détail, pour terminer sur une note conviviale et sympathique : je n’en à rien à foutre (ou à cirer, dans votre cas) de ce qui se passe en Seine Saint-Denis

  5. A Edith Scholl, je me dois de rectifier. Je n’ai pas la main sur la modération du blog de Livres-hebdo. Je ne vous aurai certainement pas censurée, je crois aux vertus du débat… Sur penserlanouvellebib, je modère mais c’est très très rare que je ne passe pas les messages qui sont postés.
    Je vous laisse libre de penser ce que vous voulez mais je tenais à relever cette inexactitude.

  6. hache said

    Yvonnic.

    Au lieu de cirer les pompes de CP, expliquez-moi plutôt pourquoi ma bibliothèque, si méprisante de l’avis des publics, en accueille toujours plus ; pourquoi, alors qu’on mène une politique documentaire résolument tournée vers l’excellence (i.e. « élitisme », au prisme des poissenonautes) et vers l’offre, les prêts ne baissent pas ; pourquoi, lorsqu’on fait la police (appelons un chat un chat) pour maintenir un niveau sonore acceptable, les lecteurs nous remercient ; pourquoi, alors qu’on résiste à la propagande qui nous pousse au « ludique », à la « convivialité », au « lien social » et autres conneries qu’il est toujours bon de glisser lors d’un entretien d’embauche, les gens nous estiment toujours plus. J’ai bien une hypothèse, mais elle va vous contrarier.

    Autre chose : je pense sincèrement que CP ne connaît rien des bibliothèques. Je ne dis pas cela pour provoquer (cela, je le lui laisse – lui qui n’a de cesse d’appeler « vieille garde » des gens dont la réflexion est d’un tout autre niveau que son baragouin idéologique) ; dans ses travaux, rien ne tient la route. Je sais que dire cela ne fait pas avancer le chmilblik ; mais à quoi bon perdre son temps à polémiquer avec le néant ? Ce qui m’étonne, par contre, c’est de constater l’audience qu’une telle « pensée », vide de contenu, d’idée neuve (un comble pour un apôtre de la « nouvelle bib »), rencontre dans le métier (au tout cas chez les chefs dont vous devez être). Là encore, j’ai bien une hypothèse (sociologique de surcroît), mais je crains de vous froisser.

    « Le papotage est l’avenir des bibliothèques » : Paco Rabane ?

    Vive Finkielkraut !

    Victor Hache

    • Edith Scholl said

      Bravo !

       » Le livre doit être la hache qui brise la mer gelée en nous » (Franz Kafka, lettre à Oskar Pollak)

    • Yvonnic chasseur de fossiles vivants said

      Vous êtes ridicule mon cher fossile. Quoi de plus stérile que de se balancer chacun à la figure SA bonne bibliothèque, SES bons chiffres ( ah, les chiffres des prêts….) etc…pour justifier de SES bonnes pratiques. Infantile. Solipsisme.

      Vous vous imaginez qu’ un sociologue établit ses constats et ses propositions sur la base de telles comparaisons (invérifiables en plus !). Un travail sociologique a tout de mème une autre valeur.

      Ceci dit, je vous félicite pour vos excellents résultats, votre recherche de l’excellence ( pour tous, bien sûr)et votre courageuse résistance à la propagande actuelle. C’est toujours beau la Résistance. C’est aussi toujours le fait d’une minorité….donc encore plus méritant.

      Le dernier dinosaure a dû se sentir important, pendant un moment. Ensuite il s’est senti bien seul.

      Et puisque vos publics vous remercient, tout va bien. Je ne vois pas pourquoi vous montez aux créneaux.

      Je vais vous dire un secret, mais ne le répétez pas : Effectivement, CP ne connaissait probablement rien aux bibliothèques. C’est pour ça qu’à un moment donné, il était précisément le mieux placé pour en parler. Mais ça , c’est peut-être un peu compliqué pour vous….

      Un détail : chez moi aussi le « niveau sonore est jugé acceptable », pourtant il est différent. Comme les publics. Allez comprendre!

  7. Anonyme said

    Il est toujours rentable d’ossifier le débat en opposant les « fossiles » aux « modernes » – les seconds jouissant évidemment d’un discernement inaccessible aux premiers. Je vous abandonne volontiers ses facilités. Et puisque votre discernement ne vous a pas permis de comprendre le sens de mon intervention, je vais vous éclairer :

    – Il ne s’agissait pas d’opposer une exception à (ce qui serait) la règle : je dis que le discours de CP se fonde sur un pseudo-constat, étayé sur des données statistiques tirées par les cheveux (les chiffres, c’est lui, pas moi) dont il tire des conclusions imbéciles ( les gens pressés s’en satisfont). Non, son travail n’a (à mes yeux, il est vrai) n’a aucune autre valeur qu’idéologique (j’ajoute, sans prétention, qu’il me serait aisé de le démontrer – et vous pouvez ne pas me croire sur parole si vous le souhaitez). En d’autres termes, ce qui existe « chez moi » existe aussi ailleurs ; sauf que vous ne voulez pas le voir (mieux vaut en effet se persuader que les gens aspirent au « ludique » ; ça permet de transfigurer sa propre confusion en noble attention aux besoins d’autrui).
    Je travaille là où vous n’avez sans doute jamais mis (et ne mettrez jamais) les pieds, dans une bib du 93, et j’affirme que c’est dans ce lieu que règne et doit régner l’excellence, non pas parce que je l’ai décrété, mais parce cela correspond à deux choses fondamentales : les besoins et les attentes des gens ; ce que doit être une bib, c’est-à-dire un lieu qui offre les moyens intellectuels de comprendre le monde, non pas les derniers gadgets « ludiques » et les « espaces conviviaux » fabriqués pour l’étourdissement des masses. Les moyens de comprendre le monde, c’est aussi bien les textes philosophiques (que les crétins qui ne les ont jamais ouverts relèguent dans la « culture légitime » – oh que les bourdieusiens sont cons !) que les séances d’alphabétisation – parce qu’apprendre à s’exprimer, par écrit ou oralement, c’est se donner les moyens de comprendre et d’agir : où est « l’élitisme » ? Où voyez-vous le « dinosaure » dans ces pratiques ? On comprend par contre pourquoi les pouvoirs, les élites (dont celles des bib) préfèrent le « ludique » à tout ce qui porte les gens à plus de lucidité.

    – Non, je ne me drape pas dans la peau du Résistant : je m’efforce seulement de confronter au réel les discours actuels sur la lecture publique ; j’y vois un conformisme qui ne dit pas son nom, un obscurantisme satisfait, une propagande opiniâtre, un martellement comparable à la stratégie de la publicité. (Pour rester sur le terrain de la science qui semble avoir votre faveur : il serait intéressant de faire la sociologie du discours modernisateur. Cela, il ne faut pas l’attendre de CP.)

    Hache

    • Yvonnic said

      Le constat qu’a initié Poissenot, car il n’a fait que l’initier, à l’époque où il était conspué par toute la profession (je dis bien TOUTE, reportez vous aux textes de l’époque) n’était pas faux. Il était simplement inaudible. Nous pataugions tous dans des débats intra-muros qui tournaient en rond, englués dans nos tabous professionnels et nos inquiétudes devant les chiffres catastrophiques du lectorat. Pourtant nombre d’entre nous avaient depuis des années fait la constatation que la « fréquentation » et notre façon de la comptabiliser en termes de lecteurs et de prêts, relevait d’un discours faussé. Parce que nous étions incapables de chiffrer autre chose que des prêts d’une part, et d’autre part parce que fondamentalement nous avions du mal à penser, à évaluer » notre lieu de travail en dehors de sa mission culturelle éternelle Concept dont nous avions naturellement hérité (merci Bourdieu). Et pourtant d’autres signes étaient là, bien présents, qui nous prouvaient que l’attractivité de nos structures ne se résumait pas à cela. Les prémisses du ludique étaient déja là. Il fallait un Poissenot (ou un autre, peu importe, mais quelqu’un hors du sérail) pour nous imposer cette évidence. Poissent n’a pas inventé une réalité, il l’a mise en évidence. Le fait que Galilée ait prouvé que la terre tourne ne veut pas dire que la terre ne tounait pas avant lui. Poissenot n’a fait que libérer une parole professionnelle qui n’osait s’exprimer. Il nous a tenu un miroir. Et nous nous sommes vus.

      Quelque part son rôle est terminé. Il frequente désormais les salons. Et il est possible, probable mème, que son discours ne devienne peu à peu décalé ou redondant. Peu importe, la profession s’y est reconnue et s’est désormais approprié l’essentiel du débat. Il est mème possible, pour vous suivre, que de nouveaux conformismes se développent à partir de là.

      Soyons un peu modérés. En dehors des postures polémiques qui conviennent au ton des conversations de blogs, nous savons bien tous les deux que le ludique n’exclut pas la culture, que la convivialité n’est pas l’étourdissement des masses, que l’animation n’est pas le parc d’attractions etc…Ces excès de langage ne servent qu’à transformer une réalité sociologique en posture idéologique, ce qui empêche tout débat. Il est vrai que vous vous devez de préserver votre image de nihiliste. C’est le problème avec les personnages qu’on se compose, il faut ensuite en soigner les apparences, quitte à être condamné à l’outrance perpétuelle. Guitry disait  » vous jouez votre personnage jusqu’au jour où c’est votre personnage qui vous joue. » C’est ce qui lui est arrivé d’ailleurs.

      l’idée par exemple de « culture froide » et de « culture chaude » (lisez le livre de Poissenot, vous saurez au moins ce dont il parle) n’est qu’une théorisation de pratiques déja présentes en bibliothèque. De nombreux collègues ont déja , physiquement, séparé les deux (le coin des livres pratiques etc…) et intuitivement créé desequilibres nouveaux dans ces domaines, s’exonérant en plus en partie de la Dewey. Or, ils se basaient sur quoi, sinon sur l’observation de leurs publics ? Nous sommes des pragmatiques.

      Poissenot nous a simplement décomplexés par rapport à notre façon de recevoir, compiler, analyser les attentes du public. Toutes les demandes publiques sont recevables à priori. Et parfaitement conciliables. L’existence d’un espace de jeux en ligne n’a jamais empêché l’existence d’un fonds cohérent de livres « permettant les moyens intellectuels de comprendre le monde » comme vous dites. Votre discours oppose. Les bibliothèques composent. Lahary avait eu un jour une formule remarquable sur la violence faite aux publics (je ne l’ai plus en tête, mais peut-être nous fera-t-il l’honneur de nous la rappeler). Poissenot nous rappelle simplement qu’au fond, en remettant les publics au centre, selon sa formule célèbre, nous évitons cette violence.

      Dans votre construction et vos phrases on voit toujours apparaitre ce vieux poison de la profession : le besoin de définir, nous les Prescripteurs, ce que doivent être « les attentes et les besoins des gens « (on disait « des masses » dans le temps…au moins on savait qui parlait); C’est cette légitimité auto-proclamée qui n’est plus de mise. On nous l’a retirée. Et c’est définitif.

      Hormis cela et les postures blogueuses, nos bibliothèques se ressemblent probablement plus qu’on ne pourrait le croire en nous lisant. Nos décibels se valent sans doute, Et mon rayon philosophie vaut sans doute bien le vôtre. Peu importe en fait. Nous sommes déontologiquement tenus à la cohérence de nos fonds et à notre charte des collections, non ? (Par contre, il est bien possible que mon rayon cuisine et loisirs créatifs soit un peu plus riche…)

      Bon, j’arrête parce que je suis trop consensuel ce soir, ça va nuire à mon image.

  8. Anonyme said

    Je ne vais pas commenter les points qui, dans votre réponse, me paraissent justes. Je vais seulement essayer de synthétiser ce qui, à mes yeux, pose problème :

    – Votre réception du discours de CP. Je n’ai absolumment pas la même impression que vous sur l’accueil fait à CP dans la profession. Qu’il incarne désormais la nouvelle doxa de la profession n’implique pas qu’il ait été jadis ostracisé (ça, ça fait partie du mythe qu’il a lui-même contribué à édifier. Passons). N’oubliez pas qu’il fut assez vite publié dans le BBF (autant dire la consécration) ; le fait même que ses textes aient été débattus dès le début est bien la preuve que sa parole était reçue. Pour ma part, je n’ai jamais vu un milieu si peu corporatiste que celui des bibliothèques ; alors pourquoi jouer les Calimero ? pourquoi seriner « Le mal aimé », tout le temps et urbi et orbi ?

    – Qu’a-t-il apporté de nouveau ? Là encore, je ne vois absolumment pas les choses comme vous. J’ai sans doute moins de bouteille que vous mais j’ai appris le métier avec des vieux ; le souci de placer le public « au centre » des préoccupations professionnelles était déjà le leur ; ils n’avaient pas attendu CP pour critiquer l’autisme d’une partie de la profession. Conclusion : lorsque l’autre est arrivé avec ses gros sabots et ses prescriptions (c’est drôle que vous que perceviez pas la dimension normative de son discours, vous le contempteur de la prescription), il a fait rire, puis il a fait chier : s’entendre sermonner n’est jamais agréable ; lorsque c’est sans objet et de surcroît fait de manière sentencieuse et du point de vue de la « science », ça devient insupportable.

    – Qu’elle est la limite de votre lecture de la place du discours de CP dans les débats actuels sur la lecture publique ? Vous vous limitez me semble-t-il à l’évaluer dans le strict cadre du débat professionnel. Or, il s’inscrit dans un contexte intellectuel plus large ; il charrie un ensemble de représentations (des rapports sociaux, de la culture, de la manière d’être ensemble…) qui constituent aujourd’hui le nouveau conformisme : cela, il conviendrait bien sûr de le démontrer. J’ajoute juste ceci : là est à mes yeux l’innovation de CP : il a donné une légitimité « scientifique » à un ensemble de dispositions et de valeurs déjà présentes dans le métier (comme vous dites) mais tenues sous le boisseau parce que réactionnaires (je ne m’expliquerai pas sur ce point mais elles le sont objectivement, comme on disait jadis). C’est cette rencontre entre un discours extérieur à la profession et l’imaginaire professionnel qui me semble intéressant.

    – La « formule remarquable sur la violence » de DL est la suivante : « exclure des livres c’est exclure des gens ». Moi, je n’ai pas trouvé cela remarquable, mais profondément bête (j’y ai vu également l’illustration des ravages de la vulgate bourdieusienne : en se diffusant, la pensée de Bourdieu s’est réduite à un sac à formules toutes faites, à l’usage des étudiants de premier cycle et de penseurs pressés, genre Lahary. Notez bien que Bourdieu n’en est pas responsable). C’est bête parce que c’est irréfléchi et péremptoire ; c’est bête parce que, sans que son auteur s’en rende compte, c’est méprisant (si je rejette le paranormal, je n’exclus pas des gens mais la bêtise ; si, sachant que le paranormal est de la pure connerie, j’en achète malgré tout, qu’elle image ai-je du public à qui je le destine, sinon celle de gens tout juste bons à ingurgiter ce type de littérature) ; c’est bête parce que ça ignore ce qu’est une collection : un fonds documentaire ordonné, c’est-à-dire intellectuellement cohérent, et dont la finalité est de répondre à des besoins.

    Hache

  9. Bonjour

    Dans ces échanges je suis évidemment tout à fait du côté d’Yvonnic sans me toutefois lancer dans d’infinis commentaires sur Claude Poissenot dont j’approuve la plupart des positions.

    Ma formule à laquelle il fait allusion, qui a été tronquée à la hache, est la suivante :
    « Si quiconque, entrant dans une bibliothèque, n’y décèle rien qui lui soit déjà familier, alors il lui est signifié, j’ose dire avec violence, que cet endroit n’est pas pour lui. En ce sens, exclure des livres, ce peut être aussi, du même coup, et quelles que soient les intentions, exclure des gens. »

    Elle provient un article que Hache déteste probablement, et que je contre-signe à deux mains aujourd’hui encore :

    Pour une bibliothèque polyvalente : à propos des best-sellers en bibliothèque publique, in Bulletin d’informations de l’ABF n°189, 2000 :
    http://www.lahary.fr/pro/2000/ABF189-bibliotheque-polyvalente.htm.

    Quand j’en fais une citation raccourcie, je prends la première phrase, pas la seconde qui n’est est qu’une conséquence et est exprimée de façon nuancée (« en ce sens »).

    Attention à ne pas se faire plus bête que l’on est en trouvant bêtes les positions que l’on combat. Croyez-vous que m’ait échappé le fait que ce que j’écris remet en cause la notion de collection telle que vous l’entendez ? Non seulement j’en suis conscient mais je l’assume totalement.

    J’ai déjà effleuré la question, ici par exemple : La bibliothèque, les populations, l’espace-temps : Pour une conception vraiment territoriale de la lecture publique, Journées d’étude de l’ADBDP Territoires de lecture, lecture des territoires , Tours, 8-10 novembre 2004 : http://www.adbdp.asso.fr/spip.php?article440.

    Et je projette de l’aborder plus longuement un jour ou l’autre.

    • Yvonnic said

      Merci pour la citation complète et son contexte. Les réactions véhémentes des Scholl et Hache prouvent à quel point ce propos est encore très dérangeant. C’est une opinion que je partage depuis les années 80 et que j’avais l’habitude de balancer à des collègues dénonçant ma politique d’acquisition comme déontologiquement scandaleuse par la place que je faisais aux « mauvaises littératures ». Ma formulation manquait évidemment d’élégance : « Attention, si vous considérez qu’il y a de littérature de merde, c’est que vous pensez qu’ il y a des lecteurs de merde ».

      J’ai été heureux de retrouver cette opinion en des propos plus complets (et plus fleuris, disons-le) sous votre plume, puis d’une autre façons sous celle de Poissenot.

      Je me permets de conseiller aux Vétustes la lecture de « Mauvais genres, mauvaises lectures, mauvaises gens » de Jean-Maurice Rosier, qui démonte les méthodes soi-disant scientifiques qui ont permis de monter en mayonnaise et d’ériger les hierarchies culturelles dont nous avons souffert et souffrons encore
      dans nos bibliothèques. Que les Scholl et les Hache sachent bien que leur position n’est pas que culturelle, que leur recherche de l’excellence par l’exclusion n’est pas qu’un petit hochet qui ne sortirait pas de débats internes, leur petit épouvantail personnel, leur nihilisme de bon ton. C’est une position politiquement scandaleuse et grave qui trouve ses ressorts et ses conséquences à un niveau social très large. La violence dont vous parlez ne se cantonne pas aux bibliothèques, bien évidemment. Et nous le savons tous…

      Coupons leur la tête, ça leur fera les pieds !

      • Anonyme said

        Tiens, Yvonnic, vous vous faites prescripteur maintenant…

        Que ma position ne soit pas uniquement « culturelle », comme vous dites, je l’espère bien : je la veux politique. Je viens du prolétariat (et même du sous-prolétariat, par ma mère). Aussi, chez moi, ce que vous appelez la « culture légitime » a plutôt été un moyen d’échapper à l’enfermement – un enfermement aujourd’hui ardemment désiré par les idéologues de la lecture publique, ces factotums de l’oligarchie en place. Pour cette raison, vos indignations convenues (la « culture légitime », les « mauvais genres » et les « mauvais lecteurs », l’ « exclusion » par la sélection des ouvrages) trouvent chez moi d’étranges échos ; elles évoquent les déclamations démagogiques des « spécialistes de l’universel », de ceux qui dénoncent haut et fort les « hiérarchies culturelles » et font l’apologie de l’entertainment (la « culture chaude » ?), avant d’appeler à aller voter ou proposer d’installer des Wii en bib. Rapport qualité-prix, y a pas mieux : ça flatte le peuple et les pauvres et ça ne dérange pas grand chose. Ca tombe bien, je sors d’une réunion où il a été question d’accueillir des groupes de personnes en délicatesse avec le français, l’expression orale et écrite (i.e. illettrisme) ; le responsable du projet (qui n’est pas bibliothécaire) a parlé d’ « apprendre à penser par soi-même », d’ « éveil », d’autonomie et de démarche fondée sur l’ « entraide » (car l’émancipation est toujours collective). Il pense que la bibliothèque est un lieu de découverte et de familiarisation avec la culture. C’est sans doute un gros con, selon votre échelle des valeurs.

        Gargarisez-vous tant que vous voulez avec l’idée que le propos de Lahary est « dérangeant » : s’il dérange quelque chose, ce n’est surtout pas l’ordre social. On déclame ce type de sentence larmoyante, et l’on rentre bien sagement chez soi, dans le 16ème arrondissement de Paris, ou à Meudon. Je sais : c’est facile de pérorer ainsi ; de surcroît, c’est plein de réminiscences staliniennes. Mais il est quelque fois bon de rapporter la nature d’un propos à la position de celui qui le tient ; ça met les choses en perspective : et l’on voit que derrière les belles envolées humanistes se cache (à peine) la peur sociale des assis, un conservatisme atavique.

        Hache

      • Edith Scholl said

        « leur position n’est pas que culturelle, que leur recherche de l’excellence par l’exclusion n’est pas qu’un petit hochet qui ne sortirait pas de débats internes, leur petit épouvantail personnel, leur nihilisme de bon ton.  »
        Franchement, cette phrase n’a aucun sens. Elle n’est même pas correcte sur le plan de la syntaxe.
        L’excellence pour tous est mon programme de bibliothécaire, c’est simple. Et n’essayez pas de me transformer en réac élitiste et « excluante ».
        J’ai écrit tout le contraire de ce dont vous m’accusez. Les « mauvais genres » ne sont nullement exclus de mes collections (et personnellement j’aime le polar, la BD, la SF etc. Mais le meilleur à l’intérieur de ces genres ; car – c’est bête à rappeler – ce n’est pas le « genre » qui importe c’est la qualité de l’œuvre ; idem en musique et cinéma.)

        Ce que je trouve déplorable et scandaleux, c’est cette démagogie qui cherche à se faire passer pour la défense des plus démunis culturellement (cf. l’article de C. Poissenot sur la lutte contre illettrisme.)

        Et en effet, ceci dépasse le cadre de la lecture publique.
        Les ravages de cette idéologie du nivellement par le bas ont accéléré la démolition de notre système d’enseignement (couplé avec la télé poubelle dont l’effet sur la destruction de la culture des individus n’est plus à démontrer) et paralysé gravement l’ascenseur social.

        Quant à votre conclusion, elle me rappelle furieusement la Reine d' »Alice aux pays des merveilles » (un de mes livres de chevet) – une personnification du fascisme (oh, un point Godwin pour ES !).

    • Anonyme said

      Je ne vois pas de contresens dans l’interprétation de votre phrase : ma citation tronquée va à l’essentiel, à l’idée ; vous me servez l’original, qui noie le propos dans une périphrase.

      Quant à la destruction de la notion de collection : je ne supposais pas pas que vous l’ignoriez – vous, l’apôtre du désherbage aveugle (et, désormais, de la Wii). A ce sujet, cela fait un moment (plusieurs années, en fait), que je voulais vous demander pourquoi, vous qui prêchez urbi et orbi le désherbage inconsidéré, n’avez-vous pas commencé par désherber votre propre fonds ? C’est ainsi qu’on y trouvait toujours, vers 2008, un ouvrage de Ségolène Royal sur l’agriculture, écrit dans les années 1980. Je sais que vous êtes de la gauche molle mais quand même ! Mais il faut sans doute que cet ouvrage soit incessamment réclamé par les bibs du Val-d’Oise pour qu’il figure toujours au catalogue de la BDP Je sais qu’en tant que chef vous n’êtes pas directement chargé du désherbage ; mais alors, ordonnez, que diable ! Ordonnez l’épuration !

      On arrive ainsi à cette étrange situation : vous, l’idéologue du désherbage, ne prêchez pas d’exemple ; moi, partisan des collections qui ont de la tenue, je désherbe à tour de bras.

      Hache

  10. Edith Scholl said

    Cette idée farfelue consistant à affirmer qu’exclure d’une bibliothèque certains ouvrages revient à exclure les personnes qui les apprécient, pourrait rejoindre (dans la catégorie de l’absurde et du n’importe quoi) ces thèses curieuses de Claude Poissenot mettant en accusation la lutte contre l’illettrisme dans un article de Libération du 27 septembre 2004.

    Voici la conclusion de cet article :

    « La ‘bataille pour la lecture’ est engagée au nom de valeurs conçues comme universelles. Elle est menée au premier chef par des êtres sincèrement sensibles à la lecture et notamment à la littérature. Il reste que, collectivement, cette bataille est l’occasion d’un jeu de hiérarchisation sociale entre fractions de notre société. Il s’agit d’imposer les qualités dont on se trouve porteur et d’en négliger d’autres (par exemple le bricolage). Mais, par un puissant effet pervers, la promotion de la lecture contribue à la stigmatisation de ceux qu’il s’agirait d’aider à «sortir de l’exclusion». Ils sont regardés à travers leur incompétence et les conséquences présumées qu’elle entraîne. Ils sont réduits à leur ‘handicap’. La prudence semble de mise pour que la lutte contre l’illettrisme ne se transforme pas en une lutte contre les ‘illettrés’. »

    L’article est à lire à cette adresse :

    http://www.liberation.fr/tribune/0101503250-qui-a-peur-de-l-illettrisme

    Quand vous vous refusez – je présume – à acquérir des ouvrages roulant pour l’extrême droite, est-ce que vous excluez de votre bibliothèque les personnes qui en France (peut-être actuellement 20 % ?) voteraient aux prochaines présidentielles pour  Marine Le Pen ?

    Autre exemple : ma collègue de la section jeunesse ne veut pas acheter de « Martine » (une série d’albums ignoblement laids et indigents mais omniprésents dans les supermarchés).
    Est-ce qu’elle méprise ainsi – et donc exclue – les enfants et leurs parents qui les recherchent parfois ?

    Personnellement, je réponds : absolument pas et bien au contraire. Et nous donnons s’il le faut les raisons qui président à ce choix en proposant d’autres titres d’albums de meilleure qualité. En fait, nous faisons notre boulot de bibliothécaire. Nous ne sommes pas des épicières !

    Par contre, nos collections comportent – comme partout ? – des romans de terroir et sentimentaux, des témoignages glauques et des récits « vécus », des ouvrages pratiques etc. Pas seulement, bien entendu. (J’achète à la fois les livres de Walter Benjamin et de Danielle Steel.)
    Cet éclectisme réfléchi guidant les acquisitions n’a pas attendu les théoriciens de la « nouvelle bibliothèque » pour se pratiquer.
    Donc rien de nouveau sous le soleil, à part la remise en cause des missions fondamentales qui sont celles de nos établissements. Et c’est bien là que réside la « nouveauté » des apports d’un Claude Poissenot et la nocivité de ses idées.

    • Yvonnic said

      « Il pense que la bibliothèque est un lieu de découverte et de familiarisation avec la culture ».
      Il a parfaitement raison votre collègue, mais ses propos, assez généraux, ne légitiment en rien vos positions et peuvent servir à n’importe qui dans n’importe quel débat. La preuve, vous vous en servez.

      Que de déchainements ! On a mème le droit au « couplet-Cosette » de notre bon Hache héritier d’un valeureux lumpen-prolétariat ,et Mââme Scholl qui brandit allègrement son terroir-alibi tout en rejetant les Martine..

      Postures et incohérences se succèdent chez nos dinosauriens. Faut-il qu’ils se sentent menacés dans leur légitimité pour se torturer ainsi la vesicule biliaire ! Un point amusant mais très révélateur me saute soudain aux neurones: L’Illettrisme ! Car décidément la lutte contre l’illettrisme revient souvent dans vos discours, comme une médaille qui vous exonèrerait à priori de toute tentative d’exclusion par la recherche de l’excellence (dont il restera à prouver qu’elle est réellement destinée à tous…mais là vous éludez. D’autant que les prosélytes de l’excellence ont actuellement un parfum assez douteux…).

      Désolé mais vous vous enfoncez. J’explique.

      Poissenot a parfaitement raison quand il parle de stigmatisation à propose de la lutte contre l’illettrisme. Petit rappel-grattoir pour les jeûnes qu’ont rien inventé: Le problème de l’illettrisme n’est pas nouveau puisque l’usage courant de ce mot date des années 70 grâce à l’action de ATD Quart Monde et de son fondateur. Décidément, les années 70 vous collent au cul, mes pauvres! Autant vous dire qu’on ne vous a pas attendu pour s’y interesser. Et de fort belles actions ont été menées à ce niveau. (Pour votre gouverne, j’ai travaillé 18 ans en banlieue parisienne, et pas précisément à Meudon…). Et puis, et j’en parle en connaissance, il n’y a pas que les bibliothèques pour cela, figurez-vous, il y a (surtout) l’associatif de quartier. Sortez de vos temples, braves soldats de l’inutile, c’est ailleurs que ça se passe !

      Apporter sa pierre à cette lutte est certes utile (et aussi valorisant que le portage du sac de riz, apparemment), mais à condition de ne pas tomber, là aussi, dans la spirale des idées reçues que déclament vos semblables depuis plus de 20 ans: « les jeunes ne lisent plus et écrivent peu et mal », « les nouvelles techniques de communication sont catastrophiques pour l’écrit », « les jeux vidéo abrutissent » etc.…Toutes ces affirmations relèvent de procès d’intention sans réels fondements et de nombreux praticiens ( ceux qui sont réellement en contact avec les jeunes sur leur terrain et non pas ceux qui en parlent derriere leurs banques de prêt) étayés dans leurs constats par de nombreuses études (notamment de très récentes sur l’éveil par les jeux vidéo) nous montrent que ces affirmations sont souvent fausses, pour le moins un peu hâtives et de toute façon stigmatisantes. Donc, Poissenot for ever!

      Qu’il s’agisse des personnes en situation d’illettrisme ou des acteurs participent à la lutte contre l’illettrisme, il conviendrait chers démocrates vertueux de ne pas s’enfermer dans des discours ou des démarches qui peuvent contribuer à culpabiliser plutôt qu’à responsabiliser. Les coupables possibles étant aussi nombreux que les acteurs qui les « désignent » respectivement : les parents, les enfants, l’école, le territoire et bien d’autres encore, comme les bibliothèques précisément.

      Quant aux jeux vidéo, il convient de s’interesser à la culture de ces jeux plutôt qu’au produit (bouh, les vilains marchands !). Car cette culture existe et est aujourd’hui reconnue. Il y a mème des gens très sérieux qui considèrent que c’est une forme d’art. Ce qui n’empêchent pas quelques têtes bien-pensantes de nous seriner à longueur de blogs et d’articles que ça rend idiot et violent. (comme les mêmes, vous, les éternels constipés, nous disaient au collège que le sexe rendait idiot). Alors qu’il est prouvé que cela fait au contraire naitre des compétences (je parle des jeux, pas du sexe, quoique…) et que les gros joueurs developpent des capacités d’organisation étonnantes ( voir un article du Nouvel Obs : tempsreel.nouvelobs.com › Médias)

      Ainsi moi par exemple, depuis que je joue régulièrement à Cross Racing Championship (depuis 2005, cherchez pas ils le font plus, mais on ne s’en lasse pas), j’avoue modestement que je prends beaucoup mieux les virages avec ma voiture ! C’est pas une preuve, ça, mes braves ?

      Et même que quand j’ira sur fassebouk, un jour que c’est que quand je sera grand, j’aurai plein d’amis nouveaux et conviviaux, et je leur dira que Hachéscholl, c’est des vilains, na !

  11. Anonyme said

    Yvonnic, je renonce à vous répondre : tel un militant léniniste, vous êtes enfermé dans un raisonnement si bien rôdé qu’il tourne tout seul. Vos arguments sont tous terrains, comme les critiques convenues que CP assène à la soit-disant « vieille garde » de la profession, qui n’existe que dans son imagination et pour les besoins de sa cause idéologique. Vous imputez aux autres des propos ou des intentions qu’ils n’ont pas : je vous pardonne car vous ne savez pas ce que vous faites et dites.

    Mais tout cela n’a sans doute aucune importance. L’important, c’est le réel, le quotidien professionnel, qui ne vérifie absolument le diagnostic des modernisateurs. Ca vous rend aigri et querelleur. Vous dites avoir exercé dans le coin, mais, franchement, j’en doute (ou alors, c’était il y a longtemps) ; sinon vous ne parleriez pas ainsi. Nos points de vue diffèrent parce que nos contextes professionnels diffèrent ; et, par conséquent, les enjeux liés à ces contextes ne sont pas les mêmes. Or, vous et CP et toutes les têtes de linottes du lobby de la convivialité délivrent du haut de la chaire un discours monolithique, qui vaudrait uniformément pour tous les lieux et tout le monde. Gardez donc vos recettes conviviales pour les bourges que vous servez ; de mon côté, je me charge de fournir une nourriture plus substantielle aux gens qui la réclament – parce que dans leur cas, la connaissance n’est pas un passe-temps de dilettante mais une nécessité – et un plaisir aussi.

    Hachons, hachons les pompeux cornichons !

  12. Yvonnic Le Bouffon said

    Vous feignez de croire que la profession se différencie essentiellement par ses contextes locaux, ce qui vous permet d’ériger le vôtre en argumentaire définitif.

    Il y en a marre de cette suffisance, de ce snobisme bobo, mâtiné d’un semblant de vertu ouvrieriste, mis en exergue par des petits bourgeois exerçant, le plus souvent malgré eux, leur profession dans les départements réputés « chauds » de la grande couronne. Et en plus sa majesté exhibe ses lettres de noblesse de self made man issu d’un milieu défavorisé ! On croit rêver. C’est du Zola. Quant à la légitimité que vous en tirez, c’est une imposture totale…

    J’ignore vos pratiques réelles sur le terrain, mais ce qui est certain c’est que si votre discours nihiliste avait la moindre réalité concrête, vous ne pourriez pas exercer cette profession, ni probablement aucune autre, ni là ni ailleurs. D’ailleurs vos pratiques sont inconnues, j’ai remarqué que vous ne débattez jamais sur des choses concrêtes, vous les conceptualisez immédiatement pour mieux éviter de les confronter au réel. La caricature vous suffit. Jusqu’à nier que j’aie pu exercer dans votre terrain de chasse !

    Continez à amuser la galerie avec vos prises de position idéologiques, vous ne trompez personne. Pas mème les pontes du BBF (j’ai finalement lu vos articles en ligne) qui vous font une petite place avec un sourire paternaliste du genre « il faut bien que le môme s’amuse un peu ». Le petit trublion de service qui amuse les têtes couronnées, c’est un grand classique.

    Le monolithisme c’est vous. L’amuseur public aussi. Et je vous laisse bien volontiers la vertu si elle vous aide à vivre.

    Que vous le vouliez ou non, j’ai effectivement exercé dans un triangle Les Mureaux/Mantes La Jolie/Chanteloup-Les Vignes (pas assez vertueux pour vous sans doute, trop calme et bourgeois je suppose) et fait de l’alphabétisation dans les quartiers, en dehors de mon métier. De très nombreux collègues sont d’ailleurs à l’époque passés par la région parisienne, notamment en début de carrière, tout simplement parce que c’est là qu’il y a (ou y avait) le plus plus de postes disponibles, et non par vocation ou,pour jouer les Abbé Pierre. Simplement je n’en tire aucune gloriole ni leçon à donner aux autres. Et je suis même très content d’être allé voir ailleurs.

    La seule leçon que j’en ai tirée, mais que je n’impose à personne, c’est que, quel que soit le milieu où l’on exerce, il est souhaitable de rester en toutes occasions proche du terrain, écouter les gens tels qu’ils sont, continuer à pousser le chariot, rester dans des structures à dimension humaine, éviter le carrièrisme et le nomadisme qu’il entraine, pouvoir avoir une action évaluable immédiatement, fuir le discours technocratique, politicard et idéologique des mégalomanes qui veulent refaire le monde en refaisant la tête des gens qu’ils sont censés servir. Et avoir un discours conforme à ses pratiques. C’est déja pas mal.

    La France des bibliothécaires de « bourges » vous remercie de lui pardonner, vous salue bien et vous souhaite bonne continuation dans votre schizophrénie clownesque.

    • Anonyme said

      Ah ! J’avais vu juste : vous êtes un petit-bourgeois aigri. Comme je suis mauvais, j’ai envie de vous aigrir davantage.

      D’abord en abordant une question de méthode : lorsqu’on « conceptualise », on le fait à partir du « terrain », comme vous dites ; sinon, on ne conceptualise pas, on fait de l’idéologie – ce que je lis justement chez CP, vous-même, DL et la sainte famille des modernisateurs. (Ceci pour terminer de vous convaincre qu’en effet, je vous prends de haut.)

      De votre côté, vous avez beau en appeler au « terrain », vous en restez aux positions de principe. Oui les contextes diffèrent – et même radicalement -, que vous le vouliez ou non ; il ne s’agit pas de « croire » ; c’est de l’ordre du fait (vous le dites vous-même : Paris n’est pas la province et vous êtes « très content d’être allé voir ailleurs »). En d’autres termes, partir du contexte, c’est se donner les moyens de la nuance (je sais : ça va vous faire rire), en l’occurrence d’éviter de communier dans la nouvelle doxa professionnelle (le « ludique », le « convivial » – qui, pour le compte, recouvre désormais ce qu’on peut appeler la « culture légitime », ce qui est « prescrit » uniformément aux « masses »). Aussi, même si vous n’êtes pas d’accord, mes objections (qui vont loin) se fondent sur le réel et la perception que j’en ai ; de même, mes critiques des modernisateurs reposent sur l’écart que je constate entre leurs fantasmes et ce qui est – et ce qui devrait être.

      Au risque de vous décevoir : non, je ne vis pas mon métier sur le mode de l’apostolat : je ne suis pas Zorro ; seulement un type qui ne s’en laisse pas compter. Vous savez, pour moi, comme pour ceux de ma race, travailler est une nécessité (et j’exerce ce métier par facilité, parce que je ne suis sans doute pas apte à grand chose d’autre). Autrement dit, je n’ai aucune envie de jouer les abbés Pierre (lorsqu’on est né pauvre, on ne connaît pas la haine de soi qui pousse les petits bourgeois à l’apostolat), ni les troublions mégalomanes (cela dit, si je fais chier les imbéciles, ça me ravit – c’est mon côté gamin). J’essaie seulement de réfléchir à ce que je fais, aux côtés d’autres personnes, et à ce qui se prêche dans les sphères où les gens sont payés pour penser à la place des autres. Ce que lis, ce que j’entends, ce que je perçois dans les propos des grosses têtes me paraît indigne et réactionnaire. Alors j’en fais état ; c’est mon seul pouvoir et j’en use – avec ou sans votre accord.

      Aussi, vous avez beau trépigner, baver de rage, invectiver, je n’ai pas l’intention d’occuper la place que vous me réservez. Et je conclus en vous souhaitant de vous réconcilier (enfin) avec vous-même : vous êtes un petit-bourge avec des idées et des valeurs de petit-bourge ? Acceptez-le, ça ira mieux .

      Hache

  13. Edith Scholl said

    Il y a certaines idées avec lesquelles je suis d’accord dans le dernier commentaire d’Yvonnic (son refus du carriérisme ayant comme conséquence le nomadisme, son désir de rester proche du « terrain », d’écouter la parole des lecteurs).

    (Pour information : la Seine-Saint-Denis, c’est la petite et non la grande couronne.)

    Mais quand il préconise au bibliothécaire d' »avoir une action évaluable immédiatement », à cela, je m’oppose totalement.
    C’est au contraire des actions à effet retardé qu’il faut mettre en place, des actions de fond dont les effets durables et profonds ne pourraient être « évalués » sur le court terme.
    Et c’est bien là le problème actuel : nous adoptons les travers des hommes politiques les plus irresponsables, c’est à dire que nous ne travaillons pas pour l’avenir mais pour un effet immédiat (nous cherchons l’audience un peu le font comme les « télés poubelles »).
    J’écris « nous » pour parler d’une tendance propre à la profession. Je ne suis en rien d’accord avec cette démarche.

    Le fait de s’envoyer à la figure le mot « bourgeois », n’a pas grand sens puisque nous sommes tous ici de la même catégorie professionnelle.
    Mais pourtant, effectivement, l’origine joue sûrement un rôle dans nos divergences.
    Le fait d’être un « transfuge » (être issue d’une autre classe que celle où on se trouve, ce qui est aussi mon cas) aiguise le sens critique, semble-t-il ?

  14. Yvonnic said

    Je vous résume une fois pour toutes, en utilisant vos termes : le ludique et le convival, la peste et le choléra apparemment, représentent la culture légitime, elle-mème définie par ce qui est prescrit aux masses. (Tiens, voilà les masses qui pointent leur nez) Les modernisateurs réactionnaires communient devant cette nouvelle doxa qui alimente leur conception fantasmatique de la réalité. Point barre.

    Toute votre position tient en ces propos cent fois répétés dans toutes vos interventions, toutes années et tous blogs confondus, Quatre misérables lignes sur lesquelles vous rebondissez à chaque fois. Tous ceux qui vous lisent peuvent en faire le constat.

    Vous n’avez aucun recul historique, vous n’acceptez aucune différence, voire déviance à vos propos dogmatiques, vous ignorez la diversité des bibliothèques et des situations locales, vous méprisez l’immense majorité de la population (des veaux, bien sûr) et vous n’avez finalement aucun sens du service public.

    Vous vous complaisez à stigmatiser ceux qui vous écoutent en croyant qu’ils « trépignent et bavent de rage » à la lecture de vos propos. Vous aimeriez certainement avoir ce pouvoir de faire réagir les réactionnaires (excusez le pléonasme). Ben non, c’est raté. C’est avec commisération que l’on vous lit, mon pauvre ami.

    Les bibliothèques ont une longue histoire, très longue et qui fut souvent difficile et émaillée de combats dont vous n’avez pas idée. Nous y avons tous participé, nous et nos anciens, pour les faire avancer et arriver là où elles en sont. Et la société a évolué pareillement, dans un sens où dans l’autre. Nous y avons gagné (mais savez-vous seulement ce que cela veut dire) notre place dans le service public, grâce au travail de tous, les grosses têtes, les petites têtes et mème ceux qui pensent avec leurs pieds… même si beaucoup reste à faire.Vos constats de leur état à l’instant T sont ineptes.

    Quand on vous lit, on se dit qu’avec des cafards comme vous, on n’aurait mème pas eu le droit de lancer l’Heure du conte en bibliothèque ! On frémit rétrospectivement à l’idée de se retrouver plus de 60 ans en arrière. Le ludique et le convivial ont commencé là, il y a fort longtemps, et d’abord avec des benevoles et de l’associatif.

    Fort heureusement vous n’êtes qu’un mauvais rêve, une virgule dans notre histoire professionnelle, une voiture à l’arrêt, définitivement coincée sur un parking désert.

    Même pas peur !

    Bonne nuit petit scarabée coprophage !

  15. Anonyme said

    Calmons le jeu Yvonnic : ce qui est inepte, ce ne sont pas mes propos, ni même les vôtres (sauf quand vous sombrez dans la scatologie – une manie navrante), mais la tentation qui nous prend, vous et moi, d’humilier l’autre en le passant à la moulinette de nos certitudes respectives. Ce que vous venez d’écrire, je pourrais vous le retourner mot pour mot – vous vous en doutez -, sans autre profit que la satisfaction de vous éreinter une énième fois.

    Le mieux serait de consacrer cette énergie vainement dépensée en polémiques dans la réalisation de véritables études. Je parle de vraies études : pas de celles que pondent les élèves conservateurs de l’ENSSIB, dont les « problématiques » sont cousues de fil blanc et les conclusions trop attendues (à de rares exceptions, dont une évocation de Lucien Herr – un bibliothécaire qui ne devrait avoir vos faveurs puisqu’il partageait les mythes de l’ouvriérisme radical). On en a les moyens intellectuels et on dispose de la matière. Quand je dis « on », je pense aux gens de métier, à ceux qui oeuvrent quotidiennement dans les bibliothèques. Si la « base » s’occupait de ses propres affaires, au lieu d’être dans la remise de soi, l’emprise de ceux que vous appelez les « technocrates » serait moindre. Parmi les technocrates, je place, vous le pensez bien, CP. Il ne s’agit pas de rejeter un regard extérieur gênant, mais plus sérieusement, de recevoir de manière critique un discours qui ne veut critique, de mettre en évidence les a priori idéologiques d’une parole qui se présente trop facilement comme démystificatrice (avec la complicité d’une opinion professionnelle intéressée).

    Voilà le programme et, étant donné qu’on préfère pérorer plutôt que réfléchir, c’est pas gagné.

    Hache.

  16. Yvonnic said

    Les technocrates sont une plaie réelle car ils ont le pouvoir réel d’influer sur ma réalité de terrain sans la connaître. Je ne peux ni les fuir ni les contrer efficacement. D’autant plus qu’ils ne sont pas accessibles au discours des idées. Ce sont de redoutables pragmatiques.

    Vous n’êtes pas un technocrate, de toute évidence, mais vous en voyez partout. Vous globalisez trop. Ils ne sont pas si nombreux à avoir ce pouvoir réel. Poissenot n’est pas un technocrate.Si je voulais en rire, je vous dirais qu’il n’en a pas les moyens. Mais bon, soyons sérieux, puisque c’est votre souhait (bien que vous dites souvent que le blog ne peut être le lieu du débat, ce que je crois également). Pourquoi voyez vous des nains partout ?

    Parce que vous êtes un idéologue. Vous fonctionnez sur une doctrine qui vous fournit un principe unique à l’explication du réel. Rien ne peut donc vous atteindre puisque vous avez par définition l’explication de tout, causes, conséquences, finalités. Seuls les idéalistes pourraient vous poser problème. Mais ils disparaissent trop vite et deviennent cyniques. Comme moi au fond, et ceux de mon époque,un peu.(Quoi de plus petit-bourgeois que l’idéalisme, d’ailleurs? Quand je pense à tous ceux qui se sont fait tuer pour des idéalistes qui sont morts dans leur lit… mais c’est un autre débat).

    Je vous reconnais ce point : vous n’êtes pas cynique. Vous êtes cohérent, mais jusqu’au monolithisme.

    En ce sens vous pourriez être marxiste car votre façon d’analyser le réel propose un système parfaitement cohérent de représentation et d’explication du social. Sauf que là, ça coince, parce que Marx lui-même dénonçait les idéologues comme porteurs d’un système d’opinions qui servait en réalité les intérêts des classes sociales et conduisait finalement à une perception faussée de la « réalité » sociale, économique et politique, propre à cette classe. Et vos références à votre passé familial sont plaisantes à ce niveau car elles vous rattachent bien, de fait, à une classe. Et vous le revendiquez. Bien que le monde de vos parents ne soit plus. Vous n’avez pas le sens de l’histoire, je vous l’ai déja dit ailleurs, et vous ne voulez pas recontextualiser les choses. Votre cohérence risquerait trop gros à ce jeu. C’est le probleme des idéologues, ils finissent toujours par être immobiles dans un monde qui bouge (d’où ma metaphore de la voiture coincée sur un parking desert, mais vous n’aimez pas les métaphores)

    Alors, sous une apparence de pensée construite et omnipotente, dont le but serait de nous asséner le vrai sens des choses, la fonction réelle de votre discours n’est-elle pas simplement de masquer une situation intolérable ?. Principalement intolérable pour vous, mais souvent aussi pour d’autres. D’où l’oreille complaisante qu’on vous prête souvent. Vous dénoncez ? La belle affaire, nous en sommes tous là. Quel plus bel exemple que Poissenot comme dénonciateur de la soi-disant réalité et des certitudes de la profession….Et pourtant, la réalité profonde de notre situation collective reste au fond toujours masquée, indicible, inaccessible ne serait-ce que par sa trop grande diversité. Il n’y a pas une seule bibliothèque qui ressemble à une autre. Pas une .Et l’expression « La Profession » n’est au fond qu’une vaste imposture.

    Nihiliste ? J’ai vu qu’on vous prêtait souvent ce qualificatif, et je reconnais l’avoir repris moi-même. A tort en fait, car il n’y a qu’un nihilisme qui vaille, le nihilisme actif. Mais ceux là ne sont ni dans la fonction publique ni sur les blogs de la bien-pensance. Ils ont à faire ailleurs. Ils sont mûs par l’urgence. Respect.

    En fait vous ne seriez à la limite qu’un « nihiliste passif », celui du discours et des postures. Donc condamné à la simplification à outrance, forcément. Nihiliste sans bras , au sens nietzschéen du terme :  » Nihiliste est l’homme qui juge que le monde tel qu’il est ne devrait pas être, et que le monde tel qu’il devrait être n’existe pas ». (excusez la citation, vous n’aimez pas cela non plus, je sais). C’est bien vous. On se rapproche.

    Vous êtes coincé. Ah, si vous pouviez prendre la route…Mais n’est pas Kérouac qui veut. Et au moins vous avanceriez.

    S vous voulez me faire plaisir répondez seulement à ma question precedente, et nous aurons fait un grand pas : êtes vous partisan de l’heure du conte, pratique qui marqua historiquement le début de l’irruption du ludique et du convivial dans les bibliothèques ? Soyez au moins darwinien, acceptez l’évolution pour ce qu’elle est. Et ne me sortez pas que l’heure du conte, c’était bien, mais qu’elle a dérivé vers des trucs pas possibles , nani nanère etc…Je considèrerais cela comme une fuite honteuse. Et nous n’aurons plus qu’à retomber dans nos jeux d’ados.

    Oui, je sais, ma tentative de confronter au réel la cohérence de l’ idéologue en sollicitant une réponse de ce genre, est un peu grosse. Mais, bon, on peut toujours essayer non ? D’autant plus que c’est aussi à l’Histoire que vous êtes ici confronté. Or, si vous pouvez critiquer le réel et l’Histoire, vous ne pouvez pas nier un phénomène et sn évolution.

    Et ne me parlez plus des « masses ». Cela réveille mon eczéma (normalement, j’aurais dit hémorroides, mais comme je n’ai plus le droit à l’allusion scatologique…)

  17. Anonyme said

    Je répondrai plus tard à votre message, Yvonnic.

    J’interviens seulement pour vous signaler que le dernier numéro du BBF, consacré aux « textes fondateurs », contient un texte de CP sur la charte du CSB (je sais que vous méprisez le BBF mais allez voir quand même). Dans ce texte, qui recycle encore une fois le fonds de commerce de l’auteur, tout est sujet à caution : affirmations péremptoires sans autre fondement qu’un renvoi au « réel », a priori et raccourcis qui rendent parfois le propos incohérent, contradictions (CP ne s’en rend manifestement pas compte) – le tout enrobé dans une langue académique garantissant le sérieux de la contribution. C’est à se demander si CP a déjà pris la peine d’entrer dans une bibliothèque publique, s’il a daigné jeter un oeil à ce qu’elle contient et observer ce qui s’y passe (il faudrait aussi lui conseiller de se relire).

    Si l’enjeu en valait la chandelle, il faudrait se livrer à un démontage en règle de cette contribution, parce que s’y déploient les merveilles et les procédés de l’idéologie. CP, c’est l’effet Canada Dry : ça a la couleur de la science et l’apparence de la rigueur, mais c’est de la propagande.

    Hache

  18. Yvonnic said

    Mon cher Hache, je dois reconnaitre que la lecture du BBF en question m’a un peu secoué. Moi qui le suis déja un peu par nature…Ah, la question des hommes providentiels n’est pas une fausse question…

    Souvenez-vous que je vous disais dans une réponse du 9 fevrier à propos de Poissenot : « Quelque part son rôle est terminé. Il fréquente désormais les salons. Et il est possible, probable même, que son discours ne devienne peu à peu décalé ou redondant. »

    Manifestement on y est (comme disent les Anglais, mais en anglais)

    En fait Poissenot se trompe de cible en s’attaquant à cette pauvre charte, pour la bonne et simple raison qu’il s’attaque à un cadre en croyant s’attaquer au contenu. Il part du principe que la charte est une définition des bibliothèques. Historiquement c’est totalement faux.
    Relisons avec componction les paroles d’André Miquel en 1991, année d’élaboration de la Charte : « (…) texte de réflexion et de référence destiné en priorité aux élus et aux administrateurs, la Charte doit servir d’inspiration à des mesures réglementaires ou législatives que le CSB appelle de ses vœux. « . La profession manquait cruellement de reconnaissance professionnelle et de référentiel institutionnels, et ce n’est pas la charte de l’Unesco qui pouvait tout remplacer. La démarche était donc excellente. Resituez vous toujours dans un contexte.

    Et, allons plus loin dans la contextualisation, tant pis pour la longueur des citations :

    « Dans ses propres commentaires sur la Charte, le CSB a tenu à marquer quels étaient les points forts de ce document :
    – un texte pour toutes les bibliothèques dépendant des pouvoirs publics qui dispose en première ligne les bibliothèques de lecture publique à partir desquelles un réseau peut se construire ;
    – un appel à la coopération entre les établissements, conçue comme un véritable devoir au bénéfice des usagers ;
    – la nécessité d’un contrôle technique renforcé pour toutes les bibliothèques sur le modèle de celui pratiqué par le ministère de la Culture ; pourtant, dévolution de l’Inspection générale des bibliothèques et certaines dispositions prévues pour ce contrôle suscitent, sur le terrain, réserves et interrogations ;
    – une approche renouvelée du patrimoine qui, dans la lignée du rapport Beghain, met davantage l’accent sur les collections que sur les établissements ; et, en effet, point de bibliothèques municipales classées dans la Charte.
    En explicitant lui-même, in fine, les limites de la Charte, le CSB a peut-être pris le risque d’apparaître en retrait par rapport au souhait exprimé en introduction : inspirer des mesures réglementaires et législatives : incitatrice et complémentaire, la Charre s’exerce à législation constante, notamment au regard des lois de décentralisation ; par son existence même, la Charte démontre l’impossibilité actuelle de dispositions contraignantes qui s’imposeraient aux collectivités et elle en prend acte. »

    Bon, là-dessus Poissenot manque totalement de recul.

    D’un côté il en fait un emblème fédérateur
     » (…) est cité parfois par les professionnels comme un emblème plus qu’il n’est utilisé dans la vie courante des établissements. »
    Voire un point d’ancrage fédérateur de l’unité ( l’unité de la profession étant plus que relative pourtant…) :
    « Tout se passe comme si elle participait à la constitution de l’unité du groupe professionnel par l’affichage de cette référence. Là se trouve une autre de ses limites: comment prendre ses distances avec ce point d’ancrage de la professionnalité (…)»

    Pour finir par l’anathème suprême : le repli identitaire :
     » La Charte formerait ainsi comme le moyen d’un repli identitaire, que l’on peut comprendre, mais qui conduit à privilégier les publics tels qu’ils devraient être plutôt que tels qu’ils sont effectivement aujourd’hui. Cela nuit sensiblement à l’adaptation des bibliothèques aux évolutions technologiques et sociologiques. »

    Et « elle maintient cette institution dans une vision passéiste (…) »

    Il remet en cause la diversité d’une profession qu’il a pourtant souvent relatée, son manque de références communes et d’adaptabilité souvent dénoncé, et dont le « fixisme », comme dirait notre hôte, serait dû à cette union sacrée derrière un texte ancien. Le texte est ancien, donc la dénonciation des « anciennes » bibliothèques s’y raccorde nécessairement. Habile mais faux. Effectivement, nous continuons à citer quelques contenus de la charte dans les préambules des Règlements intérieurs et dans quelques argumentaires à destination des élus (ce qui était la vocation première de la charte). Nous n’avions pas tant de textes auxquels nous raccrocher, faut comprendre. Mais nous voici, dans un fantasme de sociologue unis comme un seul homme derrière notre Jeanne d’Arc, afin de promouvoir une conception de la bibliothèque qui daterait d’Hérode ! Erreur de jugement et méconnaissance surtout de la réalité sociologique de la profession.

    Pour le reste on a affaire à un contresens flagrant sur les contenus : Comme si ce cadre institutionnel pouvait empêcher des contenus nouveaux de voir le jour, nouvelles technologies, place des publics, divertissement. La preuve que non, puisque ces contenus existent et perdurent et que la nouvelle bibliothèque est déjà en marche ici et là, et que lui-même se plait à les signaler quant il en découvre au hasard des créations . Ce qui prouve bien que la Charte n’a pas et n’a jamais eu vocation de modèle d’une part et d’autre part n’influe pas sur les contenus ni n’interfère sur les évolutions des missions. En fait il confond contenant et contenus.

    « C’est ainsi qu’une partie des professionnels peuvent privilégier la conformité au modèle de bibliothèque que la Charte propose »

    Ah, une « partie » des professionnels » seulement, il ménage son public tout de même

    « L’article 23 de la Charte fournit une définition de la bibliothèque. C’est d’abord une collection de documents, ensuite un personnel qualifié, et enfin un « local ». La présentation des éléments et leur ordre révèlent une hiérarchie au sommet de laquelle se trouve la collection. »

    Pas de définition d’action, de trajectoire ou de dynamique d’établissement là-dedans, ni de hiérarchie, ni donc de définition, mais un simple cadre matériel défini à minima et n’empêchant évidemment en rien l’entrée d’autres éléments (qui n’existaient pas en 1991)

    Le sommet se trouve atteint dans cette phrase :

    « Dans le domaine de la lecture, Daniel Pennac avait, non sans succès, à la même période que la publication de la charte, accordé comme premier droit au lecteur celui « de ne pas lire ». Ce faisant, il avait fait prévaloir le point de vue des individus sur eux-mêmes par rapport au droit à l’accès au livre. La métaphore du couple pourrait éclairer notre propos: ce serait comme si la Charte posait le droit au bonheur conjugal sans poser celui du libre choix du conjoint et du respect de l’individu à l’intérieur de la relation conjugale. »

    La charte de Pennac se trouve placardée dans beaucoup de bibliothèques, ce qui montre bien que nul dans la profession n’y voit une entorse à nos principes « fondateurs » d’une part et elle affirme d’autre part que la lecture reste un acte individuel, ce dont personne ne doute depuis longtemps. Quant à la métaphore du couple elle pose un gros problème car elle met sur le même plan une question individuelle de choix entre deux individus et la question du rapport entre un texte institutionnel et toute une profession, ce qui est un peu osé pour un sociologue.

    Je suis déçu par une telle méconnaissance de la profession. Poissenot devait se heurter un jour ou l’autre à certaines réalités de terrain qui lui échappent bien naturellement. C’est fait. Il veut refaire (rénover) une Charte tout en nous disant en conclusion : « Dans ces conditions, on ne voit pas en quoi elle peut être utile ».

    Je terminerai par une métaphore ridicule et infantile, mais que je trouve adaptée : Pendant la 2° guerre mondiale, il y avait deux sortes de bombardements, les bombardements en piqué, utilisés par les européens, et qui permettaient de mieux cibler l’impact (ou de mieux impacter la cible, décidemment, ces mots…) mais comportaient des risques pour les pilotes. Et les bombardements de type américain « le tapis de bombes » où l’on balançait au jugé et de hauteurs impressionnantes, sans rien voir de la cible, des quantités de bombes sur à peu près tout. Les américains ont inventé la guerre qui tue plus de civils que de cibles militaires. Merci à eux.

    Poissenot est passé du bombardement en piqué au tapis de bombes. Tout y passe. La victoire est au bout. Ce qui ne retire rien au mérite de son analyse initiale et j’y insiste. Il nous a tendu la perche. A nous de la reprendre. Il a atteint son seuil de Peter. S’il persiste, il risque de tomber dans l’imposture. Ce qui serait dommage. Il est temps que la profession se réapproprie le discours sur les bibliothèques en n’oubliant pas les constats indispensables du sociologue, délivrés à un instant crucial de l’évolution de la profession.

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